INTERVIEW JUST PHILIPPOT RÉALISATEUR

Pour son premier long-métrage, le Français Just Philippot n’a pas choisi la facilité en s’attaquant à un projet qui doit autant au drame rural bien de chez nous qu’au fantastique moderne. Une approche que le cinéaste décrypte ici en nous dévoilant la création d’une oeuvre atypique louvoyant entre les genres.

La Nuée est à la croisée de plusieurs genres : le drame, le thriller et le fantastique, tout comme tes personnages sont un assemblage d’émotions complexes, et non des icônes monolithiques au service d’une « oeuvre à message »…

La première chose qui m’importait, c’était de réussir la jonction entre réalisme et fantastique. Mais pour ça, il fallait créer des personnages qui me permettaient justement d’opérer ce basculement, car La Nuée est une sorte de thriller agricole qui se transforme en film catastrophe. J’aurais cassé cet équilibre en appuyant trop mes effets, que ce soit dans le drame ou dans le fantastique. J’ai toujours eu en tête un seul concept : suivre une femme sous pression, et qui finirait par s’apercevoir que son dilemme est plus global, qu’il dépasse son cas. En cela, cette problématique est un peu à l’image de ce que vit notre société : nous sommes tous sous pression et nous nous apercevons souvent que le danger ne se limite pas à notre petite personne. Il n’y a qu’à voir le problème du « zéro déchet ». Ce qui m’intéressait avec La Nuée, c’était de dresser le portrait d’une femme qui ne serait ni une victime ni un bourreau, et il fallait donc rester à la hauteur des personnages pour ne pas les prendre de haut. On pourrait croiser ces gens dans notre vie de tous les jours. La Nuée est avant tout une histoire sur la famille. Virginie n’est pas un symbole de la cause féminine que je filme pour faire pleurer dans les chaumières. Ce que je voulais, c’est qu’elle nous emmène là où le spectateur n’a pas forcément envie d’aller. Cet élément de surprise était très important pour moi, car je voulais plonger le public dans une sorte d’« ailleurs », mais un ailleurs crédible. À la lecture du scénario, je me suis rendu compte qu’on risquait de tomber dans la série B pure, alors que je voulais prendre le sujet très au sérieux afin de rendre justice à ces personnages. Je souhaitais être le plus sincère possible. 


Cette approche un peu plus intériorisée du fantastique vous a-t-elle aidés à trouver des financements ? Il n’est pas forcément aisé de produire un film de genre en France…

Je pense que notre producteur a eu du nez en réunissant toute une série de promesses. Le scénario a été soutenu par l’appel à projets du CNC consacré aux films de genre. Nous avons aussi bénéficié de l’aide de Canal+, de la Nouvelle-Aquitaine, de la région Rhône-Alpes… Tout le monde a aimé les deux éléments-clés du scénario : le genre et la ruralité. J’ai donc marié ces deux aspects de la manière qui me semblait la plus crédible, même si ces éléments étaient déjà bien présents dans le script original. D’ailleurs, les auteurs n’ont jamais cherché à dénaturer le projet pour qu’il puisse passer plus facilement en commission, ce qui est plutôt rassurant, car cela voulait dire qu’il y avait une vraie adhésion de la part de nos financiers, qui m’ont soutenu à l’unanimité. La seconde chose qui m’a aidé, c’était d’avoir réalisé des courts-métrages très différents et pas forcément liés au genre. Cet aspect a rassuré les différents financiers qui se retrouvaient avec un scénario solide et un réalisateur capable de raconter des histoires diverses, et pourvu d’une certaine sensibilité. Finalement, tout est allé très vite : le projet s’est monté en six mois à peine. C’est plutôt rare.



Dans le dossier de presse du film, tu expliques que tu aimes discuter en amont avec tes comédiens pour les laisser ensuite s’approprier leurs scènes au moment du tournage, quitte à improviser. On ressent notamment cette méthode lors du passage où le viticulteur discute au téléphone tout en se préparant un plat au four à micro-ondes…

Oui, j’essaie de trouver ces petits instants de vérité, car je ne veux pas brider mes comédiens en les privant de liberté. Ils ne doivent pas se sentir bloqués par tout un tas d’actions à exécuter, m [...]

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