Interview : Craig Zobel réalisateur

Révélé en 2012 par le formidable thriller indé Compliance, Craig Zobel s’est depuis illustré dans le drame post-apocalyptique avec Les Survivants, ou encore la série The Leftovers dont il a signé trois épisodes. Lorsque nous avons enregistré cet entretien, la sortie en salles de The Hunt était encore une certitude, ce qui explique la relative insouciance de la conversation qui suit…
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The Hunt est une satire politique très actuelle. C’était déjà le cas de votre premier long-métrage, Compliance. L’idée du groupe qui réagit de façon totalement folle à une situation de crise est au coeur des deux films.

Oui. Je n’ai pas encore eu le temps de prendre du recul sur tout ça, mais je pense que vous avez raison. Je suis fasciné par les comportements collectifs, et les décisions que l’on prend en groupe. Au-delà même des décisions, les suppositions que l’on fait en groupe sont très dangereuses. Il y a un phénomène social qui se produit : chaque groupe se croit spécial, et considère ceux d’à côté comme inférieurs. Je me suis beaucoup inspiré d’une étude sociale qui a été menée il y a quelques années. Les responsables ont pris deux groupes de jeunes garçons, dont l’âge allait de onze à treize ans. Ils ne leur ont pas trop expliqué en quoi consistait l’étude, ni aux parents. Ils ont présenté ça comme un camp d’été. Ils ont divisé les enfants en deux camps différents, en fonction de leurs origines sociales ou de l’endroit où ils vivaient. Ils ont laissé chaque groupe choisir son nom, ils les ont amenés à se forger une identité, et seulement après ça, ils leur ont dit qu’il y avait un autre camp rival de l’autre côté du lac. Immédiatement, ces gosses de 11, 12 ou 13 ans ont immédiatement haï l’autre camp. Quand ils ont organisé des rencontres entre les deux groupes, ça a dégénéré, c’est devenu violent, et ils ont dû arrêter l’expérience. Ça arrive à tout le monde, à mon avis. Pour de nombreuses raisons, qui vont du background culturel à l’influence des réseaux sociaux, on a tendance à s’isoler au sein d’un groupe. C’est un phénomène naturel.


Vous parliez d’isolation ; justement votre second long-métrage, Les Survivants, est basé sur cette idée.

Oui, en effet. Mais l’isolation sociale dont je parlais plus tôt est pour moi le résultat d’un manque de curiosité ou d’empathie. Le fait de s’isoler des gens avec qui nous ne sommes pas d’accord, de les effacer comme s’ils n’existaient pas, c’est un peu dangereux. Je ne dis pas que je suis meilleur que les autres, ça m’arrive aussi ! The Hunt n’est pas une métaphore sérieuse sur le besoin de s’ouvrir aux autres. C’est censé être un divertissement, mais je voulais y glisser quelques réflexions qui me sont très personnelles. 



Dans quelle mesure avez-vous vous été impliqué dans l’écriture de The Hunt ?

J’ai discuté du projet avec le scénariste Nick Cuse après notre collaboration sur The Leftovers. Nous voulions à tout prix retravailler ensemble, et ce sujet nous le permettait. L’industrie du cinéma est un monde très particulier, et on ne voulait pas se perdre de vue. J’ai parlé avec Nick d’un concept de film d’horreur assez classique, avec des personnages piégés dans une maison, mais on voulait pouvoir aborder certains thèmes à travers le genre. Nick est parti écrire le scénario avec Damon Lindelof, et je l’ai lu une fois terminé. Je venais de partir de New York et de m’installer en Géorgie, où j’ai grandi. Je suis originaire d’Atlanta. Or, être isolé à New York, ce n’est pas la même chose qu’être isolé en Géorgie, au milieu d’une communauté rurale. J’ai pu trouver des terrains de discussion et d’entente avec des gens qui n’avaient pas du tout le même parcours ou les mêmes opinions politiques que moi. Évidemment, il y a toujours des désaccords massifs, mais ça restait tout à fait vivable. Quand Nick m’a amené le script, je me suis dit qu’ils avaient trouvé la bonne approche tonale. Essayer d’aborder des questions aussi fondamentales que la lutte des classes et la fracture culturelle de la société, à l’époque où nous vivons, c’est très difficile. Je ne suis même pas encore sûr qu’on ait trouvé la bonne méthode. Je n’ai pas la réponse absolue. On ne peut pas a [...]

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