Légendes : Everett De Roche / 2ème partie

Suite et fin de notre portrait de l’Australien d’adoption Everett De Roche, sénariste aguerri dont l’efficacité et la créativité ne se sont jamais essoufflées.
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Richard Franklin/Everett De Roche : les retrouvailles sont scellées par Breakwater, un projet qui mettra une douzaine d’années à prendre forme, sous le titre Visitors, en 2002. « Voilà comment les choses se sont déroulées. Richard m’a lancé : « Faisons quelque chose comme Patrick, qui se déroule pour l’essentiel dans seule une pièce ! ». J’ai proposé : « Sur un bateau ? ». Il m’a paru intéressé. Après tout, ça ne pouvait pas coûter très cher et le suspense serait optimal. Pour lui, à ce titre, Patrick était le film parfait. » 
Défini par le réalisateur comme « la rencontre de Sixième Sens et de Calme blanc », Visitors se concentre sur une navigatrice en solitaire (Radha Mitchell) qui, bloquée sur une embarcation immobilisée par l’absence de vent, perd peu à peu la raison, rongée par la culpabilité et les fantômes de son passé. D’authentiques fantômes, ou l’expression d’une folie attisée par l’isolement ? Everett De Roche et Richard Franklin se gardent bien de le préciser. « Ce scénario a subi des modifications » déplore le premier. « Le cas de tous ceux que j’ai écrits, y compris les films réalisés par Richard. Je me suis souvent disputé avec lui pour défendre mes choix. Certains changements m’ont mis hors de moi, mais, avec le temps, je me suis montré plus flexible. » Le réalisateur le reconnaît. « L’imagination d’Everett est si fertile qu’il livre des scénarios bourrés d’informations. Impossible de tout garder ! » 


LE NOUVEAU RASPOUTINE 

Des propos qu’un autre cinéaste, Simon Wincer, aurait pu tenir, lui qui porte à l’écran deux manuscrits signés Everett De Roche, Snapshot, puis Harlequin. « J’ai écrit Snapshot à la demande expresse d’Antony I. Ginnane, le producteur de Patrick. Entre les comédiens et l’équipe technique, tout était prêt pour un tournage, sauf qu’il manquait un scénario. » Explication : Simon Wincer vient de rejeter le script initial, Centrefold, dont seul le concept – un récit situé dans l’univers de la mode – trouve grâce à ses yeux. « C’est pourquoi Anthony m’a appelé d’urgence et ne m’a donné que cinq jours pour lui livrer le travail ! Une vraie course contre la montre. Ma femme, Chris, m’a sérieusement aidé. Précieux, dans la mesure où l’histoire est racontée du point de vue d’une héroïne. » Plus précisément d’une coiffeuse qui, chassée de chez elle par sa mère bigote, découvre l’univers du mannequinat, alors qu’un sinistre individu la suit au volant d’un camion de glace…

Après ce slasher dont la préparation expéditive les frustre, Everett De Roche et Simon Wincer se donnent une seconde chance avec Harlequin. « Everett et moi nous connaissions déjà depuis plusieurs années » témoigne le réalisateur. « Souvent, il me parlait de sa fascination pour le moine guérisseur Raspoutine. Je l’ai un peu refroidi en lui faisant remarquer que, jamais, nous n’aurions les moyens d’une reconstitution historique. Il m’a alors rétorqué : « Eh bien, adaptons-le à l’époque actuelle ! ». C’est ainsi qu’est né Harlequin. » Une entreprise autrement plus ambitieuse qu’un thriller horrifique conçu dans la précipitation, et construite autour d’un énigmatique Gregory Wolfe qui, après avoir guéri la leucémie du fils d’un sénateur, s’immisce dans les pratiques politiciennes de celui-ci, suscitant l’hostilité des membres les plus influents de son entourage. « Oui, c’est bien Raspoutine qui m’a dicté Harlequin » explique Everett De Roche qui, pour l’occasion, substitue à la cour du tsar Nicolas II les arcanes contemporains du pouvoir. « Même la longue tentative d’assassinat de Wolfe s’en inspire. J’ai aussi introduit dans le récit des éléments liés à la disparition du premier ministre australien, Harold Holt, probablement mort par noyade une quinzaine d’années plus tôt. Le personnage de Wolfe, je l’ai imaginé pour David Bowie, mais, à la dernière minute, la production lui a préféré Robert Powell. Pas la même catégorie. » Une déception, même si le remplaçant atteint alors le zénith de sa carrière, porté par le rôle-titre du Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli. Autre problème : la première version du script pèse 400 pages ! « Les partenaires américains n’ont pas réagi favorablement sur tous les points du scénario » intervient Simon Wincer. « Ils ont exigé que Wolfe ne soit plus un prêtre catholique, comme il l’était au départ, mais quelqu’un de plus neutre. Selon eux, il fallait éviter de le marquer sur le plan théologique, de manière à ne pas heurter la foi des spectateurs. » Et le réalisateur de mentionner des changements supplémentaires, opérés par des dialoguistes américains, ainsi que par l’Australien Russell Hagg. « Naturellement, j’aurais préféré qu’Everett ajuste lui-même son travail, mais il n’était alors pas disponible. » Le scénariste a une version différente : « Toujours la même chose : une fois le travail terminé, producte [...]

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