Légendes : David Prowse

À visage découvert, David Prowse passait partout incognito, ou presque. Pourtant, il compte parmi les icônes de la pop culture les populaires du XXe siècle. Une seule raison à cela : il prête sa silhouette et ses gestes à Dark Vador, cette altesse maléfique dont une puissante voix gutturale et un souffle asthmatique complètent la panoplie… Ce n’est pourtant pas sa seule contribution à la grande Histoire du fantastique.
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Peu à peu, la distribution de La Guerre des étoiles se dégarnit. Peter Cushing, le venimeux Grand Moff Tarkin à l’écran, ouvre la marche funèbre dès 1994. En 2000, c’est Alec Guinness (Obi-Wan Kenobi) qui lâche la rampe, suivi en 2016 de Kenny Baker (R2-D2) et, trois ans plus tard, de Peter Mayhew (Chewbacca) et de Carrie Fisher (la princesse Leia). Le 28 novembre 2020, à l’âge vénérable de 85 ans, Dave Prowse leur emboîte le pas. Affaibli depuis le début des années 2000 par une enfilade de pathologies, depuis la paralysie temporaire d’un bras à la maladie d’Alzheimer en passant par une arthrite septique ainsi qu’un cancer de la prostate, il succombe du coronavirus au terme de deux semaines d’hospitalisation. Dave Prowse dont le nom, exception faite des fans de Star Wars, était beaucoup moins connu de celui du personnage qu’il interprète à trois reprises, Dark Vador, serviteur zélé de l’Empire et symbole du Mal. À l’annonce de sa disparition, les hommages pleuvent. Même George Lucas, avec qui il était en froid polaire depuis de longues années, se fend d’un tweet ému. « Dave a donné à Dark Vador une existence physique qui était essentielle au personnage » écrit-il. « Grâce à lui, Vador est passé de la simple page de scénario au grand écran, avec une stature imposante et une gestuelle à la hauteur de l’intensité du rôle. Dave était partant pour tout, il a contribué au succès de celui qui allait devenir un inoubliable personnage de tragédie. Qu’il repose en paix. » Mark Hamill y va aussi de son témoignage sur le même réseau social : « Je suis triste d’apprendre le décès de David Prowse. C’était un homme bon, il était bien plus que Dark Vador. Acteur, mari, père, membre de l’Ordre de l’Empire britannique, trois fois champion britannique d’haltérophilie et icône de la sécurité en tant que Green Cross Code Man. Il aimait ses fans autant qu’ils l’aimaient. »



UN VOYAGE INATTENDU 
Né le 1er juillet 1935 à Brisbol, Dave (pour David) Prowse grandit dans une famille modeste de trois enfants. Son enfance aurait été normale et heureuse si, en 1940, son père n’était pas décédé d’une hémorragie provoquée par une intervention chirurgicale consécutive à un double ulcère. Élevé par sa mère, il subit pendant la Seconde Guerre mondiale le rationnement alimentaire, les bombardements allemands, les consignes de sécurité contre une éventuelle attaque chimique… « Les autorités avaient distribué des masques pour s’en protéger » consigne-t-il dans ses mémoires, Straight from The Force’s Mouth. « Je n’en ai porté un qu’à une seule occasion, dans le seul but de faire peur à mon petit frère », bien avant de répéter l’exercice à l’échelle de la planète.
Dans son autobiographie, Dave Prowse ne fait pas mystère du peu d’amour qu’il porte à l’école, d’autant que les établissements qu’il fréquente se situent dans le quartier le plus déshérité de Bristol. Faute d’ambitions scolaires, il peut néanmoins s’appuyer des dispositions physiques hors norme. « J’étais un sacré gamin, grand et élancé » se décrit-il. « Je courais aussi vite que le vent, j’étais le gosse le plus rapide de l’école. À douze ans, j’ai intégré le club de sport Westbury Harriers. Je m’y entraînais auprès de gens plus âgés que moi. » Les premiers pas dans le milieu sportif d’un futur Monsieur Muscle qui, d’abord videur dans une boîte de nuit et employé d’un abattoir, décroche ensuite un emploi de maître-nageur dans une piscine municipale. Parallèlement, fort de son mètre 98 et de ses 125 kilos au meilleur de sa forme, il pratique si bien l’haltérophilie qu’il concourt au championnat britannique de la discipline. Et avec quel succès ! Sur la troisième marche du podium en 1961, catégorie poids lourds, il accède à la première en 1962, 63 et 64. En 1962, il représente même l’Angleterre aux Jeux olympiques de l’Empire Britannique et du Commonwealth. Professionnel à partir de 1965, Dave Prowse se forge la réputation « d’homme le plus fort de Grande-Bretagne » lors d’exhibitions dans toute l’Écosse, puis en Angleterre et dans le monde entier, tout en étant ambassadeur de la marque de biscuits McVitie’s.
Dave Prowse devient comédien par opportunité. « Je m’étais inscrit dans une agence artistique spécialisée dans les cascadeurs et doublures, qui s’appelait Tough Guys » explique-t-il. « Une idée de son patron, Reub Martin, que j’avais côtoyé dans le monde du culturisme. Un jour, il m’a appelé pour n’annoncer qu’un théâtre, le Mermaid, pourrait avoir besoin de moi pour la pièce Don’t Let Summer Come, aucun des acteurs auditionnés n’étant en mesure de soulever Kenneth Griffith du lit où il reposait. D’où l’idée de Bernard Miles, son metteur en scène, d’engager un malabar de mon genre. Dans cette pièce, j’ai joué la mort en personne qui, à la fin du spectacle, emporte le défunt. Ce travail étant dans mes cordes, j’ai signé un contrat de six semaines ! » 
Consacré comédien par le théâtre, Dave Prowse n’attend pas longtemps pour faire ses premiers pas sur un plateau de cinéma, en l’occurrence celui du foutraque Casino Royale de 1966, conçu en dépit du bon sens par le nabab Charles K. Feldman. Son rôle : le monstre de Frankenstein lors d’une courte séquence auprès de David Niven. « Ce n’est pas du tout le personnage que l’on m’avait à l’origine destiné » assure-t-il. « Au départ, je devais porter le costume de Super Pooh, un ours en peluche géant qui attaquait Peter Sellers dans un donjon. Peter Sellers étant arrivé au bout de son contrat, la séquence ne n’est pas faite. À titre de compensation, j’ai été reconverti en monstre de Frankenstein », une caricature de celui incarné par Boris Karloff. Ce n’est pas la dernière fois qu’il investit la mythique créature, puisque suivront les plus orthodoxes Les Horreurs de Frankenstein et Frankenstein et le monstre de l’enfer, respectivement en 1970 et 1974. Deux productions Hammer, studio aux portes desquelles frappe Dave Prowse un jour de 1965, sans trop savoir ce qui l’y attend. « Une candidature spontanée » sourit-il. « À cette époque, j’avais conscience que les types de mon gabarit ne couraient pas les rues dans le pays. On trouvait nombre de bonshommes grands et minces, d’autres grands et dodus, mais des grands et musclés comme moi, c’était rare. Armé de cette certitude, je me suis présenté à James Carreras, le patron de la Hammer. J&rsq [...]

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