Légendes : Ralph Bates

Qui dit « Bates » dit presque systématiquement « Norman Bates », le héros de la saga Psychose. Mais c’est aussi le nom de Ralph, comédien français par sa mère, qui apporte du sang frais au cinéma fantastique gothique anglais du début des années 1970. D’abord chez la Hammer, ensuite chez d’autres, presque toujours voué à incarner des méchants hautains, retors, intelligents, séduisants.
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Quand on parle des stars de la Hammer, les noms de Christopher Lee et Peter Cushing sont naturellement les premiers qui viennent à l’esprit. Pourtant, à l’aube des années 1970, un autre comédien sort du lot, très discrètement d’abord. Son nom : Ralph Bates. Le temps de la relève est-il arrivé ? Peut-être bien, le tandem de Frankenstein s’est échappé, du Cauchemar de Dracula et de six autres films de la firme commençant à sérieusement se lasser de reprendre toujours les mêmes rôles, dans les mêmes costumes. Place aux jeunes. Ou plutôt, au jeune : Ralph Bates, à peine 30 ans à l’époque.
Rien dans son parcours ne prédestinait ce comédien à côtoyer vampire et autres créatures. Venu au monde le 12 février 1940 à Bristol, Bates présente une filiation pour le moins inattendue : il est l’arrière-arrière-petit-neveu de Louis Pasteur ! Sa mère étant française, il passe l’essentiel de ses vacances scolaires dans l’Hexagone. Mais à l’issue de ses études au Trinity College de Dublin, il ne se voit ni chercheur ni médecin, pas plus que psychiatre, profession de ses parents. Vaguement tenté par des études de droit, le jeune homme penche vite vers sa passion de toujours : l’art dramatique. « Mes parents ne s’y sont pas opposés » confie-t-il. « Au contraire, ils m’ont encouragé à faire ce que je souhaitais, sous réserve que j’achève mes études secondaires. » C’est justement durant celles-ci, dans la troupe des Players, que le jeune Ralph Bates se produit dans la pièce The Life and Death of Sir Walter Ralegh, une tragédie historique située durant le règne de la reine Elizabeth. Titulaire d’une bourse, il poursuit son apprentissage de l’autre côté de l’Atlantique, à l’université de Yale. Mais s’il s’imagine déjà tenter sa chance à Hollywood, l’étudiant doit revenir en Grande-Bretagne, faute d’un permis de travail. Il fait le voyage accompagné de sa première femme, Joanna Van Gyseghem. Retour au pays donc, et au théâtre, avant que la télévision ne fasse appel à ses services via, tout d’abord, la série comique Broad and Narrow qui annonce le Monty Python’s Flying Circus. S’il revient occasionnellement aux planches avec, entre autres, La Mégère apprivoisée et L’École des femmes, Ralph Bates se consacre de plus en plus au petit écran, multipliant les prestations mineures avant que son interprétation de Caligula dans la série The Caesars ne le sorte définitivement de l’ombre.



SUR LES DENTS 
Ralph Bates fait son entrée dans le cinéma fantastique – et dans le cinéma en général – en 1970 dans Une messe pour Dracula. Il n’endosse toutefois pas le rôle du vampire, bien qu’à cette époque, la Hammer réfléchisse à remplacer un Christopher Lee constam ment sur le point de claquer la porte du studio. Si cela s’était produit, le studio se serait rabattu sur un plan B. B pour Bates. Mais la Warner, qui distribue le film aux USA et le finance en partie, obtient le retour de la star récalcitrante. Mauvaise nouvelle pour Ralph Bates qui, du coup, hérite d’un rôle moins exposé. Celui de Lord Courtley, un aristocrate banni par sa famille à cause de ses pratiques occultes et qui organise une cérémonie sataniste afin de ressusciter le maître vampire. Mais lorsque Dracula revient à la (non) vie, Courtley est déjà mort, copieusement rossé par les notables qui s’étaient joints à lui. Dans l’éventualité où Christopher Lee n’aurait pas incarné Dracula, la messe noire aurait abouti à la transformation de Courtley en vampire, lequel aurait ensuite fondu sur ses trois acolytes. Si le rôle de Ralph Bates est court, il n’en est pas moins marquant, malgré des circonstances compliquées. « Ralph était très nerveux le premier jour de tournage d’Une messe pour Dracula » témoigne son réalisateur, Peter Sasdy. « Sans expérience du cinéma, il devait surtout donner la réplique à trois comédiens chevronnés : Geoffrey Keen, John Carson et Peter Sallis. Très intimidant pour lui. Au terme de plusieurs heures et d’un nombre important de prises, il n’était toujours pas parvenu à mémoriser son texte. Le tract le rongeait. J’ai donc demandé à ses trois partenaires de passer à autre chose, de manière à ce que je puisse répéter avec lui. Après une courte conversation, nous avons repris la prise. J’espérais que, cette fois, il connaîtrait ses dialogues au mot près, sans le moindre trou de mémoire, et ce fut le cas. Sa performance est splendide. » Le comédien admet lui aussi que cette première expérience n’a pas été une sinécure : « Je tremblais tellement que Peter Sasdy m’a essentiellement filmé en gros plan ! ».
La messe noire en boîte, le réalisateur enchaîne sur la séquence où Courtley fait irruption dans le lupanar où ses complices se prélassent en charmante compagnie. « Les plans prévus filmés, j’ai entendu Peter Sasdy dire : « On passe maintenant à la version continentale ! » » se souvient Bates. « Intrigué, j’ai pensé : « La version continentale… De quoi s’agit-il ? ». Je n’en avais aucune idée. J’ai pensé qu’on allait varier les lumières, changer d’angle de caméra… Et me revoilà dans le décor, prêt à recommencer, à ouvrir les portes des chambres ou à en tirer les rideaux. Et que vois-je ? Les filles seins nus alors qu’elles étaient auparavant habillées, légèrement vêtues certes, mais tout de même vêtues. C’est ainsi que j’ai découvert ce que « version continentale » signifiait chez la Hammer : davantage de sexe et de gore pour le Japon, ainsi que d’autres pays. »
En dépit du stress du comédien, les scènes d’invocation de Dracula constituent l’un des meilleurs moments d’Une messe pour Dracula. Un film que Bates dit être son préféré parmi les cinq qu’il tourne pour la firme, même s’il regrettera toujours de ne pas avoir rencontré Christopher Lee sur le plateau. Les patrons du studio se montrent tout aussi satisfaits que Peter Sasdy de la prestation du nouveau venu. Un contrat en vue ? « Non, non » assure le comédien, « je n’ai tourné qu’au coup par coup pour la Hammer. On ne me l’a jamais offert !»



FRANKENSTEIN JUNIOR 
Le deuxième « coup » se présente rapidement à Ralph Bates, quelques semaines à peine après Une messe pour Dracula. Il s’agit des Horreurs de Frankenstein, sixième opus de la franchise, dont la particularité est d’être une préquelle mettant en scène un Victor Frankenstein plus jeune que celui incarné treize ans plus tôt par Peter Cushing dans Frankenstein s’est échappé. Plus jeune, et aussi plus radical dans son mode opératoire. Privé des largesses familiales, il provoque la mort de son père, hérite de sa fortune, puis engrosse la fille du doyen de l’université de Vienne dont il est renvoyé. Sans état d’âme, plus arrogant et jouisseur que jamais, Frankenstein n’en reprend pas moins ses expériences et réussit à fabriquer un monstre à partir de divers abats humains. Un rôle parfait pour Ralph Bates, Cushing étant de facto écarté de ce qui, à l’origine, s’apparentait à un simple remake de Frankenstein s’est échappé. Un retour aux sources qui ne se déroule pas exactement comme prévu, Jimmy Sangster refusant de refaire à l’identique le film dont il rédigea le script en 1956. Cette fois réalisateur et scénariste, il refuse d’abord d’engager Ralph Bates. « James Carreras, le patron de la Hammer, venait de l’employer dans Une messe pour Dracula et pensait qu’il serait parfait en Victor Frankenstein » atteste-t-il. « Il voyait en lui en sex-symbol, quelqu’un de plus apte à attirer les jeunes dans les salles que Christopher Lee et Peter Cushing. Personnellement, je doutais fort qu’il soit à sa place dans ce rôle. J’ai néanmoins accepté de le rencontrer. Ralph m’a immédiatement impressionné et, à la fin de notre entrevue, je n’avais plus aucun doute sur sa capacité à jouer le personnage, à le renouveler. Il possédait cette qualité rare de pouvoir dégager une certaine dangerosité tout en se montrant tout à fait charmant, séducteur. J’ai apprécié chaque minute que j’ai passée à ses côtés sur le plateau. Je n’ai jamais connu d’expérience aussi agréable chez la Hammer que les six semaines de tournage des Horreurs de Frankenstein, et c’est surtout grâce à lui. Ralph et moi sommes devenus si bons amis qu’il m’a plus tard demandé d’être le parrain de son fils, William. » 
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