Interview : Olivier Abbou réalisateur & scénariste

En pleine préparation de la saison 2 de Maroni, les fantômes du fleuve pour Arte, Olivier Abbou prend le temps de défendre le successeur tardif de son premier long-métrage.

Vous saviez dès le départ que le héros de Furie serait noir ?

Ça s’est naturellement imposé à nous avec le scénariste Aurélien Molas, dès les premières phases d’écriture. Et une fois que cette décision a été prise, évidemment, l’idée de bosser avec Adama (Niane, déjà présent au générique de Maroni, les fantômes du fleuve – NDLR) s’est imposée. On n’a pas souvent l’occasion de voir des héros noirs en France, qui jouent autre chose que des cailleras ou des comiques. Je trouvais intéressant de parler d’un Noir assimilé, d’interroger le concept d’intégration. Et son personnage est construit à l’opposé des stéréotypes. Il y a beaucoup de second degré qui se dégage de sa situation, j’ai longtemps eu peur d’être le seul à me marrer, mais les festivals m’ont rassuré, les spectateurs ont adhéré et ont réagi aux bons moments.


À ce titre, l’apparition d’Eddy Leduc, très assimilé à son rôle dans Problemos d’Éric Judor, risquait de parasiter le film. Mais en fait, il s’intègre parfaitement au récit.

Ah Eddy, c’est vraiment une super découverte. Son personnage n’était pas du tout écrit comme ça ; Paul Hamy avait son sidekick, et dans notre tête, il était plus grand, plus sec, une sorte de brute, pas du tout cette espèce de petit gars tout excité, ce Joe Pesci. Au casting, il est arrivé comme ça, on a passé une heure et demie ensemble, c’était complètement inattendu. On a changé le personnage pour qu’Eddy puisse jouer quelque chose qu’il n’avait jamais joué jusqu’à présent, tout en restant lui-même. On a construit le personnage ensemble, pendant les répétitions. C’est vraiment Joe Pesci, on ne sait jamais quand ça va partir, il fait le rigolo et en même temps se révèle hyper violent. 


Le plan où il tente de rassurer le personnage d’Adama Niane, avec un passage à tabac à l’arrière-plan, est excellent.

J’ai conçu cette scène comme une grande bascule, le moment où le héros se rend compte à qui il a vraiment affaire. Paul Hamy y est impressionnant, d’autant que le rôle de Mickey n’est vraiment pas évident à caster en France. Il fallait quelqu’un de très beau, très sulfureux, qu’on puisse sentir comme un danger… pour moi, c’était le Robert De Niro des Nerfs à vif et le Tyler Durden de Fight Club. Je l’ai pensé comme le « ça » du héros. Une fois qu’on dépasse le semblant de réalisme du début, qui est plus solidement ancré dans le réel mais où la mise en scène nous souffle tout de même qu’on se trouve dans une fable noire, il y a une lecture plus symbolique qui se dégage. Elle donne notamment une tout autre valeur au carnage final. 


Justement, Furie tend vers une forme d’abstraction et d’intemporalité. Il y a beaucoup de prénoms américanisés, les outils technologiques ne sont que des accessoires remisés au second plan… Le film pourrait se passer n’importe où dans les années 1970/1980, finalement. 

Oui, la technologie, c’est l’enfer pour les scénaristes, tu sais que tu peux être joignable ou appeler quelqu’un n’importe quand et n’importe où, ça brise la proximité avec les personnages. J’ai le sentiment que les frères Coen font uniquement des films d’époque pour fuir les téléphones portables… C’est pour ça que je les ai systématiquement désamorcés dans les scènes de tension. L’esthétique des années 1970/1980, c’était la base du travail avec le directeur artistique David Bersanetti et le chef-opérateur Laurent Tangy, n [...]

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