KINGSMAN : LE CERCLE D’OR de Matthew Vaughn

Kingsman : le cercle d'or

Gigantesque production indépendante distribuée à l’aveugle par une major hollywoodienne, le premier Kingsman aurait pu signer la fin prématurée de la carrière de Matthew Vaughn. Son succès au box-office a au contraire renforcé l’autonomie du cinéaste, et Le Cercle d’or semble pensé pour créer un empire. Derrière l’apparente sécurité du projet, boosté par la réputation grandissante de l’original, Kingsman 2 se paie tout de même quelques sacrées prises de risques…
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Concocté en réaction aux très austères aventures récentes de 007, le premier Kingsman était un fantasme de cinéma d’espionnage coloré et violent. Le film projetait de surcroît un discours anarchiste hérité de John Carpenter, avec un climax évoquant Halloween III, le sang du sorcier et Los Angeles 2013. Financé par Vaughn lui-même et distribué par une 20th Century Fox obligée de céder aux caprices les plus fous du réalisateur, le long-métrage faisait figure d’anomalie dans l’industrie hollywoodienne moderne ; un grain de sable parasite glissé dans un engrenage déjà pas mal enrayé par des efforts de globalisation contre-productifs. Avec un léger recul de deux ans et demi, Kingsman semble avoir précipité une certaine remise en question au sein des studios, légitimant une approche abrasive du cinéma de divertissement aux côtés de Mad Max : Fury Road, Logan ou dans une moindre mesure Deadpool. Sujet d’interprétations contradictoires, la séquence du massacre dans l’église est à ce titre une sorte de catalyseur, jetant dans la mare du politiquement correct un rocher digne des blockbusters que tournait jadis Paul Verhoeven. Déjà parvenu à encanailler le conte de fées et le comic-book movie avec les fabuleux Stardust et X-Men : le commencement, Matthew Vaughn compte à l’évidence ronger le système de l’intérieur et attaquer des valeurs morales de façade, brandies par les corporations avec un cynisme souvent écoeurant. Le cinéma d’action ayant peu à peu aseptisé sa propre violence jusqu’à en devenir irresponsable (voir les Fast and Furious ou la suite de G.I. Joe, dans lesquels les corps sont élastiques et les armes lourdes conseillées aux enfants), l’énergie galvanisante du plan-séquence de Kingsman était un geste politique en soi, qui se devait de trouver un écho dans la séquelle. Matthew Vaughn n’ayant rien perdu de son sens de la négociation (« J’ai dit fuck off au studio » explique-t-il posément dans l’entretien qui suit), Le Cercle d’or respecte effectivement la démarche de son modèle, tout en approfondissant ses recherches esthétiques au-delà des espérances. 



LA CANNIBALE DE STEPFORD 
Dans Kingsman, le magnat des télécoms incarné par Samuel L. Jackson entendait régler le réchauffement climatique en poussant les consommateurs de classe moyenne à s’entretuer. Bien que farfelue pour un vilain allergique à la vue du sang, l’idée n’en était pas moins raisonnée et intelligible. La première grande réussite du Cercle d’or est d’offrir au personnage de Richmond Valentine un successeur crédible, dénonçant à son tour une incohérence fondamentale au sein de la civilisation contemporaine (la légalisation des drogues est ici le noeud du problème), mais proposant la solution la plus grotesque qui soit. Campé par une Julianne Moore investie, le personnage de milliardaire exilée Poppy inspire à Vaughn un jeu de contrastes permanent. Son repaire secret caractérise en lui-même la bad girl : un centre-ville américain des fifties niché au coeur d’une jungle luxuriante et hostile. Quant aux manières discordantes de cette icône maléfique, elles renvoient directement aux Femmes de Stepford, source d’inspiration clairement assumée par le réalisateur. Aussi fantasque que le Karl Stromberg de L’Espion qui m’aimait, et affichant la cruauté mondaine d’un Hannibal Lecter (la scène du hamburger est anthologique), Poppy empêche Le Cercle d’or de se perdre dans ses excès comiques, et parvient même à contrebalancer des gags parfois à la limite de la parodie (les diverses apparitions d’Elton John trouveraient, il faut l’avouer, tout à fait leur place dans un Austin Powers). 



THE RAIMI EFFECT
Avançant constamment sur un fil, Vaughn trouve à de rares exceptions près son équilibre. Quelques maladresses de structure enrayent certes l’acte central, mais ces menus défauts ne font que souligner l’extrême humanité d’un script bien décidé à imprégner d’émotion des personnages aux dangereux accents de cartoons. Il est d’ailleurs passionnant d’observer comment Vaughn entreprend de rebooter ici sa franchise, une attaque coordonnée détruisant très tôt l’ensemble de l’organisation Kingsman. Implacable, la séquence ramène les héros au point de départ, et entame un jeu de miroirs digne des suites-remakes de Sam Raimi (Evil Dead 2, Spider-Man 2). Le Cercle d’or

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