Légendes : LA SAGA CONAN 1ère partie

La superstar de l’heroic fantasy, taillée sur mesure pour le genre. Arrivé tardivement au cinéma, Conan s’y impose immédiatement avant de connaître de sévères déconvenues et de perfides trahisons télévisuelles. Mais le départ fut fulgurant, sous la double houlette de John Milius et Arnold Schwarzenegger…
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Un jour, j’ai invité Edward Summer à venir visionner avec moi un montage provisoire du documentaire Pumping Iron. Je le connaissais bien pour avoir travaillé avec lui sur la campagne publicitaire de Phantom of the Paradise. La personnalité de son principal protagoniste, Arnold Schwarzenegger, m’a tapé dans l’oeil. J’ai pensé tout haut : « Ce type possède quelque chose de spécial. Il faudrait que je lui trouve un rôle à sa mesure. ». » Des propos tenus par Edward R. Pressman, un producteur qui, aussi modeste soit-il à l’époque dans le microcosme hollywoodien, n’en a pas moins donné sa chance à Brian De Palma avec, justement, Soeurs de sang puis Phantom of the Paradise. Le début de tout, un simple constat…

À la question de son ami, Edward Summer s’exclame : « Conan ! ». Les deux hommes foncent aussitôt dans un magasin de comic-books et feuillettent fébrilement les bédés à la gloire d’un personnage alors plus célèbre en tant que héros Marvel que sous sa forme initiale de figure littéraire. Pourtant, c’est bien sous la plume d’un romancier que le personnage nait en 1933. Un certain Robert E. Howard, un Texan. Une personnalité atypique : paranoïaque, tourmenté, introverti et suicidaire, il soulève avec pugnacité poids et haltères dans le seul but de se bâtir un physique dissuasif déjà caractérisé par une taille proche des deux mètres. Talentueux, Robert E. Howard gagne fort bien sa vie en abreuvant de nouvelles de science-fiction, d’aventures fantastiques et de surnaturel, les magazines « pulp » de l’époque. Un touche-à-tout à la production pléthorique, dont la plupart des héros se singularisent par des tempéraments implacables, d’impressionnantes carrures et une propension à tout casser en cas de contrariété : Kull, Solomon Kane, Turlogh O’Brien, Steven Costigan, El Borak, Kid Allison… « Des gens simples » reconnaît l’écrivain. « Si vous les placez dans une situation difficile, personne ne s’attendra à les voir se creuser les méninges pour inventer des moyens ingénieux et pleins d’astuce pour s’en extirper. Ils sont trop stupides pour faire quoi que ce soit d’autre que tirer, cogner et trancher pour s’en sortir. » Conan n’échappe pas à cette règle, lui que Robert E. Howard met longtemps à coucher sur le papier. « Certains mécanismes de mon subconscient ont combiné en un seul personnage des gens avec lesquels j’étais entré en contact : des boxeurs, des possesseurs d’armes à feu, des contrebandiers d’alcool, des ouvriers du pétrole, des joueurs et d’honnêtes travailleurs. Leur amalgame a produit Conan. » Conan le Cimmérien, fils d’une époque lointaine et imaginaire : l’âge hyborien, situé 12 000 ans avant notre ère, au lendemain de la submersion de l’Atlantide. Partagée entre une multitude de royaumes, la civilisation peine à prendre forme, constamment remise en question par la loi du plus fort.

Au succès croissant de Conan, Robert E. Howard ne goûtera en réalité que très peu, puisque le 11 juin 1936, il se tire une balle dans la tête après avoir appris que sa mère était sur le point de rendre l’âme. 

FAUX DÉPART

Avec le héros de Robert E. Howard, Edward Summer et Edward R. Pressman débusquent un personnage taillé sur mesure pour un Arnold Schwarzenegger en quête de célébrité. Si le culturiste aspire à la conquête de Hollywood et, à terme, à se hisser au rang « de la star la mieux payée au monde », il lui faut patienter, handicapé par le faux départ d’Hercule à New York, mais aussi par un nom imprononçable, un accent à couper au couteau et un physique hors du commun. Certes, un rôle quasi autobiographique de cador de la gonflette dans Stay Hungry lui vaut le Golden Globe du Meilleur Débutant., mais personne ne voit vraiment en lui la superstar de demain. 

« Conan, connais pas ! » répond l’Autrichien aux deux Edward venus le démarcher. Il hésite d’abord puis, au cours d’un déjeuner en tête à tête avec Pressman, sur Sunset Trip, perçoit tout le potentiel du projet. La conviction du producteur porte ses fruits, efficacement soutenue par les illustrations de Frank Frazetta, auteur d’une multitude de couvertures représentant le personnage. Schwarzenegger se voit déjà dans les peaux de bête de ce Conan taciturne et toujours sur le point de fracasser un crâne. 

Malgré son soutien, Edward R. Pressman rame cependant à trouver un financement. « Personne n’en voulait. Conan intéressait d’autant moins que tous croyaient que j’avais en tête un péplum. » Un genre tombé en désuétude une dizaine d’années plus tôt. Rien ne sert au producteur d’étaler les comic-books, de parler d’Arnold Schwarzenegger comme d’une future star, et d’insister sur les espoirs qu’il place dans première version du scénario signée Edward Summer. « Il s’agissait plutôt d’un traitement très développé » affirme ce dernier. « Je l’ai écrit avec Roy Thomas, un scénariste de Marvel dont la connaissance des nouvelles de Robert E. Howard dépassait la mienne. Nous avons opéré dans des conditions particulières : Edward R. Pressman n’ayant pas formellement identifié le propriétaire des droits, nous ne pouvions pas faire précisément référence à telle ou telle aventure dans le récit. Ce traitement était davantage dans l’esprit de Robert E. Howard qu’adapté de Robert E. Howard. C’est également pour cette raison que nous nous sommes appuyés sur un arc scénaristique particulièrement flexible, base narrative de cinq films dans les scripts desquels nous aurions ensuite intégré des portions importantes de l’univers de l’écrivain. Le deuxième commençait par une bataille navale et un naufrage. Je partais du raisonnement que, si le premier rencontrait un certain succès, on trouverait bien une solution pour reprendre plus clairement les idées de Howard. » 

À la rentrée 1977, Edward Pressman et les avocats des parties qui se disputent les droits du personnage trouvent la solution à l’imbroglio en créant Conan Properties Inc, une entité juridique où cohabitent donc Glenn Lord (l’agent de Robert E. Howard) et L. Sprague de Camp (« rewriter » des histoires laissées inachevées par le défunt, dont il se proclame légataire universel). Une initiative qui débloque une situation complexe, à l’origine du renoncement, à la fin des années 60, de Ray Harryhausen de porter Conan à l’écran. Un grand pas en avant et au même moment, un autre en arrière, Paramount exigeant, contre un budget de 2,5 millions de dollars, l’assurance d’un « scénariste de renom » au générique. Le traitement d’Edward Summer et Roy Thomas part donc à la corbeille.

 

RÉSURRECTION

Edward Pressman trouve ce scénariste « de renom » en la personne d’un certain Oliver Stone, titulaire de l’Oscar pour Midnight Express. « Sans se mettre la moindre barrière, il s’est lancé dans une histoire ambitieuse, pleine de batailles. Une histoire très violente qui aurait coûté 40 millions de dollars ! » Avec un Conan particulièrement loquace à la tête d’une véritable armée, des guerriers mi-hommes mi-cochons, des chiens à trois têtes, des mutants nés de manipulations génétiques… Un ensemble essentiellement adapté de deux nouvelles de Robert E. Howard (Le Colosse noir et Une sorcière viendra au monde) et nécessitant un budget faramineux pour le début des années 80. Trop cher pour Paramount, qui se retire du projet.

Cette histoire démentielle, Oliver Stone s’imagine la mettre en images. Mais ni sa réputation grandissante de scénariste, ni l’expérience d’un premier long-métrage (Seizure) [...]

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Commentaire(s) (1)
banditmanchot
le 06/02/2017 à 13:31

Hahahahahah : "une boisson d'homme". Juste parfait.

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