Interview : Robert Rodriguez réalisateur et coscénariste

Euphémisme : l’annonce en 2015 de l’arrivée du franc-tireur texan à la tête du projet de James Cameron n’avait pas soulevé l’enthousiasme des foules. Reste que Robert Rodriguez semble aborder Alita : Battle Angel avec une totale déférence envers la vision du réalisateur d’Avatar. Il nous raconte les drôles de circonstances qui ont fait de lui l’illustrateur ciné des aventures de la cyborg iconique créée par Yukito Kishiro.

Connaissiez-vous le manga de Yukito Kishiro avant de prendre les rênes de Alita : Battle Angel ?

En fait, la première fois que j’en ai entendu parler, c’était à la fin des années 90, lorsque James Cameron a acheté les droits et a m’a montré des images du manga. Je me suis dit : « Wow, ça a l’air cool, je vais faire exprès de ne pas le lire pour ne pas me spoiler le film ! ». À l’époque, on pensait que celui-ci sortirait, genre, deux ans plus tard ! (rires) On ne savait pas que ça prendrait autant de temps. Sans ça, j’aurais acheté le manga et je l’aurais dévoré, car je lis beaucoup de mangas. Mais voilà, j’aime tellement les films de Jim que j’ai préféré attendre.


Comment en êtes-vous arrivé à prendre la relève de James Cameron sur le projet ?

Jim et moi nous connaissons depuis très longtemps, nous étions déjà amis avant que je ne réalise Desperado. Ça doit remonter à 1994, je crois. Vous savez, on a tous les deux fait plein de petits boulots dans le ciné, et c’est quelque chose qu’on apprécie mutuellement chez l’autre. Quand je lui ai montré comment je faisais pour monter mes films chez moi, il s’est mis à faire la même chose chez lui, il m’a initié à la Steadicam, on a tous les deux commencé à utiliser la 3D au même moment… J’ai même visité le tournage de Titanic avant que le décor du bateau ne soit construit, et j’ai lu l’un des tous premiers traitements d’Avatar au milieu des années 90 ! Et on a plusieurs fois essayé de monter des projets ensemble, mais rien ne s’est jamais concrétisé. Bref, il y a quelques années, je suis allé lui rendre visite, juste histoire de voir comment ça allait, car on ne s’était pas vus depuis un bail. Durant la conversation, il m’explique qu’il risque de passer le reste de sa carrière à travailler sur les suites d’Avatar, parce qu’il a plein d’histoires à raconter dans cet univers. Et là, en pur fan, je me suis écrié : « Hey, mais attends, tu ne feras jamais Battle Angel alors ?! On attend ça depuis 2000 ! ». Il m’a répondu qu’il n’avait jamais réussi à en tirer un script filmable et qu’il ne pensait pas s’y atteler de nouveau un jour. Puis il m’a lancé : « Tu veux jeter un oeil ? ». Et là, il m’a sorti une tonne d’artworks et de peintures faits aux alentours de 2005, et il m’a donné le script, qui faisait quasiment 200 pages. Et il m’a dit : « Écoute, si tu arrives à résoudre les problèmes du script et à le rendre filmable, tu n’as qu’à le réaliser, et je le produirai ! ». Bordel de merde ! Et je n’avais rien demandé, en plus ! (rires) J’ai répondu que j’étais prêt à tenter ma chance gratuitement. Il fallait que je l’allège de 80 pages, en gros. J’ai passé l’été suivant sur le script, dans mon salon, à le démonter dans tous les sens, puis à le remonter. Jim l’a ensuite donné à la Fox, et c’était parti. Ce qui est cool, c’est que mon unique but était de pouvoir voir le film que j’ai découvert à travers le script de Jim. Ce n’est qu’à ce moment que j’ai lu le manga, ce qui m’a permis de comprendre comment il s’y était pris pour conserver l’essentiel de l’histoire. Il s’est focalisé sur certains tomes, y a ajouté sa touche, et en a tiré un pur récit cameronien. Et j’ai adoré son point de vue, la relation père/fille entre Ido et Alita… On s’identifie vraiment au personnage d’Alita, cette jeune cyborg qui se réveille dans cette ville poubelle, qui se croit insignifiante et comprend petit à petit qu’elle a d’immenses pouvoirs, mais aussi un point de vue particulier sur le monde. Les enjeux émotionnels sont très forts, comme dans Titanic, avec une magnifique histoire d’amour au milieu. Il est  facile de voir pourquoi Jim est tombé amoureux de cette histoire, pourquoi il a voulu la raconter avec sa propre sensibilité. Et c’est vraiment ça que je voulais voir à l’écran. C’est pour ça que je lui ai dit : « Tu sais mec, j’ai déjà fait ça avant, en bossant avec Quentin (Tarantino – NDR) et Frank Miller. Je suis peut-être le genre de réalisateur qui veut faire ses propres films, mais je n’ai aucun problème à faire un film pour quelqu’un d’autre. ». Sin City était avant tout la vision de Frank Miller. Je l’ai seulement portée à l’écran. Et là, je voulais faire un film de James Cameron. Les films de Jim me manquent, il n’en fait pas assez ! (rires) Alors j’ai voulu respecter son style, son attention portée aux détails… Pourtant, on est très différents sur ce point. Il est très scientifique, je suis plutôt science-fiction. Par exemple, je peux designer une voiture qui aura l’air cool, ce n’est pas bien grave si elle ne roule pas du moment qu’elle est dans le plan, à l’image. Pour Jim, c’est un peu différent : si cette voitur [...]

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