LA SAGA RING
Le Cercle : Rings
On est dans les années 90 et vous êtes fan de fantastique ? Eh bien… toutes nos condoléances ! Ne perdez pas espoir, cependant : tandis que Will Smith sauve le monde et que Batman se transforme peu à peu en bidule fluo, une révolution est en germe. Les fantômes et autres zombies, créatures alors jugées désuètes, s’apprêtent à tambouriner de nouveau à la porte du monde des vivants. C’est ce que montreront une poignée de films marquants, sortis à la fin de la décennie ou au début de la suivante. Quoi qu’on pense de ces oeuvres et de leurs auteurs, L’Armée des morts de Zack Snyder et 28 jours plus tard de Danny Boyle ont en effet le mérite de remettre les zomblards sur le devant de la scène, selon des modalités dont les gamers vous diront qu’elles doivent beaucoup au jeu vidéo japonais Resident Evil. De la même façon, le succès surprise du Sixième sens de Shyamalan, qui suscite un regain d’intérêt pour les spectres, coïncide avec la découverte du long-métrage nippon Ring, frappant de stupeur – et d’une trouille bleue… – les spectateurs dès qu’il commence à circuler en Occident.
PREMIER CERCLE : INVESTIGATIONS
Le cinéma japonais contemporain n’en est pourtant pas à son premier film de fantôme. Depuis le début de la décennie 90, plusieurs réalisateurs en herbe (auxquels il convient d’ajouter leur génial aîné Kiyoshi Kurosawa) s’emploient à élaborer un style qu’on appellera plus tard la « J-Horror ». D’ailleurs, « Ring » est d’abord le titre d’un roman écrit en 1991 par Kôji Suzuki, et donnant rapidement lieu à une série d’adaptations destinées à la télévision. Il faut dire que le postulat du bouquin est attirant : une étrange cassette VHS causant la mort de ceux qui l’ont regardée, sept jours exactement après avoir posé les yeux sur les images interdites… Mais c’est le tandem aux commandes du premier long-métrage cinéma, soit le réalisateur Hideo Nakata et son fidèle scénariste Hiroshi Takahashi, qui va véritablement forger le mythe. Chez eux, la cassette vidéo maudite recèle une série de brèves images neigeuses, énigmatiques et dérangeantes. Et surtout, ils mettent l’accent sur la puissance visuelle de la fillette fantôme Sadako, en lui conférant deux attributs qui n’en feront finalement qu’un. Pour tuer ses victimes, elle sort d’un écran de télévision, cet objet banal dont la présence dans chaque foyer devient donc soudain source d’angoisse. Et d’autre part, son visage est entièrement dissimulé par une longue chevelure couleur de jais. À la fin du film, les deux caractéristiques fusionnent pour donner une scène terrifiante. L’ultime plan de la vidéo infernale, un puits perdu dans la campagne, se prolonge en montrant Sadako s’extirper dudit puits et ramper vers l’objectif. Un instant, la surface strictement verticale de ses cheveux se confond ainsi avec celle de l’écran, puis le spectre franchit ce dernier pour pénétrer dans le monde réel et y continuer son oeuvre vengeresse.
Pour en arriver à ce monument d’effroi, et pour que le spectateur se mette à y croire, il aura fallu 80 minutes d’une enquête passionnante, et même vertigineuse. Alors qu’elle travaille justement sur des rumeurs circulant dans les lycées à propos de la cassette tueuse, une journaliste se rend compte que la mort inexpliquée de sa jeune nièce pourrait être liée à l’affaire. Dans le bungalow d’une auberge de montagne, elle retrouve ainsi la fameuse VHS… qu’elle s’empresse de visionner, avant de comprendre que la malédiction est bien réelle. Le compte à rebours est donc lancé pour lever le sort avant le 7e jour fatidique, d’autant que la vidéo a également été regardée par son propre petit garçon, lequel semble avoir un lien naturel avec les esprits. Aidée du père de ce dernier, un mathématicien doué de pouvoirs psychiques, notre héroïne se rend alors dans l’île où toute l’histoire a commencé. Quelques décennies auparavant, l’endroit a fait sensation grâce aux dons de médium d’une autochtone, qui a ensuite été lynchée médiatiquement quand on s’est rendu compte que sa fille Sadako possédait des capacités encore plus grandes, et surtout meurtrières. La mère s’est alors suicidée, avant que son pygmalion, un chercheur en perception extrasensorielle qui servait de père putatif à la gamine, n’assassine cette dernière en la jetant au fond d’un puits. Or, le bungalow dont nous parlions plus haut a précisément été bâti au-dessus de ce puits, d’où le spectre de Sadako a lancé sa vengeance en matérialisant la cassette quelques dizaines de mètres au-dessus de son cadavre. Bref, voilà une matière assez riche pour nourrir une franchise entière, favorisée en outre par un ultime twist : on peut se débarrasser de la malédiction si, durant les sept jours impartis, on parvient à faire regarder une copie de la vidéo à quelqu’un d’autre. À Ring (1998), succèderont ainsi Ring 2 (1999), également réalisé par Nakata, puis un Ring 0 (2000) confié cette fois à Norio Tsuruta. Mais aussi l’inévitable remake américain, Hollywood ne pouvant rester insensible aux possibilités de l’enquête sur naturelle que nous avons essayé de vous résumer ci-dessus, et que le scénariste Ehren Kruger va retravailler dans le sens d’une efficacité tout occidentale.
Car dans le Ring nippon, l’investigation est moins policière qu’ésotérique – d’ailleurs, les pouvoirs divinatoires de l’ex-conjoint de [...]
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