Légendes : David A. Hess

D’Elvis Presley à Wes Craven, de la série Z à Niki de Saint Phalle, de New York à Rome en passant par Munich, David A. Hess a toujours évité les sentiers battus, collé aux basques par un rôle dont l’ombre plane constamment sur lui. Celui de Krug, l’assassin psychopathe et pervers de La Dernière maison sur la gauche…
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Au début étaient le solfège et les arpèges. Car, né le 19 septembre 1936 à New York (dans les interviews, il annonce pourtant 1942 !), David A. (pour « Alexander ») Hess se destine à la musique, malgré un master d’archéologie. Mais gratter le sol, déterrer des artéfacts et écumer les archives ne l’intéresse guère : il se passionne avant tout pour la musique, motivé par une mère qui le voit déjà marcher sur ses traces de chanteuse d’opéra. Dès ses douze ans, il compose et pousse la chansonnette. Ainsi, en 1956, il enregistre sous le nom de David Hill All Shook Up, reprise un an plus tard par Elvis Presley qui la hisse, sur un tempo rhythm and blues, au sommet des charts mondiaux. Pour le King, qu’il avoue n’avoir jamais rencontré et avec qui il s’est seulement entretenu lors d’une unique conversation téléphonique, il compose également I Got Stung, Make Me Know You’re Mine, Come Along et Sand Castles. Très sollicité, David Hess met également sa plume au service de quelques-unes des vedettes américaines les plus populaires de l’époque, dont Sal Mineo, les Staple Singers et les Ames Brothers. En 1961, sous le pseudonyme de David Dante, il enregistre Speedy Gonzales, dont Pat Boone fait un hit mondial. « J’ai écrit et composé dans les tous les registres, du rock, de la pop et du folk » précise son auteur. En collaboration avec John Corigliano, il touche même à l’opéra rock avec The Naked Carmen, spectacle musical qui lui vaut à la fois un Emmy Award et les louanges de toute la presse pour sa version country-western de L’Amour est un oiseau rebelle.



DANS LA PEAU D’UN TUEUR
En 1970, au moment de The Naked Carmen, David Hess n’envisage pas encore de glisser de la musique à l’art dramatique. « Effectivement, ce n’était pas un changement de direction qui me taraudait » estime-t-il. « J’avais un peu brûlé les planches au collège et à l’université, mais rien de bien sérieux. J’aimais cependant ça, mais la chanson avait pris le pas sur tout le reste. Cependant, je savais que, d’une manière ou d’une autre, j’y reviendrais un jour. » Il ignore que ce retour sur le tard se fera par le truchement d’un projet très particulier, aussi minuscule d’un point de vue logistique qu’immense par son retentissement. « Je venais alors d’achever deux albums, j’avais travaillé cinq mois sur un spectacle off Broadway, et j’étais à ce point immergé dans la musique que je saturais ! Je ne voulais plus en entendre parler ! » Le coup de téléphone de Martin Kove, compagnon de sa soeur, tombe par conséquent à point nommé : « Il m’a dit que je devais me présenter à un casting. ». Pour un rôle dont Martin Kove ne veut pas : trop violent, trop extrême à son goût. Il préfère se rabattre sur un personnage de policier stupide et demande à David Hess de le rejoindre chez lui. « Il m’a poussé à enfiler plusieurs T-shirts. En fait, je ne comprenais rien à tout ce manège, Martin ne m’ayant rien dit du film, ni de l’audition. Il m’a ensuite embarqué dans sa voiture, sous une chaleur étouffante ; en ce mois de septembre, les températures étaient anormalement élevées à New York. Il a fini par me déposer, pratiquement au milieu de la circulation, en m’annonçant que l’audition se déroulait juste en face. Je ruisselais de sueur ! J’avais à peine fermé la portière qu’il m’a lancé : « Grouille-toi, tu es en retard ! Tu devrais courir ! ». En sueur, à bout de souffle, je suis arrivé dans un bureau où se trouvait une secrétaire. J’ai littéralement hurlé : « Écoutez, je suis ici pour une putain d’audition ! Bordel, qui dois-je rencontrer ? ». Deux types ont accouru de la pièce d’à côté, les yeux écarquillés. À les voir, j’avais l’impression qu’ils redoutaient que je leur saute dessus. C’étaient Wes Craven et Sean Cunningham, son producteur. Ils m’ont fait asseoir et, dix minutes plus tard, je récitais une sélection de dialogues. Quinze minutes plus tard, j’étais engagé. » Son personnage : Krug, criminel évadé, déjà assassin (un prêtre et deux religieuses à son tableau de chasse) et qui, en compagnie de son fils et de deux complices, séquestre, torture et tue deux jeunes femmes, avant de subir la colère des parents de l’une d’elles. Un type abominable, sadique et… costaud ! « C’est pourquoi Martin m’avait poussé à m’épaissir en me mettant tous ces T-shirts. J’avais certes la taille du personnage, mais il fallait aussi qu’il soit plus massif ! »
En annonçant à Wes Craven et à Sean Cunningham, cassette audio à l’appui, qu’il est musicien, David Hess fait coup double : il obtient également le poste de compositeur de la bande originale. « Acteur, j’ai été payé 1000 dollars pour ma prestation. Compositeur, j’ai reçu 18.000 dollars ! » s’amuse-t-il.
En tant qu’artiste issu d’un milieu intellectuel, David Hess se dit d’abord surpris par la violence des événements dépeints dans le scénario. Ce qui ne l’empêche pas de se glisser aussitôt dans la peau du personnage, principal prédateur d’un projet qui, plusieurs titres provisoires plus tard, deviendra La Dernière maison sur la gauche. Sa méthode : se nourrir de ses propres émotions, puiser dans ses souvenirs et, ainsi, créer une personne réelle ou, du moins, qui sonne « vrai ». « Rien de vraiment inconfortable » assure-t-il. « Il n’y a que l’absence de vraisemblance qui me dérange. » D’ailleurs, David Hess s’autoconditionne si efficacement que l’intensité de son jeu effraie parfois ses partenaires. « Ce processus a été facilité par la liberté accordée par Wes Craven » précise le comédien. « Il nous encourageait à improviser, à nous écarter des dialogues et des indications du scénario. » Guère surprenant de la part d’un réalisateur qui, à l’époque, ne sait pas trop comment s’y prendre avec ses interprètes. Libre à eux de se diriger eux-mêmes. Et, à ce jeu, David Hess domine ses camarades, prenant soin de ne pas trop côtoyer Sandra Cassell et Lucy Grantham, ses victimes à l’écran. « Il était agressif, ne leur parlait pas. Nous étions sur le fil du rasoir » témoigne le réalisateur. Dans une scène en particulier, David Hess se montre plus vrai que nature, tirant sur le pantalon de Sandra Cassell, lui touchant la poitrine… La jeune femme croit réellement que l’acteur est sur le point de la violer. Une terreur non feinte. « Nous avons essayé d’exprimer des tas d’émotions dans ce film. Pas simplement la haine, mais aussi la violence absolue, des pulsions sadiques, la dépravation… » Parfois contre l’avis de Wes Craven et Sean Cunningham. En exemple, David Hess cite la séquence où, avant d’achever la fuyarde, Krug et ses complices ressentent un sentiment paradoxal : un trouble face à la bestialité de leurs propres actes. « J’ai dit à Sean : « Qu’importe que vous vouliez faire de ces gens des êtres foncièrement mauvais, dénué de toute qualité : il faut que le public puisse se connecter à eux d’une façon ou d’une autre. » D’où ces images pour le moins ambiguës, où les membres du gang semblent brièvement prendre conscience qu’ils sont allés trop loin. Un instant de flottement durant lequel David Hess suggère que Krug pourrait éprouver des regrets…
Malgré tout, le comédien ne sort pas vraiment traumatisé de l’expérience La Dernière maison sur la gauche. Il en garde plutôt un souvenir agréable, éludant les journées à rallonge, l’absence cruelle de moyens : « On s’est, malgré tout, bien amusé. Il régnait une atmosph&egrav [...]

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