Alexandre O. Philippe : "'Lynch/Oz' n'est pas un film qui élucide, il ouvre de nouvelles portes sur d'autres mystères"
Lynch/Oz
Son travail documentaire a occupé toutes les conversations cinéphiles dès 2010 avec rien moins que le faux procès du créateur de Star Wars via The People vs. George Lucas. Par la suite, qu’il s’intéresse à Psychose, Alien ou L’Exorciste, Alexandre O. Philippe a toujours trouvé des moyens inédits et foisonnants de traiter des sujets en apparence rebattus. En attendant You Can Call Me Bill, son très prometteur portrait de William Shatner, parlons bien, parlons Lynch, à l’occasion de la sortie en salles de Lynch/Oz le 31 mai prochain sous la bannière Potemkine Films.
Quel genre d’amateur de David Lynch êtes-vous ?
Ça fait des années et des années que je suis passionné par son cinéma. Ma première expérience cinématographique lynchienne en salle a été Lost Highway. Je me considérais déjà comme un fan à cette période, mais c’est vraiment le film qui m’a conforté dans cette passion.
Depuis, je n’ai jamais arrêté de revoir ses œuvres. J’ai vu au moins 70 fois Mulholland Drive, j’en ai beaucoup parlé dans des conférences ou des présentations. Cela fait longtemps que j’échange sur son cinéma avec le public ou d’autres cinéastes. J’ai Lynch dans le sang. (rires)
Trouvez-vous autant d’exaltation dans la vision de ses œuvres que dans leur analyse ?
Le fait que Lynch soit un surréaliste ouvre ses films à des interprétations diverses. C’est ce qui fait la beauté du processus, il n’y a pas d’interprétation définitive, mais il y a indéniablement une vision. Certains motifs ne cessent de revenir dans son cinéma et nous donnent des indices sur ce que Lynch essaie de faire passer à travers son travail.
On sait très bien qu’il n’aime pas parler de ça, donc c’est à nous de plancher dessus. Et c’est un vrai plaisir. Dans un sens, il n’y a rien à décrypter.
Prétendre avoir trouvé ce que Mulholland Drive ou Lost Highway signifie, ça ne veut rien dire, parce que ce n’est pas le but. Le surréalisme parle à notre subconscient, pas à notre esprit analytique. La beauté, c’est de trouver des parallèles. Lynch/Oz n’est pas un film qui élucide, il ouvre – je l’espère – de nouvelles portes sur d’autres mystères.
Dans le documentaire Lynch/Oz, certains plans soulignent le lien entre Le Magicien d'Oz et l'œuvre de Lynch.
D’où la nécessité de sortir du cinéma de David Lynch à proprement parler…
Ce que j’ai apprécié dans la manière dont les participants se sont impliqués dans ce projet, c’est qu’ils ont tous donné des anecdotes personnelles. Ils parlent non seulement de Lynch et du Magicien d’Oz, mais aussi de leur cinéphilie, de leur enfance, des mystères du cinéma, du fait que quand on est petit et impressionné par certains films, ceux-ci prennent une importance cruciale.
Comme le dit David Lowery, plus on creuse, plus on arrive à une compréhension de l’essence de ce que nous sommes.
Vous faites intervenir Rodney Ascher, dont le film sur Shining, Room 237, a été parfois accusé d’aller trop loin dans l’interprétation. Y a-t-il selon vous un moment où l’analyse sémiologique peut s’égarer ?
Toujours, bien sûr. C’est marrant parce que la première fois que j’ai vu Room 237, je n’ai pas vraiment compris la démarche. Je me suis depuis lié d’amitié avec Rodney et maintenant, je vois ce qu’il a voulu faire et je l’admire. Lui a envie de se perdre, et il n’adhère pas nécessairement aux théories farfelues de ses participants.
Si vous comparez son film à ce que j’ai pu faire sur la scène de la douche de Psychose dans 78/52, je vais plutôt vers des participants qui sont – à défaut d’un meilleur terme – des experts dans leur domaine. Rodney est attiré par les théories plus personnelles, même si elles ne sont pas basées sur des observations empiriques.
Donc oui, on peut s’y perdre, mais on peut y voir une certaine beauté. Le danger, vu qu’on parle d’art et de création, c’est de prétendre détenir la vérité absolue. Il n’y a pas de vérité, il n’y a que des observations, et dans la démarche de Room 237 ou la mienne, il faut que les choses soient très claires.
Le documentaire d'Alexandre O. Philippe est conçu à partir d'une multitude de fragments visuels.
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