John Flynn
Enfonçons le clou : une rétrospective à la Cinémathèque Française du 15 juillet au 2 août prochains, plus Wild Side qui sort en parallèle Pacte avec un tueur, Rolling Thunder et Échec à l’organisation dans des éditions irréprochables, avec les deux premiers titres également dispos en Blu-ray et les deux derniers accompagnés de livres richement illustrés et écrits par Philippe Garnier, grand connaisseur du cinéma américain. Car il fallait au moins cela pour tirer du purgatoire John Flynn, réalisateur passionnant mais assez méconnu, bien que son parcours se confonde avec plusieurs décennies d’évolution du polar plus ou moins violent. Ce voile d’ombre tient sans doute au tempérament du bonhomme, qui a souvent préféré les chemins de traverse.
À ce titre, sa première vraie réussite, Échec à l’organisation (The Outfit, 1973) a quasiment valeur de programme. Pourtant, le projet a des origines ultra classiques, étant adapté d’un de ces romans dits « hard boiled » que Donald E. Westlake avait écrits à la chaîne sous le pseudonyme « Richard Stark ». Mais justement, Flynn ne cherche pas du tout à pallier le côté répétitif de l’histoire : ayant braqué une banque sans savoir que celle-ci appartenait à un puissant syndicat du crime, un homme sort de prison pour apprendre que son frère a été abattu par la mafia et réclame une forte somme en contrepartie, tout en empochant des arrhes grâce à des coups portés contre ladite organisation…
LA BALADE DES VAURIENS
Cette absence de progression dramatique fait ressortir les deux traits essentiels du style du cinéaste. Primo, il n’aime rien tant qu’emmener ses personnages en balade, et les braquages de tripots sont ici entrecoupés de moments d’errance situés dans des paysages urbains anonymes et interchangeables – d’ailleurs, ce récit censé se dérouler dans le Midwest a été entièrement tourné… aux environs de Los Angeles ! Et d’autre part, ces scènes permettent l’inclusion d’une foule de seconds rôles dont la richesse de pâte contraste avec le côté minéral et taciturne des protagonistes principaux : voir par exemple l’achat d’une voiture maquillée, qui tourne au vinaigre à cause de l’épouse nymphomane du receleur. Ainsi, Flynn peut s’offrir un casting hautement référentiel où, en plus de l’immense Robert Ryan qui joue le patron de l’organisation, on aperçoit de nombreux seconds couteaux de l’Âge d’Or du film noir, comme une Marie Windsor rescapée de L’Énigme du Chicago Express de Richard Fleischer.
Cette espèce de nomadisme narratif se retrouvera dans beaucoup de films de l’auteur, y compris quand des revers de fortune l’amèneront à servir d’exécutant aux musculeux du moment. Revu aujourd’hui, son Justice sauvage (Out for Justice, 1991) avec Steven Seagal distille ainsi un charme certain. Sans blague : la nécessité de caser les coups de tatane de l’acteur au catogan s’accommode idéalement avec un récit où il ne se passe à peu près rien, à part les vaines intimidations effectuées par un flic après qu’un chien fou camé jusqu’aux yeux a abattu son coéquipier. Il s’avèrera même que ce dernier n’était pas si blanc-bleu que ça, ce qui rendra dérisoire la quête du héros. C’est que l’intérêt est ailleurs, dans la manière dont le film sillonne dans tous les sens un [...]
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