LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES de Hélène Cattet & Bruno Forzani

Laissez bronzer les cadavres

Le dernier né des écuries Cattet/Forzani affiche un profil pétaradant. La déconstruction au carré du thriller transalpin ne leur suffisait pas, il leur fallait harponner la série noire (ici un roman plein de gros calibres en liberté signé Manchette et Bastid) pour dire buongiorno au western all’italiana et salve au poliziesco. En attendant de mettre nos boules Quies et d’être éblouis par le soleil corse capté en 16 mm, voici quelques révélations faites sur l’oreiller de la postproduction son, achevée en direct du Plat Pays.
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Comment vous sentiez-vous après avoir terminé L’Étrange couleur des larmes de ton corps ? On avait la sensation que vous aviez presque détruit tous vos fétiches avec ce film…

Bruno Forzani : On était épuisés, c’est sûr. Je pense qu’on a poussé notre collaboration à un point de quasi-rupture sur L’Étrange couleur…. On ne savait pas si on allait pouvoir continuer à travailler ensemble après une expérience aussi extrême. Il fallait qu’on essaye de se retrouver, artistiquement parlant en tout cas…

Hélène Cattet : On s’est dit que pour le projet suivant, il fallait partir sur une base différente, quelque chose de moins personnel, et s’approprier un matériau déjà existant nous a semblé être une excellente alternative.

B.F. : Trouver un « terrain neutre » en somme. Et Laissez bronzer les cadavres était cette zone plus confortable ! (rires)

H.C. : En revanche, on avait lu le roman il y a un moment déjà. Il y a plus de dix ans, quand je travaillais dans une librairie, l’intégrale de Manchette était parue et j’avais lu Laissez bronzer les cadavres à cette occasion. J’avais eu la sensation d’être dans un univers assez familier, et des images de westerns, une atmosphère de polizieschi m’étaient venus à l’esprit. J’avais alors conseillé à Bruno de lire le bouquin car je sentais qu’on pouvait s’en saisir pour exprimer nos obsessions avec notre grammaire cinématographique à nous.


Quitter certains de vos réflexes adoptés sur Amer et L’Étrange couleur… était aussi une sorte de challenge, non ?

H.C. : On s’est tellement engueulés sur Amer et L’Étrange couleur… qu’il nous fallait faire une petite pause. C’est-à-dire travailler sur une histoire qu’on n’avait pas écrite nous-mêmes.

B.F. : On veut continuer à explorer les mêmes territoires que sur nos deux précédents films, mais pour pouvoir poursuivre toutes nos expériences, il nous fallait un projet plus relax, moins lié à notre univers personnel. Cela dit, ç’a été un challenge d’un point de vue narratif, car nous avons dû nous efforcer à raconter une histoire de façon différente que sur Amer et L’Étrange couleur…. Je me suis d’ailleurs posé la question : OK, j’adore le livre, mais c’est vraiment différent de tout ce qu’on a fait jusqu’à aujourd’hui. Est-ce qu’on doit vraiment s’engager sur cette voie-là ? Mais c’est justement ce type de réflexions qui est intéressant, car tu sors un peu de tes habitudes et tu retrouves de la stimulation ailleurs. Puis quand on s’est mis vraiment dedans et qu’on a bossé sur l’adaptation, ç’a été un vrai plaisir et ç’a confirmé notre envie de faire le film.


Et comment avez-vous justement travaillé cette adaptation ? Vu que le socle n’était pas le vôtre, comme y avez-vous apposé, à l’écriture, vos obsessions ?

H.C. : le livre est déjà super cinématographique. Du coup, on a fait un tri, et on a barré les choses qu’on ne voulait pas garder et souligné les éléments qui nous inspiraient et nous permettaient de greffer nos « tics ». Dans le roman, il y a une approche de l’espace et du temps qu’on avait envie d’explorer à notre façon.

B.F. : Puis l’écriture est aussi hyper comportementaliste, très dans le présent, sans gras, sans « psychologisation », ce qui correspond à notre manière de raconter une histoire. Les personnages sont entièrement définis par leurs actions, et ça collait à l’approche qu’on a eue jusqu’à présent dans nos courts et nos longs-métrages. L’écriture du scénario a donc été très évidente car on partait d’une base en adéquation avec notre sensibilité. Et après la souffrance endurée sur L’Étrange couleur…, c’était un vrai plaisir retrouvé ! (rires)



Pour la première fois, vous étiez confrontés à plus de comédiens à diriger, du moins si l’on compare à vos deux précédents films.

B.F. : Oui, mais finalement, ça n’a pas changé grand-chose à notre façon de travailler. Au départ, on nous avait prévenus : « Attention, cette fois ça va être différent, il y a plus de personnages, plus de dialogues, blablabla… ». Mais c’était hyper simple, tout le monde était très cool, motivé, et on n’a rencontré aucun problème avec les comédiens. Ils ont tous beaucoup donné d’eux-mêmes et c’était vraiment chouette de bosser dans une si bonne ambiance.


Euh, mais votre tournage était donc idyllique, vous n’avez pas quelques anecdotes un peu rugueuses &ag [...]

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