Pourriez-vous présenter votre rôle en tant qu'artiste conceptuel sur Star Wars : Episode VII - Le Réveil de la Force ?

Un artiste conceptuel doit aider le réalisateur à visualiser l'histoire dès le début du processus. Dans le cas de Star Wars, le travail avait commencé avec George Lucas. George aime inclure des artistes lorsqu'il écrit ; c'est comme ça qu'avait été abordée la prélogie. Sur Le Réveil de la Force, l'équipe des concepts a été assemblée à l'époque où Michael Arndt travaillait sur le scénario. Nous avons donc développé des idées en parallèle. Parfois, nos dessins vont se retrouver dans l'histoire, et à l'inverse, l'histoire va guider nos dessins. Ce que l'on fait, c'est créer un univers visuel dans lequel l'histoire peut s'épanouir. Sur un projet pareil, c'est vraiment une chance formidable de pouvoir travailler aussi tôt dans la production. Ca nous permet d'explorer de nombreuses directions différentes. On va pouvoir tenter des approches extravagantes, juste pour entamer une conversation avec le reste de l'équipe créative. Un dialogue s'amorce sur ce qui est possible. Aussi, les recherches graphiques nous aident à définir les fondations des différents mondes qui vont apparaître à l'écran. Dans une saga comme Star Wars, il faut ressentir l'histoire des planètes, donc notre travail est très utile. C'est comme poser une sorte de structure, un background crédible où vont pouvoir évoluer les personnages. En tant qu'artiste conceptuel, c'est ce que je préfère : les premières étapes de design, lorsque tout reste à créer. J'encourage mes collègues designers à repousser les limites de leur imagination, à prendre des risques. Il faut qu'ils sortent de leur zone de confort, car les meilleures idées se trouvent souvent dans ces limites.

Quand on feuillète l'Artbook du Réveil de la Force, on se rend compte à quel point les premiers concepts étaient fous. Les stormtroopers, par exemple, étaient tout en angles agressifs. Le résultat final, au contraire, est beaucoup plus fluide, plus proche des épisodes précédents de la saga. Les fans de Star Wars vous attendaient au tournant en termes de design. Quand avez-vous su que l'approche visuelle était la bonne pour le film ?

Cette évolution visuelle correspond à ma méthode de travail. Quand je conçois quelque chose, je me renseigne beaucoup sur son histoire, ou je me demande quelle histoire cet élément peut traîner derrière lui. Et Star Wars est un univers doté d'une histoire très chargée. Chaque épisode a apporté sa pierre à l'édifice. Nous sommes partis de Star Wars, épisode VI - Le Retour du Jedi, et nous avons essayé d'extrapoler, de voir ce que donnerait cet univers dans le futur. Quelle est la prochaine évolution ? Pour cela, on s'est inspiré de notre propre histoire humaine. Pour les Stormtroopers, nous connaissions le design de la trilogie originale, et nous avons débattu de leur look trente ans plus tard. Non seulement au niveau des lignes, mais aussi au niveau des matériaux utilisés. Quand nous avons fait les épisodes I, II et III avec George, nous nous étions déjà inspiré du monde réel. Voilà pourquoi la prélogie ressemble aux années 1920 ou 1930, des périodes où le fait-main comptait beaucoup. Les épisodes IV, V et VI étaient plus proches des années 1970 et 1980, avec une industrialisation rampante et des form [...]