Interview : Jon Turteltaub
En eaux troubles
En eaux troubles, c’est avant tout l’histoire d’un development hell de près de deux décennies. Début 1997, Walt Disney décroche les droits d’adaptation du best-seller de Steve Alten pour la coquette somme d’un million de dollars. Le triomphe de Jurassic Park et l’attente générée par sa séquelle Le Monde perdu attisent clairement la convoitise du studio, qui a déjà donné le feu vert à Starship Troopers deux ans auparavant. Suite à l’échec commercial du chef-d’oeuvre de Paul Verhoeven et à l’annonce de Peur bleue de Renny Harlin sous le pavillon Warner, Disney abandonne toutefois le projet. Après avoir récupéré les droits, Alten signe en 2005 avec New Line Cinema, tout juste auréolé du succès du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Le bébé est confié à Guillermo del Toro puis à Jan de Bont, avec George Clooney en tête d’affiche et une enveloppe théorique de 80 millions de dollars. Hélas, les visions délirantes du réalisateur de Speed 2 font grimper le devis au-delà des 200 millions, et en dépit d’une date de sortie annoncée à l’été 2006, New Line jette l’éponge à son tour. Huit ans plus tard, Warner rachète les droits du livre et relance la machine, en coproduction avec la compagnie chinoise Gravity Pictures. Un temps associé au projet, Eli Roth préfère aller tourner le remake d’Un justicier dans la ville, et c’est Jon Turteltaub (Benjamin Gates et le trésor des Templiers) qui a l’honneur de donner vie au requin préhistorique de Steve Alten. Les enjeux financiers sont plus grands qu’il n’y paraît : au format papier, The Meg a déjà généré pas moins de six séquelles…
Trois mois après les singeries de Dwayne « The Rock » Johnson face aux créatures de Rampage – hors de contrôle, En eaux troubles (The Meg en VO) promet d’opposer un requin de la taille d’un paquebot à l’invincible Jason Statham (ou inversement). Dans le catalogue printemps/été de Warner Bros., monstres géants et castagneurs font vraisemblablement bon ménage ; c’est en tout cas ce que nous affirme Jon Turteltaub, orchestrateur de ce délire sous-marin et préhistorique, dans l’entretien qui suit.
Le roman de Steve Alten dont votre film s’inspire a été publié en 1997. L’avez-vous lu à l’époque ?
Non, je ne l’ai lu qu’après avoir été engagé pour tourner le long-métrage. Je me suis dit qu’il fallait absolument que je comprenne pourquoi tant de lecteurs avaient adoré ce roman. Je voulais savoir quels aspects du livre devaient absolument être gardés dans le film. Un film et un livre ne sont jamais totalement identiques. Je pense que nous avons fait un bon travail d’adaptation : nous avons essayé de capturer l’essence de l’oeuvre originale tout en changeant certaines choses afin que cela passe mieux à l’écran.
Le processus d’adaptation du roman a été très long. La phase de development hell a commencé dès la parution en 1997, et de grands noms ont failli réaliser le film, notamment Guillermo del Toro. Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué dans le projet ?
Honnêtement, je n’en avais pas entendu parler jusqu’au printemps 2016, lorsque le producteur Lorenzo di Bonaventura m’a appelé pour me dire qu’il voulait travailler avec moi sur ce film. J’ai lu le script qu’il m’a envoyé, nous nous sommes rencontrés pour en parler, et ça a commencé comme ça, le plus simplement du monde.
Avez-vous consulté les archives du projet, afin de savoir ce qui n’avait pas été retenu dans les précédents scripts et pourquoi ?
Non, j’ai lu un script fini. Beaucoup de scénaristes étaient déjà impliqués dans le projet lorsque je suis arrivé, et j’ai senti que mon travail était avant tout de faire avancer les choses, surtout pas de regarder en arrière. Je me suis donc emparé de ce qu’ils avaient, et nous avons bâti notre script définitif à partir de là. Je n’ai pas cherché à connaître les anciennes versions.
L’auteur du roman a-t-il été impliqué dans le processus, après votre arrivée sur le film ?
Nous avons discuté au téléphone, nous avons échangé quelques mails, mais nous ne nous sommes jamais posés face à face dans la même pièce. Un projet comme celui-ci est assez complexe : on veut être fidèle au matériau d’origine et à son auteur, mais aussi au lectorat et aux fans. J’ai essayé de toujours garder ça en tête, tout en proposant une expérience unique, [...]
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