Interview : Juliano Dornelles & Kleber Mendonça Filho réalisateurs & scénaristes
Dans vos films, vous mettez en scène des communautés attaquées par des forces extérieures. Faut-il y voir une parabole de ce que vivent les Brésiliens au quotidien ?
K.M.F. La situation est critique chez nous. Le concept de tension au cinéma traduit la volonté des personnages de réagir contre quelque chose qui les heurte, et cela commence toujours avec quelqu’un qui dit « non ». Je suis fasciné par ces situations. C’est effectivement le cas dans Les Bruits de Recife, dans Aquarius aussi… Et bien sûr, Bacurau est un film de genre, dans un décor classique avec une rue unique et des petites maisons, une église et une petite école… On a construit le scénario comme une situation de western, en effet. Dans ce film, nous avons abordé le genre de manière plus évidente que dans les deux autres.
J.D. Le genre y était suggéré visuellement, par des mouvements de caméra très spécifiques par exemple, mais la situation n’était pas celle d’un film de genre.
L’importance de ces crises fait donc que vous jugiez le genre plus approprié pour parler de ces violences ?
J.D. Oui, absolument. Je pense que les films de genre peuvent être très efficaces quand vous voulez parler de politique, car tout y est décuplé, ce qui est parfait pour montrer l’absurdité de certaines situations. Pour Bacurau, le genre est venu de lui-même. Nous avons eu l’idée du film après avoir été très mal à l’aise face à certaines oeuvres qu’on peut voir en festivals. Vous savez, ces documentaires à propos des « gens simples »…
K.M.F. Ces films sont bourrés de bonnes intentions, il faut le préciser. Faits par des gens très bien, très gentils.
J.D. Oui, mais ils débouchent sur cette conclusion stupide : « Ce sont des gens. ». (rires)
K.M.F. « Ils sont pauvres, mais ils sont très gentils ! » (rires)
J.D. C’est inacceptable. C’est pour ça que nous avons voulu faire un film à propos de ces « gens simples » que, en aucun cas, nous ne considérons comme tels.
K.M.F. C’était un point de départ parfait. Puis nous nous sommes référés à l’Histoire du cinéma américain. On a pensé à Délivrance, par exemple. C’est un film formidable, mais ça parle quand même de citadins qui rencontrent des campagnards très étranges et un peu tar& [...]
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