Interview : Xavier Gens, réalisateur

Auteur de Frontière(s), Hitman et The Divide, Xavier Gens se réinvente avec Cold Skin, film singulier et habité qui éclaire même certains aspects de sa carrière sous un nouveau jour. Rencontre avec un réalisateur dont les sens de la narration visuelle et de la dramaturgie viennent d’arriver à maturité.
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La plupart des films de genre actuels ont une démarche un peu consanguine. Ils citent des films d’horreur qui citent eux-mêmes d’autres films d’horreur. Cold Skin préfère s’intéresser à la littérature du XIXe siècle : Keats, Stevenson, Frazer… 

William Blake aussi. En termes de direction d’acteur, je voulais que David Oakes travaille sur du matériel de l’époque. Je lui ai demandé de lire tous ces livres pour préparer son rôle, du Keats en particulier. Son personnage est très érudit et humaniste, donc on imagine qu’il connaît tous ces bouquins. Si je devais donner une référence cinématographique, ce serait Peter Weir. Ce qui m’a marqué dans Master and Commander, c’est l’authenticité des regards. Les personnages semblent réellement vivre la situation, ils n’ont pas de regard moderne. Je voulais vraiment retrouver ça, et qu’on le sente intérieurement.


Lorsque Friend pose ses livres sur une étagère, on remarque Le Voleur de cadavres de Stevenson, dont le titre original est The Body Snatcher...

(rires) Oui, c’est vraiment le thème de l’histoire. Il y a plein de clins d’oeil comme ça. Par exemple, le petit livre très fin qu’il jette en dernier, c’est Darwin. Dans une scène coupée, Friend lit le poème de Keats sur le Lamia, qui est un monstre mythologique féminin et amphibien. Je voulais qu’on se noie dans la culture du XIXe siècle. Souvent quand on tourne un film d’époque, on se concentre avant tout sur l’esthétique, qui est « facile » à réaliser. S’imprégner de la culture de l’époque, c’est plus de travail. Il faut tout lire, comprendre les mécanismes psychologiques du temps. Toute la littérature de cette époque-là est très dépressive. On voulait retrouver ce feeling poético-romantique de la fin de l’ère victorienne dans l’atmosphère du film. 


Même en termes esthétiques, on est moins dans un registre de film en costumes que dans un registre de gravures. On pense à Gustave Doré ou Walter Paget.

Nos références principales avec le chef-opérateur, c’était Paget et le peintre Caspar David Friedrich. On voulait aussi évoquer Salgado, qui est un photographe contemporain. On adorait son travail sur le contraste. Le seul film que j’ai demandé aux acteurs de regarder, c’est Le Sel de la Terre de Wim Wenders, qui parle justement de Salgado, et de son rapport à la guerre et à la nature. Salgado a photographié la guerre pendant des années, et un jour, il en a été tellement &eac [...]

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