Interview : Christian Volckman réalisateur & scénariste

Quatorze ans séparent Renaissance et The Room. Mystérieusement disparu des radars pendant tout ce temps, Christian Volckman a en fait renoué dans l’ombre avec sa vocation d’artiste, avant de retrouver enfin son envie de cinéma. Rencontre avec un réalisateur singulier, qu’on espère retrouver sur grand écran avant que les années 2020 ne se soient écoulées.
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The Room a-t-il été plus facile à faire que Renaissance ?

C’est amusant, l’expérience a été presque identique. Ça m’a confirmé que pour faire ce métier, il faut être masochiste. Personnellement, je cherche l’émotion artistique ; j’ai envie de me sentir bien artistiquement quand je fabrique, puis ensuite face au résultat. La base de mon désir, c’est quand même la passion. Je cherche le Graal, et je pense que tout ça vient de mon grand-père. C’est lui qui a commencé à me dire : « Écoute, si tu veux être artiste, il faut que tu sois comme lui », et il m’a tendu un livre sur Michel-Ange. La pression était très forte et même totalement irrationnelle. C’était un peu fou de sa part : il m’a mis la barre tellement haut que je ne pourrai jamais sauter au-dessus. C’est donc une quête totalement vaine et effectivement masochiste, parce que je sais que je ne vais jamais y arriver. Et à chaque fois, ça s’est confirmé, déjà par la difficulté des projets mis en oeuvre. Renaissance, c’était du noir et blanc sans valeurs de gris, qui faisait référence à l’expressionnisme allemand, à des films comme Metropolis ou un peu plus tard Citizen Kane et Le Procès d’Orson Welles. Le prix à payer, c’est que Renaissance a représenté sept ans de travail, avec la recherche du financement et les échecs que ça implique, l’effondrement de Canal+ à l’époque avec Jean-Marie Messier, qui nous a ramenés à la case départ… Nous sommes allés chercher de l’argent chez Disney et ils nous ont dit oui, mais quelques années plus tard, lorsqu’on s’apprêtait à sortir le film, plus personne ne s’en souvenait. Ils ne savaient même plus qu’ils nous avaient donné de l’argent. Donc ils ont envoyé quelqu’un chercher le dossier dans je ne sais quel entrepôt, qui pourrait ressembler à la zone 51 d’Indiana Jones, et ils ont fini par le retrouver. C’était une sorte de patate chaude pour eux : « Merde en fait, les Français ont réussi à faire ce film… Bon, on va le sortir via Miramax, la filiale qu’on vient d’acquérir, et ils vont se charger de le tuer. ». Après tout ça, j’ai ressenti un véritable épuisement mental et physique. Sept ans pour faire un film d’une heure et demie, ça rend un peu fou. On se demande pourquoi on dépense une telle énergie pour quelque chose d’aussi court, que tout le monde va regarder un peu de haut, en disant : « Ouais, eh ben en fait c’est de la merde. ». Ma première passion, c’était la peinture, en particulier la Renaissance ou des peintres comme Caravage, Bacon ou Picasso. J’avais ce fantasme de l’artiste absolu dans un atelier, libéré de toute contrainte, face à sa toile blanche et avec lui-même comme seul ennemi. J’ai voulu me confronter à ma solitude, au vide que procure cette toile blanche ; et quelque part c’est une folie, parce qu’on se retrouve écrasé par toute l’Histoire de l’Art, qui est bien plus vaste que l’Histoire du cinéma. J’ai passé à peu près un an à effacer le même tableau. Je le peignais, puis le lendemain je le refaisais, encore et encore, comme un dingue. En plus, je travaillais avec de la térébenthine, un produit assez corrosif et qui, au bout d’un moment, attaque le système nerveux. Au bout d’un an, j’ai décidé de redescendre dans mes exigences. Au lieu de peindre une toile, j’en peignais six ou sept d’un coup, et dès qu’il y en avait une que je trouvais vraiment nulle, je passais à la suivante. Mais en revenant dessus quelques jours plus tard, je découvrais des choses intéressantes sur la première peinture. C’était donc un effort de construction plutôt que de destruction. J’ai peint comme ça pendant deux ou trois ans, et j’ai réussi à arrêter quelques toiles dans le temps. Un jour, je peignais u [...]

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Commentaire(s) (2)
danysparta
le 20/03/2020 à 17:53

Perso j'avais beaucouo aimé RENAISSANCE alors curieux de voir THE ROOM.

Li belle bièsse
le 24/03/2020 à 01:50

@ Dany

Honnêtement, j'ai bien aimé (le film était disponible en Belgique un mois avant sa sortie en France). Cela commence de façon presque basique pour se déployer insidieusement et s'épanouir en arborescences conceptuelles assez vertigineuses.

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