IT COMES AT NIGHT de Trey Edward Shults

It Comes at Night

Volontairement minimaliste et dérangeant, le second long-métrage de Trey Edward Shults confirme tout le bien que l’on pensait d’un jeune cinéaste faisant déjà preuve d’une maturité et d’une maîtrise bluffantes. Si vous aimez les films de genre adultes et impitoyables, ne cherchez pas plus loin…

Alors que le monde est en proie à une mystérieuse menace virale, un homme, Paul (Joel Edgerton en mode Kurt Russell), vit reclus avec sa femme Sarah (Carmen Ejogo) et son fils Travis (Kelvin Harrison Jr.) dans une maison perdue en pleine forêt. Une nuit, un intrus (Christopher Abbott) s’introduit chez eux et vient troubler le délicat équilibre que Paul était parvenu à instaurer pour protéger les siens… Inconnu en France, Trey Edward Shults figure sur les radars des professionnels américains depuis la projection de Krisha, son premier long présenté en 2015 à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Tourné en neuf jours avec une équipe réduite, ce microbudget avait séduit le milieu grâce à un cocktail de drame, d’humour noir et de terreur lui permettant de dresser le portrait pathétique d’une sexagénaire alcoolique en quête de rédemption. Influencé aussi bien par John Cassavetes (pour le côté improvisé des dialogues) que par Robert Altman (pour les expérimentations sonores et visuelles), Shults s’affichait d’emblée comme un artiste au tempérament bien trempé, même si les défauts de jeunesse de son premier essai (caractérisation parfois sommaire, effets sonores trop appuyés) en amoindrissaient quelque peu l’impact sur le long terme. Rien de grave cependant, Trey Edward Shults ayant vite été « adopté » par la firme A24, société de distribution/production dont le tableau de chasse compte des francs-tireurs comme Denis Villeneuve (Enemy), Robert Eggers (The Witch), Jeremy Saulnier (Green Room) ou encore David Lowery (A Ghost Story). Excusez du peu.
Autant dire que l’annonce, l’année dernière, de la mise en chantier d’It Comes at Night avait de quoi exciter notre curiosité, surtout que le Texan avait affirmé vouloir exorciser grâce au film l’une de ses pires expériences personnelles : la douloureuse mort de son père atteint d’un cancer du pancréas… Totalement habité, Shults plonge, dès le prologue, dans le vif du sujet en confrontant ses trois protagonistes à une tragédie proche de celle qui a touché son géniteur. Témoin de la décrépitude physique de son beau-père contaminé par un virus, Paul se voit obligé d’abréger les souffrances du vieil homme, puis d’assurer le pénible « service après-vente » (se débarrasser du cadavre, nettoyer les lieux) imposé par cet univers post-apocalyptique où il est impossible de ne pas se salir les mains. Au propre comme au figuré. Un quotidien anxiogène que Shults dépeint avec une vraie élégance au moyen d’une mise en scène naturaliste privilégiant la sobriété, même si chaque plan est méticuleusement étudié pour renforcer la tension ambiante. Témoin ce remarquable – mais discret – plan-séquence circulaire lors d’un interrogatoire où Paul doit se montrer aussi paranoïaque que viril pour espérer garder le contrôle de son territoire, une arme à la main. L’image du mâle rural à l’américaine ?



LE VENIN DE LA PEUR

Toujours sur le fil grâce à l’utilisation récurrente des cauchemars (prémonitions ?) qui hantent le jeune Travis, It Comes at Night illustre lors du deuxième acte la souffrance mentale de deux familles dont l’instinct de survie va finir par causer un violent conflit dès lors que la peur s’immisce dans les esprits. À ce titre, on regrettera que le scénario cantonne trop souvent les rôles féminins à l’état de simples épouses magnanimes, privant ainsi la dynamique de groupe d’une aspérité et d’une complexité qui auraient rendu les images encore plus fortes. Trop court pour son bien (95 minutes à peine au compteur), It Comes at Night s’avère également frustrant dans son refus d’explorer certaines pistes succinctement esquissées, à l’instar de cette concupiscence qui agite Travis à chaque fois qu’il observe la silhouette de la jolie Kim (Riley Keough). Déjà gênant dans Krisha, ce léger manque de substance chez les personna [...]

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