Légendes : Fay Wray

La première grande vedette féminine du cinéma fantastique. Même si son règne n’a été que de courte durée : un peu plus de trois années, marquées par un rôle qu’il l’a rendue immortelle…
Array

Le 8 août 2004, une ancienne comédienne s’éteint paisiblement à Manhattan. Âgée de 96 ans, elle s’appelait Fay Wray, née le 15 septembre 1907 à Cardston, au plus profond du Canada rural. Ironie du sort, elle rend son dernier souffle non loin de l’Empire State Building, dont elle disait : « Tantôt, j’ai l’impression qu’il m’appartient. Tantôt, j’ai l’impression que je lui appartiens. ». Une déclaration lourde de sens, car si l’actrice attendra de longues années avant d’emprunter l’un des ascenseurs du gratte-ciel new-yorkais, le bâtiment reste inextricablement lié à son image depuis 1933, l’année de King Kong. Fay Wray y interprète Ann Darrow, actrice au chômage qui, entraînée par un réalisateur en quête de sensations fortes, se retrouve sur une île perdue, livrée par des autochtones à un gorille géant, Kong. « La belle qui charma la bête », la présente Billy Crystal aux Oscars 1998. Nul doute que la plupart des convives la croyaient morte depuis belle lurette, elle qui, quelques années plus tôt, avait rejeté l’offre d’incarner la Rose nonagénaire de Titanic.
En 2004, en dépit du refus essuyé par James Cameron, Peter Jackson tente sa chance, rêvant de voir Fay Wray apparaître, même furtivement, dans son remake de King Kong. Il est accompagné de Naomi Watts, nouvelle titulaire du rôle d’Ann Darrow. « En la voyant, j’ai pleuré » déclare le cinéaste néo-zélandais. « Je ne voulais pas, mais impossible de contenir mes larmes. Elle m’a embrassé sur la joue, m’a consolé : « Ne vous mettez pas dans un état pareil. ». » Pourtant, aussi compatissante que soit la vieille dame, elle sait aussi se montrer mordante. « Vous n’êtes pas Ann Darrow ! Je suis Ann Darrow » déclare-t-elle à son héritière, avec cet humour vachard qui la caractérise. Malicieuse, après avoir refusé de céder à la requête de ses visiteurs, elle murmure : « Ne dîtes jamais jamais ! » Un dicton qui signifie qu’elle pourrait finalement accepter d’apparaître dans le King Kong nouveau, « juste le temps d’un plan », comme la supplie presque Peter Jackson, qui lui a réservé la dernière réplique du scénario : « Ce ne sont pas les avions… C’est la Belle qui a tué la Bête ! ». 
Peter Jackson et Naomi Watts auront-ils plus de succès que Dino De Laurentiis et John Guillermin qui, en 1976, l’avaient en vain sollicitée pour leur King Kong ? Pas vraiment, car, un mois après leur dernière entrevue, Fay Wray décède. À sa mémoire, les lumières de l’Empire State Building, dont elle fut l’invitée d’honneur à l’occasion des 60 ans de l’édifice en 1991, seront éteintes quinze minutes. La vieille dame avait déjà mis fin à sa carrière depuis longtemps, en 1980 avec Gideon’s Trumpet, un téléfilm avec Henry Fonda. 

SUNSET BOULEVARD 
Fay Wray inaugure sa carrière au temps du muet, en 1923, à une époque où, dans l’effervescence de Hollywood, toutes les jolies filles pouvaient se prétendre comédiennes et trouver du travail. Pas forcément de grands rôles, mais au minimum, des apparitions ou des silhouettes. « Je crois que la vocation m’est venue en observant un pasteur dire la messe. Il savait si bien capter l’attention de tous » explique-t-elle. À peine forte de quelques petites prestations théâtrales dans le cadre scolaire, la jeune femme fait ses premiers pas à l’écran, figurante d’abord puis, à seize ans, en tant que « star » de Gasoline Love, un court-métrage comme il s’en produisait alors à la pelle.
Inespéré pour une adolescente qui vient tout juste de s’installer à Los Angeles avec sa mère Elvina et ses frères et soeurs. « Le hasard a beaucoup joué dans mon ascension » concède-t-elle. « Un jour, Maman et moi marchions sur Sunset Boulevard lorsque, arrivées au croisement de Gower Street, deux hommes sortant de Studio City nous ont abordées. L’un d’eux m’a demandé si ça m’intéresserait d’interpréter le rôle principal d’une comédie dont le tournage allait bientôt commencer. Il s’agissait des frères Stern, cousins de la famille Laemmle, qui a fondé la Universal. Je me suis ensuite présentée aux auditions, prête à me lancer dans le comique. Croyant que l’on attendait de moi un numéro de clown, je me suis mise à imiter Mabel Normand et Mary Pickford. Le réalisateur m’a recadrée : « Non, non, n’essaie pas d’être drôle ! Sois jolie, c’est tout. ». Le producteur m’a plus tard révélé qu’il ne m’avait pas engagé du fait de mon physique, mais à cause de mon esprit combatif ! » Une prestation suivie de beaucoup d’autres, d’abord dans des genres allant de la comédie burlesque (avec Laurel & Hardy) au western de série B.
Si elle commence à se faire un nom, la jeune actrice, souvent flanquée de sa mère sur les plateaux, n’est pas encore une vedette. Elle le devient grâce à Erich von Stroheim, l’un des réalisateurs et acteurs les plus réputés de son temps. Il recherche alors une interprète pour Mitzi, la fille d’aubergistes dont tombe amoureux le prince viennois débauché de La Symphonie nuptiale. « Bien que j’aie commis une erreur en me présentant aussi grande que possible devant le producteur, perchée sur de hauts talons et coiffée d’un imposant chignon, j’ai rencontré Erich von Stroheim le lendemain. Il m’a raconté les grandes lignes d’un scénario qui, d’ailleurs, n’a jamais vraiment existé. Je l’ai attentivement écouté. À la fin, il m’a demandé : « Croyez-vous êtes capable d’incarner Mitzi ? ». J’ai répondu que je l’étais. » Et, sans autre forme de procès, Fay Wray se retrouve du jour au lendemain propulsée vedette féminine d’une production parmi les plus importantes de 1928. 

OH KONG ! 
Bien que le flop retentissant de La Symphonie nuptiale et de sa deuxième partie, Mariage de prince, mette pratiquement fin à l’aventure hollywoodienne de son réalisateur/interprète, Fay Wray y survit, et se trouve même de plus en plus sollicitée. Elle tourne auprès de Gary Cooper, sous la direction de Frank Capra et de Josef von Sternberg. Pas mal pour une autodidacte dont le nom aurait aujourd’hui été totalement oublié si le destin n’avait pas placé sur sa route un certain King Kong. « Je dois ma présence dans le film à la fidélité dont faisaient preuve Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper envers les gens avec lesquels ils avaient déjà travaillé. Comme nous avions déjà fait ensemble Les Quatre plumes blanches, ils ont spontanément pensé à moi. » Ce qui n’est pas tout à fait exact, les deux hommes ayant d’abord pensé à Jean Harlow ou Ginger Rogers, des comédiennes qui, par leur blondeur, devaient contraster avec la fourrure brune de leur partenaire simiesque. « C’est la raison pour laquelle ils m’ont donné une perruque blonde, fabriquée sur-mesure par Max Factor », déclare Fay Wray, qui affirme également qu’elle doit le rôle d’Ann Darrow au refus de la MGM de « prêter » Jean Harlow à la RKO. 
« Merian C. Cooper a été le premier à me parler de King Kong » poursuit l’actrice dans ses mémoires. « C’était un personnage incroyable ! Né en Floride, il possédait toutes les caractéristiques du gentleman du Sud et se montrait chevaleresque avec les femmes. Pendant le tournage des Quatre plumes blanches, il faisait régulièrement livrer des orchidées dans ma loge. » La classe, en effet.
« Fraîchement installé dans ses bureaux de la RKO, Merian m’a présenté King Kong par l’intermédiaire de dessins : ils décrivaient de magnifiques scènes de jungle et un singe géant au sommet de l’Empire State Building. Ceci fait, il a alors évoqué mon futur partenaire en ces termes : « La plus grande et la plus ombrageuse des vedettes de Hollywood. ». » La comédienne croit alors qu’elle donnera la réplique soit à Cary Grant, qu’elle affectionne tout particulièrement, soit à Clark Gable. « Merian m’a alors annoncé que ce partenaire ne serait autre que Kong. J’ai pensé qu’il plaisantait, surtout qu’il m’avait reçu en se frappant la poitrine des deux poings. Lisant la détresse sur mon visage, il m’a réconfortée en m’annonçant que je n’aurais naturellement pas à côtoyer une bête féroce. Il m’a prévenue : « Le gorille ne sera pas réel, ça sera une marionnette qui aura l’air beaucoup plus grosse qu’elle ne l’est en réalité ! ». De l’inquiétude, je suis passée à la fascination, tant Merian savait mettre les choses en valeur. Son enthousiasme me captivai [...]

Il vous reste 70 % de l'article à lire

Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.

Découvrir nos offres d'abonnement
Commentaire(s) (1)
banditmanchot
le 12/05/2016 à 11:32

Merveille <3

Ajout d'un commentaire

Connexion à votre compte

Connexion à votre compte