
Légendes : AMICUS CONTES DE LA FOLIE ORDINAIRE 2ème partie

Si les rapports de Milton Subotsky avec Freddie Francis se crispent au fil des années, le second acceptant de moins en moins les scripts et les difficiles conditions de production imposés par le premier, le cofondateur de la Amicus tombe sur un énergumène encore plus coriace avec Gordon Hessler.
L’alliance du réalisateur avec Christopher Lee et Vincent Price ayant donné un résultat positif sur Le Cercueil vivant, le trio se reforme pour Lâchez les monstres, une histoire de scientifique désireux de fabriquer le soldat parfait, docile et insensible à la douleur. Gordon Hessler n’est pas très tendre avec le manuscrit de Milton Subotsky. « J’aime bien Milton, mais son script était minable » condamne-t-il. « Trop fidèle au roman de Peter Saxon, surtout en regard des moyens dont nous disposions. » Gordon Hessler reçoit même le soutien d’A.I.P., qui coproduit le film. « Avec leur appui, j’ai engagé un scénariste, Christopher Wicking. Il a repris le travail à zéro pour se diriger vers quelque chose qui tient du croisement entre Un shérif à New York et L’Invasion des profanateurs de sépultures. Plutôt que les extraterrestres d’origine, nous avons placé un médecin fou au centre du récit. Nous voulions mêler politique et sciences, notamment ce que nous avions pu glaner sur la génétique et les transplantations d’organe. »
La réécriture de Lâchez les monstres n’est pas du goût de Milton Subotsky. Il proteste, prétend que sa version était meilleure. « Nous avons pris une direction si différente du concept originel que nous n’avions plus de comptes à lui rendre » garantit Gordon Hessler. « Milton n’a pas accepté cette situation. Lui et son partenaire, Max Rosenberg, ont essayé de reprendre le contrôle du film. J’ai demandé à Deke Heyward d’A.I.P. qu’on leur interdise l’accès au plateau. A.I.P. payant tout, c’était dans leurs prérogatives. » Des mesures sont également prises concernant l’étape suivante de la production. « Dans la salle de montage, Mitlon s’est heurté à un mur » se félicite le réalisateur. « Si nous l’avions laissé agir, nous nous serions disputés au sujet du moindre plan. Milton nous a pourri la vie. » Gordon Hessler assure pourtant qu’il a du respect pour le producteur, « parce qu’il aimait sincèrement le cinéma. »
MANQUE DE RELIEF
À la sortie de Lâchez les monstres, Milton Subotsky aura beau jeu de prétendre que les critiques ont raison de dénoncer un scénario fouillis. Bien sûr, après pareilles tensions, plus question que le producteur et le réalisateur travaillent ensemble. D’ailleurs, pour I, Monster, lancé dans la foulée, Milton Subotsky sollicite les familiers Freddie Francis et Peter Duffell. Refus des deux cinéastes, hostiles au procédé du relief voulu par le producteur. Plutôt qu’un professionnel aguerri, Subotsky se replie alors sur un débutant, Stephen Weeks, recommandé par Christopher Lee. Une aubaine pour le jeune homme, encore que le cadeau se révèle vite empoisonné : la 3D dont le producteur vante les mérites s’avère des plus aléatoires. Elle est abandonnée à mi-tournage. « La faute au réalisateur » rouspète Subotsky. « Je lui ai pourtant montré comment s’y prendre. Tout est allé de travers, il n’a absolument rien compris. Quand j’ai vu ses essais, j’en suis presque tombé de ma chaise. Le tournage approchant, il était cependant trop tard pour le remplacer. » Stephen Weeks explique quant à lui que le procédé ne marchait tout simplement pas lorsqu’une image était fixe et que les mouvements de caméra nécessaires pour créer l’effet escompté étaient trop complexes. Forcément, l’ambiance se gâte. « En embauchant un jeune de 23 ans, Milton pensait recruter quelqu’un de docile. Il s’est trompé » affirme Weeks qui, un jour, demande à son aîné : « Pourquoi n’appelez-vous pas le film Dr Jekyll et Mr Hyde ? I, Monster raconte la même histoire ! » Milton Subotsky ne lui fournira jamais la moindre explication. En revanche, il daignera répondre à un journaliste curieux des similitudes avec le livre de Robert Louis Stevenson : « Le roman avait déjà été porté à l’écran une dizaine de fois. Si j’avais titré le film Dr Jekyll et Mr Hyde, aucun distributeur n’aurait accepté de participer au financement ! Cette histoire est connue, certes, mais pas sous cette forme, car j’ai tenu à une adaptation fidèle du livre. À part la fin et les noms des personnages, je n’ai rien changé. Cela s’est aussi avéré être un problème. En n’apportant aucun élément nouveau, en ne dramatisant pas les faits, j’ai pris la mauvaise direction. Peut-être cette approche aurait-elle été meilleure si le réalisateur avait été à la hauteur. Stephen Weeks n’était même pas capable de tourner convenablement les scènes d’action ! ».
UN HOMME D’EXCEPTION
Pas davantage que Gordon Hessler, Stephen Weeks ne connaîtra les honneurs d’un deuxième long-métrage Amicus. À l’avenir, Milton Subotsky engagera surtout, à une exception près, des artisans confirmés. Tel l’expérimenté Roy Ward Baker pour Asylum, And Now the Screaming Starts ! et Le Caveau de la terreur. Pourtant soumis à un calendrier de tournage serré, Asylum est une réussite. Bien que Robert Bloch, le scénariste, reproche au producteur d’avoir rendu le héros du sketch The Weird Tailor plus sympathique qu’il ne l’était à l’origine, Roy Ward Baker se dit ravi des six histoires à illustrer. « De plus, Milton Subotsky avait réuni un casting de première classe. Je me suis senti d’autant mieux entouré qu’il avait aussi recruté Arthur Grant en tant que chef-opérateur. Arthur avait souvent travaillé pour la Hammer et le projet l’enthousiasmait. Dix jours avant que ne commence le tournage, il a démissionné. Malade, il m’a averti qu’il ne serait pas raisonnable de sa part de continuer. L’expérience aurait été parfaite si Max Rosenberg n’avait pas changé l’ordre des épisodes. »
À propos du Caveau de la terreur, autre film à sketches pour la Amicus, Roy Ward Baker offre un autre son de cloche. « Je n’aurais jamais dû le réaliser » regrette-t-il. « D’abord parce que le script n’atteignait pas le niveau de celui d’Asylum. Ensuite parce que le style comic-book que recherchait Milton Subotsky, un mélange de macabre et d’humour, ne me correspondait pas. Je ne savais pas comment m’y prendre. Pourtant, une fois de plus, je disposais d’excellents acteurs. » Un avis que tempère Subotsky : « Le casting souffre cependant d’un manque. Il n’inclut aucune vedette du film d’horreur ! Christopher Lee exigeait un cachet trop important, et Peter Cushing n’était pas disponible. Le Caveau de la Terreur n’a donc que moyennement marché. ». Peut-être aussi parce que le public commence à se lasser des anthologies fantastiques…
Entre Asylum et Le Caveau de la terreur, Roy Ward Baker accepte un autre projet Amicus : And Now the Screaming Starts !, tragédie gothique dans laquelle une jeune mariée découvre que son mari tombe sous le coup d’une malédiction familiale. « Un film d’époque, et c’est pourquoi il a bénéficié d’un budget de 500 000 dollars, supérieur aux autres productions Amicus. » Effectivement, rares sont les longs-métrages Amicus dont l’action prend place dans le passé. « And Now the Screaming Starts ! aurait été meilleur avec un scénario moins superficiel » estime son réalisateur. « J’aurais souhaité [...]
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