La Relève

A travers un concert épique au Grand Rex, le 2 novembre 2014, l'œuvre de Michael Giacchino est célébrée par le Festival des Musiques à l'image, produit par Audi Talents Awards. L'occasion rêvée de poser quelques questions au compositeur de musique de film le plus doué de sa génération.

Êtes-vous conscient que votre travail se distingue énormément du son que l'on a aujourd'hui l'habitude d'entendre dans le cinéma hollywoodien ? Vos orchestrations sont complexes et classiques, au sens noble du terme, alors que les scores d'aujourd'hui ont tendance à se montrer très neutres de ce côté-là.

J'ai grandi en écoutant de la musique classique, de la musique de film, mais aussi du jazz, des fanfares, de la pop, des concerts de mariachis... J'écoutais tout ce que je pouvais, dans tous les styles possibles et imaginables. J'aime découvrir de nouvelles manières d'orchestrer. Ce n'est donc pas étonnant que ma musique reflète mes racines. C'est un peu la somme de tout ce que j'ai aimé et appris. J'ai eu la chance de grandir à une époque où je pouvais aller voir Star Wars, Star Trek ou Retour vers le futur au cinéma, des films qui comportaient des bandes originales dramatiques et très complexes. Ça me manque aujourd'hui. Le minimalisme, je ne suis pas contre, mais il ne faut surtout pas que ça devienne ennuyeux. Je suis toujours heureux de pousser mes orchestrations aussi loin que je le peux, et j'ai la chance de travailler avec des réalisateurs qui comprennent cette forme d'art. Ils m'autorisent à faire ce que je veux.

Pouvez-vous m'expliquer comment vous analysez un film, et comment vous en tirez les textures et les thèmes qui formeront sa bande originale ? Le processus est-il différent pour chaque nouveau projet ?

C'est un processus très organique. Il s'agit d'identifier l'âme émotionnelle de l'histoire. Je cherche à comprendre les sentiments et les émotions des personnages. Quand je regarde un film, je ressens forcément quelque chose, et ce sentiment va guider mon travail. Je tiens absolument à ce que les personnages soient au cœur de la musique. Parfois, on écrit un morceau d'action, et on en est très fier, mais il arrive qu'un morceau de bravoure appelle des émotions contradictoires, une certaine tristesse par exemple. Dans Star Trek, quand le père de Kirk essaie de sauver le vaisseau et son équipage, tout explose dans tous les sens, mais ce qui compte vraiment, c'est qu'une épouse va perdre son mari, et va donner naissance à un orphelin. C'est la clé de tout le film. Je me fiche des explosions, dans ce cas précis. Il faut savoir mettre le sous-texte en avant, plutôt que de souligner ce qu'il y a à l'écran. Bien sûr, il arrive aussi qu'il faille amplifier le spectacle, mais ce n'est vraiment pas toujours une nécessité.

Je voulais justement vous parler de votre art du contraste. Dans La Planète des singes : L'Affrontement, par exemple, la scène du tank est accompagnée par une musique tragique, et très retenue. Ce n'est pas ce qu'on attend d'une telle séquence. Dans John Carter, le score est également très romantique, et s'éloigne des codes du Space Opera.

Dans le cas de John Carter, l'histoire parlait de perte et d'amour. J'ai axé la musique autour de ces deux thématiques. J'aime beaucoup travailler ainsi, parce que ça aide le public à se concentrer sur la véritable intrigue, et non sur ses éléments superficiels. Si je me fourvoie musicalement, je peux ruiner un film. Je fais donc très, très attention.

Beaucoup des films sur lesquels vous avez travaillé comportent des séquences entièrement musicales. Je pense à l'ouverture de Là-haut, à la scène d'attentat londonien de Star Trek Into Darkness, la scène du tank de La Planète des singes : L'Affrontement... Ces séquences musicales sont-el [...]

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