LE CINÉMA EN PELLICULE

Tel un tsunami emportant tout sur son passage, la photographie numérique connaît un succès grandissant au sein de l’industrie cinématographique mondiale. Bon nombre de réalisateurs, amateurs comme professionnels, ont abandonné la pellicule pour se rabattre vers des supports haute définition vendus comme plus pratiques et plus abordables. Mais depuis quelques années, une poignée d’irréductibles se bat pour prouver que le celluloïd est tout sauf une relique du passé…
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Mai 1999. La Menace fantôme sort avec fracas sur les écrans américains. George Lucas, son metteur en scène, se réjouit publiquement des avancées technologiques qui lui ont permis de capter en haute définition numérique certaines séquences du premier volet de sa nouvelle trilogie grâce à la caméra HDC-750 conçue par Sony. Adepte des défis techniques, quitte à « bonnarder » la plupart de ses propres créations (les innombrables remontages de la trilogie Star Wars originelle en témoignent), l’ancien patron de la firme d’effets spéciaux ILM est tellement emballé par le rendu des images de son coûteux joujou qu’il décide que le prochain opus de la saga sera entièrement tourné en HDCAM SR, même si le matériel de l’époque n’est pas encore assez fiable pour assurer la captation d’un projet aussi compliqué que son Attaque des clones. « Notre seul vrai problème, c’est qu’il a fallu réinventer toute une partie du système » expliquera-t-il au moment de la sortie de l’Épisode II. « C’est comme si l’industrie était revenue en 1902. Ce qu’on a fait, on l’a fait dans notre coin. Il a fallu convaincre Sony, qui a finalement construit une caméra et s’est échiné à la faire fonctionner. Pareil avec Panavision qui a dû investir beaucoup d’argent dans de nouveaux objectifs. » Lucas peut se réjouir : il est parvenu à motiver les fabricants pour l’accompagner dans cette révolution qu’il a contribué à développer. 

L’ATTAQUE DES PIXELS 

Saturés de trucages et tournés sur fonds verts en studio, L’Attaque des clones et La Revanche des Sith vont réussir à imposer un nouveau mode de travail à Hollywood, non sans prouver au passage que le grand public peut apprécier les rendus d’image d’une caméra numérique (ici, les CineAlta HDW-F900 et HDC-F950 de Sony) au même titre que les supports analogiques comme le 16 mm et le 35 mm auquel il était habitué depuis des décennies. Mieux, selon Lucas, le recours à la « digital photography » simplifie l’organisation du tournage en permettant de visualiser immédiatement la qualité d’une prise, là où le celluloïd l’obligerait à envoyer ses rushes à un laboratoire de développement afin de pouvoir découvrir le fruit de son labeur 24 heures plus tard. « La pellicule, c’est quelque chose de très laborieux » se lamente-t-il. « Pouvoir visionner immédiatement ce qu’on a tourné sans avoir à démonter une installation en attendant le retour des bobines, c’est ce qui rend la haute définition tellement plus efficace pour les effets spéciaux. » Fort de cette technologie dont la précision tranche avec les images floues et plates de quelques productions « digitales » vues dans les années 80 (le thriller Julia et Julia, notamment), Lucas parvient à rassembler autour de lui une clique de cinéastes influents et avant-gardistes comme James Cameron (Avatar), Francis Ford Coppola (Twixt) ou Robert Rodriguez (Spy Kids) pour multiplier conférences et entretiens mettant en avant l’obsolescence de l’argentique et la supériorité de caméras comme la Viper de Thomson, la Genesis de Panavision et la plus abordable Red-One de RED Digital Cinema Camera Company. Comme souvent dans ce genre de cas, la machine s’emballe et rien ne semble pouvoir arrêter l’ascension fulgurante du numérique, d’autant que le procédé simplifie également la postproduction, les films n’ayant plus besoin de passer par la case du télécinéma pour être transférés sur support vidéo. Telle une Cassandre des temps modernes, George Lucas prédit carrément l’extinction des projections classiques, que l’auteur de THX 1138 souhaite remplacer par des modèles 2.0 débarrassant les spectateurs des défauts inhérents à l’analogique : rayures, scratches et autres « brûlures de cigarette » chères au Tyler Durden de Fight Club

POUR L’AMOUR DU GRAIN

Considéré comme plus flexible et moins coûteux par les majors, le numérique s’impose très vite comme LA solution à privilégier, que ce soit du côté des réalisateurs hollywoodiens (David Zodiac Fincher, Michael Collateral Mann et Steven Che Soderbergh en tête) ou des indépendants comme Joe Swanberg (24 Exposures), Adam Wingard (You’re Next) et Mickey Keating (Pod), qui y voient une manière d’accéder à une qualité visuelle digne de ce nom pour un prix défiant toute concurrence. Une aubaine, d’autant que, contrairement au 16 et au 35 mm (dont les bobines autorisent une dizaine de minutes de métrage), les appareils photo et caméras numériques offrent à leurs utilisateurs un temps d’enregistrement quasi illimité ainsi qu’une latitude accrue lors de l’étalonnage, pour peu que les chefs-op’ adoptent ces fameux profils « flat » ou « neutral » modulables à l’infini. Face à cette déferlante, le celluloïd continue néanmoins de séduire une part non négligeable de cinéphile [...]

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