KANDISHA D'ALEXANDRE BUSTILLO & JULIEN MAURY

À quelques jours de la présentation de Kandisha, leur nouveau long-métrage, au Festival de Sitges, Alexandre Bustillo et Julien Maury planchent déjà sur le montage de leur film suivant, The Deep House. L’occasion de faire le point sur ces nouvelles aventures, ainsi que sur leur carrière de « résistants » toujours décidés, contre vents et marées, à oeuvrer pour un cinéma de genre local généreux et décomplexé.
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INTERVIEW 
ALEXANDRE BUSTILLO & JULIEN MAURY RÉALISATEURS & SCÉNARISTES


Dans le paysage du cinéma français, vous êtes des anomalies : vous n’avez toujours pas entendu raison, vous ne tournez pas de comédie… 

JULIEN MAURY Alors justement, c’est con que tu n’aies pas encore vu Kandisha ! (rires) Je ne sais pas si on est des anomalies, en tout cas, on s’accroche.

ALEXANDRE BUSTILLO On se considère presque comme des survivants par rapport à la French Horror. On n’est plus beaucoup à tourner, du moins dans ce registre. Antoine Blossier par exemple : c’est un super réal’, son premier film, La Traque, était vachement bien, et maintenant il fait autre chose. Mais ça demande une telle énergie qu’on ne pourrait pas s’investir dans un genre qui ne nous passionne pas. S’impliquer pour faire une comédie avec Dubosc… je ne sais pas si l’argent serait suffisant pour nous motiver. Et c’est à chaque fois une victoire pour nous, on est super contents d’avoir cette longévité. Même si là, on est dans une période un peu bizarre parce qu’on a enchaîné deux films en un an, ce qui n’arrive jamais. 


Ce label « French Horror » a surtout existé en dehors du territoire national.

J.M. La première fois qu’on en a entendu parler, c’était à l’étranger. En France, ça n’a jamais été perçu comme une continuité, un tournant. Ces films étaient tous des prototypes, ils n’ont pas été conçus dans une énergie d’industrie. À chaque fois, ce sont les réals qui se sont démerdés pour essayer de trouver les financements. Et tu as toujours l’impression que l’herbe est plus verte ailleurs. Il y a dix, quinze ans, on fantasmait complètement sur le cinéma de genre espagnol, qu’on observait par le prisme des quelques infos qu’on avait. « Ils ont filé des Goya à L’Orphelinat, ils ont des budgets, c’est pris au sérieux… » On en avait parlé avec Jaume Balagueró qui nous avait répondu : « Mais pas du tout, c’est une tannée de lever des budgets, l’Espagne, c’est le pays de la comédie lourdingue. ». Alors que non, c’est la France le pays de la comédie lourdingue ! 


Un peu comme quand la critique s’est emballée lors de la sortie de Grave.

J.M. On y a cru aussi ! Quand Grave est sorti, on s’est dit que ce pont entre le cinéma d’auteur et le cinéma de genre était hyper intéressant. En plus, le film est nommé aux César, ça va peut-être permettre le débat, poser sur la table les choses qu’on aimerait pouvoir changer… Et c’est un coup d’épée dans l’eau. Après, on va voir, il y en a d’autres qui arrivent dans ce même créneau, comme La Nuée. Des films qui tendent un peu la main au cinéma d’auteur. 


Il y a eu quelques initiatives d’aides à la création au cinéma de genre qui ont vu le jour depuis, du côté du CNC notamment.

A.B. Enfin ! Tout le monde le sait, le CNC est assis sur un trésor de guerre, ce serait bien de le partager un peu plus avec des gens minoritaires comme nous. Alors effectivement, on ne fait pas d’entrées en salles en France, mais on s’exporte très bien, on est plus faciles à exporter qu’un film comme Camping… Quand l’aide du CNC a été annoncée, on y a participé avec Kandisha. On est arrivés dans les dix derniers, on a passé l’oral, mais on n’a pas été sélectionnés dans les trois projets définitifs. En tout cas, s’ils filent 500.000 euros tous les deux ans pour trois films d’horreur, c’est génial, parce que grâce à ça, La Nuée existe, Ogre existe. C’est plutôt encourageant. Il y a aussi une nouvelle génération de dirigeants de boîtes de prod’ qui arrive. Sur Kandisha, c’est la première fois qu’on fait un film avec des gens plus jeunes que nous ! On a tous les deux la quarantaine passée, jusqu’ici on n’avait travaillé qu’avec des gens plus âgés, surtout du côté de la production. Et là, tu as ces jeunes producteurs qui sont beaucoup plus geeks, plus ouverts sur ce qu’on aime, donc on est mieux considérés. 



Depuis vos débuts, l’hégémonie de la comédie s’est encore accrue. S’il y a dix films de genre français par an qui sortent en salles, c’est le bout du monde.

A.B. Bizarrement, on n’a jamais eu autant de propositions que depuis un an. Surtout depuis l’arrivée des plateformes, qu’il faut alimenter. Les Français sont obligés de venir s’y frotter. Depuis Leatherface, on ressent un peu cet effet rassurant qu’on nous avait prédit, mais qu’on ne comprend pas trop. On nous avait dit : « Vous verrez, dès que vous ferez un film américain, vous serez mieux considérés en France, même si le film est pourri. ». On a beau ne pas du tout porter dans nos coeurs la version de Leatherface qu’a sortie Millennium, c’est vrai qu’on a trouvé beaucoup plus de nouveaux partenaires depuis. Comme si ça nous donnait plus de légitimité et de crédibilité d’avoir fait un film chapeauté par un studio américain, et d’en être sortis en se faisant seulement virer lors de la phase finale de montage – pas comme les deux réals du nouveau Massacre à la tronçonneuse, qui se sont fait dégager au bout de trois jours de tournage. On s’en est plutôt bien tirés, malgré un budget misérable de deux millions de dollars et 24 jours de tournage. Ça nous a permis de signer près de huit développements en France. Quand on s’est lancés sur Kandisha, on a été contactés en même temps pour réaliser La Révolution, la série Netflix qui arrive le 15 octobre. Un projet super cool, du vrai genre. On en avait envie, mais ça tombait pile-poil en même temps que le tournage de Kandisha, et on a préféré privilégier notre script. La situation change, et ça va encore plus changer avec tout le bordel de la COVID, la redistribution des cartes, la chronologie des médias, Mulan sur Disney+… 


Vous gardez quand même quelques bons souvenirs de votre expérience américaine ?

J.M. Bien sûr. Ç’a été idyllique jusqu’à la phase finale de montage. Ils nous ont laissé les coudées franches, on n’était pas du tout leur projet prioritaire. Du coup, on était peinards. On avait leurs ressources en Bulgarie, le studio à disposition. Ça s’est juste gâté à la fin : ç’a été un bordel sans nom parce que la boîte s’est restructurée, a été vendue, rachetée… Le projet a été [...]

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