Légendes : Kolchak : The Night Stalker

Avec les 20 épisodes qui la composent, la série KOLCHAK : THE NIGHT STALKER – DOSSIERS BRÛLANTS arrive enfin en DVD (en deux volumes chez Éléphant Films). L’occasion unique de revenir sur un personnage de limier du surnaturel sans lequel le Fox Mulder de X Files n’aurait probablement jamais vu le jour…

1993. Quand on l’interroge à propos de ce qui l’a conduit à créer X Files, Chris Carter répond sans détour : «The Night Stalker, Kolchak ! Enfant, cette série m’a flanqué une trouille de tous les diables. Bien des années plus tard, elle m’a fortement inspiré. ». Il reconnaît même sa dette en invitant son interprète, Darren McGavin, à incarner l’agent du FBI Arthur Dales, ami du père de Fox Mulder, dans deux épisodes de X Files. 

En France, The Night Stalker, qu’on appelle aussi du nom de son héros, Kolchak, n’évoque pas grand-chose pour le grand public. La série ne nous arrive que sur le tard, en 1989, programmée en crypté par Canal+ sous le titre passe-partout de Dossiers brûlants. Quant aux deux téléfilms qui la précèdent, ils demeurent, encore aujourd’hui, purement et simplement inédits.

Tout commence donc par un modeste téléfilm d’une heure quinze. Ou plutôt par un roman alors non publié de Jeffrey Grant Rice, ancien journaliste, qui se passionne depuis toujours pour le cinéma fantastique. Logique dans ces circonstances qu’il décrive son livre comme « la rencontre de Dracula et du film Spéciale première. » Spéciale première parce que le héros de The Night Stalker est un journaliste frondeur, fouineur, constamment sur la brèche : Carl Kolchak. « Au début des années 60, j’ai travaillé dans un quotidien, le Sun » précise-t-il. « J’y ai côtoyé Alan Jarlson, un reporter qui changeait régulièrement de supports, quittant l’un pour l’autre au rythme des conflits avec ses rédacteurs en chef et éditeurs. Il m’a servi de modèle pour Kolchak, même si j’ai également puisé dans mes pensées et mes émotions de cette époque afin d’élaborer le personnage. »

 

DRACULA À LAS VEGAS 

Deux ans après avoir quitté le Sun, après être passé par les relations publiques d’un fonds de placement et celles d’un grand hôtel tout en brûlant les planches auprès de troupes amateurs de théâtre, Jeff Rice rassemble ses notes dans la perspective d’un roman. Des éléments autobiographiques, d’autres de pure fiction… « Il fallait que l’histoire traite d’un vampire et qu’elle se situe à Las Vegas » où il réside. Un cap précis, qu’il tiendra jusqu’au bout. Rice achève son livre le soir même de Halloween 1970. Il le confie ensuite aux bons soins de l’ami d’un ami, agent artistique de son état, et notamment représentant de Richard Matheson. « L’un de mes écrivains préférés » s’enthousiasme le romancier en herbe qui, très vite, déchante. Si, naturellement, l’agent en question met Richard Matheson sur le coup et présente The Night Stalker à la chaîne ABC, il ne l’en informe pas. « Ignorant de toutes les procédures, je n’avais pas enregistré le roman au bureau du copyright. Il se trouvait sans protection ; n’importe qui aurait pu le plagier sans me verser le moindre dollar. J’ai obtenu le copyright après avoir en avoir imprimé quelques exemplaires que des amis ont eu la gentillesse d’acheter. »

In extremis, Jeff Rice retombe sur ses pieds. Non sans s’être assuré les services d’un nouveau représentant et avoir laissé au premier le soin d’officialiser en bonne et due forme un contrat d’adaptation avec Richard Matheson, il peut sereinement suivre l’adaptation de son manuscrit à l’écran. « Le scénario reprend 75 % du livre » insiste-t-il, guère contrarié que Matheson fusionne plusieurs personnages en un seul, supprime les prédispositions génétiques de son héros aux légendes… « D’origine hongroise ou roumaine, le Kolchak du livre croyait d’emblée aux vampires, au surnaturel » atteste le scénariste. « J’ai éliminé cette facette de sa personnalité pour me concentrer sur ses activités purement journalistiques. »

Le script prêt, à qui l’envoyer ? ABC désigne Dan Curtis qui, pour avoir longtemps piloté la série vampirique Dark Shadows et tenu les rênes de The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde avec Jack Palance, passe, à juste titre, pour être l’un des meilleurs spécialistes du fantastique de la télévision américaine. « Oh non, pas encore » réagit cependant ce dernier lorsque le projet lui parvient. « Responsable du téléfilm de la semaine sur ABC, Barry Diller m’a appelé pour me proposer The Night Stalker. Je n’ai d’abord pas répondu avec enthousiasme car, non seulement, j’en avais assez des vampires, mais je voulais surtout quitter la production TV afin de me consacrer au cinéma. Je lui ai néanmoins demandé qui en était le scénariste. À la seule citation du nom de Richard Matheson, j’ai pratiquement fait volte-face ! Mon écrivain favori. Aussitôt avais-je reçu son script que je l’ai lu. Il m’a emballé ! Oui, The Night Stalker parlait bien de vampire, mais il apportait des éléments nouveaux à leur mythologie. » Comme un cadre contemporain (Las Vegas) en rupture avec les châteaux et manoirs sinistres de la tradition, une intrigue construite selon les règles du polar, un personnage principal loin de l’habituel disciple de Van Helsing, un humour cinglant… « En revanche, si j’étais enthousiasmé par la présence de Richard Matheson, la réciproque n’était pas vraie. Un peu plus tôt, il avait mal pris mon offre vraiment très basse, 10 000 dollars, en échange des droits de son roman de guerre, The Beardless Warriors. Nous nous sommes finalement rencontrés pour la première fois dans les bureaux d’ABC. Richard était un peu inquiet parce qu’on lui avait parlé de mon mauvais caractère. La glace brisée, je lui ai montré l’exemplaire du scénario que j’avais annoté. À ce moment, il a dû se dire : « Ce type sait peut-être de quoi il parle ! Je vais lui donner sa chance ! ». » Pourtant, l’entente cordiale manquera plus tard de voler en éclats. Lorsque, de passage à Las Vegas, Richard Matheson s’invite sur le plateau de The Night Stalker. « Là, je suis tombé sur un exemplaire du script couvert de ratures. Des passages entiers étaient barrés » raconte le scénariste. « Un vrai massacre. Furieux, j’ai précipitamment quitté les lieux, convaincu que mon histoire subirait de gros changements, une trahison. En voyant le film, j’ai découvert qu’il n’en était rien. Grosso modo, ce que j’avais écrit se trouvait à l’écran. » Il peut donc autoriser la mention au générique de son nom, qu’il avait auparavant menacé de retirer. C’est le début, entre Richard Matheson et Dan Curtis, d’une longue et fructueuse collaboration, renforcée d’une solide amitié.

 

DU DÉLIRE

« Ayant donné mon accord pour une implication en tant que producteur, je me suis mis en quête d’un réalisateur » poursuit Curtis. « Je me suis souvenu de John Llewellyn Moxey que j’avais rencontré en Angleterre, au moment où je recherchais quelqu’un pour diriger Jason Robards dans un Dr. Jekyll and Mr. Hyde écrit par Rod Serling. J’avais grandement apprécié son travail sur la série Armchair Theatre. Malheureusement, Dr. Jekyll… s’est monté plus tard, avec un autre scénario et un autre acteur. John a immédiatement accepté mon offre. » 

Bien sûr, il faut ensuite trouver un interprète pour le journaliste fureteur. « Pour incarner Carl Kolchak, j’ai instantanément pensé à Darren McGavin. Aucun autre nom ne m’a effleuré l’esprit » insiste le producteur. « Il s’est approprié le rôle, lui a apporté beaucoup de son propre caractère. »

Auparavant guest-star d’une quantité impressionnante de séries TV et vedette de quelques autres (Mike Hammer, Riverboat, The Outsider), Darren McGavin s’empare effectivement du personnage. Sa participation n’était pourtant pas acquise. « Mon agent m’a annoncé qu’il venait de recevoir d’ABC ce script sans queue ni tête parlant d’un vampire à Las Vegas » rigole-t-il. « Selon lui, je pouvais m’abstenir de le lire. Je l’ai néanmoins fait, et j’ai adoré. À ce moment précis, The Night Stalkern’avait encore ni producteur, ni réalisateur. » Un récit quelque peu différent de celui de Dan Curtis mais, quelle que soit la chronologie, Darren McGavin redessin [...]

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