Légendes : Richard Lynch
Un profil d’aigle, un regard perçant, des cheveux blonds, 1m83, un grain de peau pour le moins inhabituel, très fin, presque lisse… C’est ainsi que Richard Lynch se présente sur les écrans dès 1973, dans L’Épouvantail. Le look du parfait méchant. Avec ce visage plutôt inquiétant, il semble être né pour incarner des vilains stylisés. En fait, Richard Lynch « doit » son physique à l’emprise du LSD. Un jour de juin 1967, il en absorbe beaucoup trop, et, en plein Central Park, s’arrose d’essence, puis gratte une allumette. À l’instant même où son cerveau réagit à l’embrasement, le jeune homme se roule dans l’herbe, dans l’espoir d’éteindre les flammes. Des passants l’aideront. Brûlé à 70 %, il passe pour mort une fois arrivé à l’hôpital. Puis c’est le début de presque un an de traitements, de thérapies, de douleurs terribles. « J’étais fou » déclare-t-il avant de se corriger : « Non, pas complètement. J’en suis arrivé là pour différentes raisons. Les drogues d’abord. Je les avais pratiquement toutes expérimentées ! Mais il y avait autre chose : l’hérédité. Mon père était un alcoolique, il est mort dans des conditions horribles. Si, peu à peu, mon corps s’est purgé de toutes ces substances, je n’en étais pas moins une loque. Sorti du centre de rééducation, ne sachant pas où aller, je suis revenu chez ma mère. J’y ai continué à me battre, juste pour exister. À un moment, il a bien fallu que je m’engage dans une voie. Soit je m’enfermais dans un monastère, soit je reprenais le cours de ma carrière de comédien, même si je me doutais que peu de gens voudraient de moi. ». Faux : il est contacté par les promoteurs du documentaire LSD : Trip to Where ?, pamphlet antidrogue où Lynch témoigne de sa descente aux enfers.
MON AMI AL PACINO
Né le 12 février 1940 à Brooklyn, Richard Lynch grandit dans une famille d’origine irlandaise de six enfants. Père ouvrier du rail, scolarité dans des écoles privées catholiques dont les élèves sont à 98 % noirs et, à 16 ans, l’adolescent s’engage dans les Marines. « J’ai marché sur les traces de mon frère aîné » admet-il. « J’étais alors un petit dur, pas vraiment un délinquant, mais quelqu’un qui aurait pris le mauvais chemin si l’armée ne lui avait pas mis un peu de plomb dans la tête. J’en ai vraiment bavé dans les Marines, même si cela a été très formateur. » Quatre ans sous l’uniforme de la Sixième Flotte à parcourir le monde, surtout le Moyen-Orient, Beyrouth, la frontière syrienne… Caporal, Richard Lynch revient à la vie civile et tente de reprendre des études qu’il avait autrefois négligées. Recalé : il n’a pas le niveau. « J’ai cependant intégré un programme qui, en échange d’heures de travail pour la New York University, m’a permis de suivre certains cours du soir » explique-t-il, lui qui fréquente, en ce début des années 60, toute la faune artistique de Greenwich Village. L’occasion unique de se cultiver. Une vie de bohème certes, mais il faut manger, payer ses factures. Ce qu’il fait en décrochant un travail de gardien de nuit dans l’hôtel où il réside ! « Un jour, le responsable du service nocturne, un ancien acteur qui avait côtoyé Steve McQueen et George Maharis, m’a dit : « Toi, tu devrais être comédien ! ». Et voilà comment tout a débuté. » Et le bonhomme en question de lui présenter Herbert Berghof, l’un des professeurs d’art dramatique les plus réputés de New York. Puis Richard Lynch passe tout naturellement au théâtre, non sans avoir touché son premier cachet pour Lamp Unto My Feet, un programme religieux destiné à la chaîne CBS. À Broadway, il brûle les planches entre Anne Bancroft et Jason Robards dans Les Diables, pièce dont Ken Russell fera ensuite le film que l’on connaît. D’autres suivront, souvent payées au lance-pierre… « J’ai ensuite passé le concours d’admission à l’Actors Studio. J’ai été reçu. Je traînais à l’époque avec des types qui s’appelaient Robert De Niro et Al Pacino. Le Parrain n’était pas encore sorti quand je jouais avec Al au théâtre, à Boston. Un jour, il m’a demandé : « Veux-tu faire un film avec moi ? ». » Et Richard Lynch de répondre « Oui, pourquoi pas ? », convaincu que le rôle se résumera à ouvrir une portière de voiture. « J’étais loin de me douter qu’il se trouvait en si bonne position au générique, en troisième. » Un peu plus loin en réalité, mais le personnage – un marginal incarcéré qui viole le vagabond joué par Al Pacino – frappe les esprits. Richard Lynch impressionne par sa présence, l’intensité de son jeu, cette menace qu’il laisse toujours planer, y compris lorsqu’il se tient tranquille. « Pourtant, ce n’était pas gagné » déclare-t-il. « J’ai commencé à jouer ce rôle comme je l’aurais fait au théâtre. La chose à ne pas faire. Heureusement, Jerry Schatzberg, le réalisateur, et Al ont fait preuve de patience. En revanche, Gene Hackman me regardait d’un sale oeil. Il a dit : « C’est qui ce clown ? ». Plus tard, après avoir vu les rushes, il est venu me serrer la main. « Grande performance ! » m’a-t-il complimenté. Parrainée par Gene Hackman et mon ami Al Pacino, ma carrière au cinéma était lancée. »
L’APPRENTI MÉCHANT
Effectivement, le retentissement de L’Épouvantail est tel que tous les producteurs et réalisateurs se posent la même question : « Comment s’appelle ce gars ? ». Du pain béni pour le comédien et son agent. Dès lors, Richard Lynch n’arrêtera pratiquement jamais de travailler. Dans le polar, avec Police puissance 7, le blaxploitation The Baron, Des nerfs d’acier, les séries Serpico, Les Rues de San Francisco, Baretta, Sergent Anderson et même trois épisodes de Starsky et Hutch. Et dans le fantastique, avec The Premonition et Meurtres sous contrôle, dont les réalisateurs, respectivement Robert Allen Schnitzer et Larry Cohen, exploitent merveilleusement le potentiel d’étrangeté du comédien. Le premier lui confie le rôle d’un mime dans une fête foraine, le second celui d’un Christ extraterrestre androgyne. « Franchement, je ne savais pas très bien à quoi m’en tenir avec Meurtres sous contrôle » avoue Lynch. « Le scénario était tellement bizarre… Mais, pour être franc, peu m’importait. J’étais jeune, j’avais un enfant en bas âge et j’avais besoin de travailler. Le théâtre payant mal, je prenais tout ce qu’on me proposait au cinéma et à la télévision. Qu’importe l’importance du rôle, qu’il s’agisse d’une grosse production ou d’un petit budget. » Richard Lynch avoue ne pas faire le difficile, se laisser porter par le hasard des engagements. Un jour, le voilà en Espagne, avec Peter Fonda et John Phillip Law, vétérans du Vietnam chasseurs de gibier humain dans La Chasse sanglante. Un autre jour, il atterrit dans les studios les plus miteux de Californie pour animer Les Gladiateurs de l’an 3000 dans les habits d’un promoteur de jeux du cirque futuristes. « Roger Corman a non seulement produit le film, mais il l’a aussi en grande partie réalisé » se rappelle le comédien. « Le premier réalisateur, Nicholas Niciphor, posait problème à tout le monde. À David Carradine, à Claudia Jennings… Roger a fini par le virer et l’a remplacé pendant deux ou trois semaines. Sur La Chasse sanglante, Peter [...]
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