INTERVIEW : ALEXANDRE DESPLAT COMPOSITEUR

Révélé par ses compositions pour les films de Jacques Audiard, Alexandre Desplat a vu les portes hollywoodiennes s’ouvrir suite au somptueux score de La Jeune fille à la perle. Boulimique (six B.O. en 2017 !), l’artiste est tout de même parvenu à donner à La Forme de l’eau une identité musicale vraiment singulière dans le paysage cinématographique contemporain.
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Guillermo del Toro a travaillé avec beaucoup de compositeurs différents : Danny Elfman, Marco Beltrami, Javier Navarrete… Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué dans La Forme de l’eau ?

Il était producteur sur le film d’animation Les Cinq légendes il y a cinq ou six ans. Je l’ai rencontré à l’époque, il a été très sympa et m’a dit qu’il avait peut-être un autre projet pour moi. Il y a trois ans, on m’a demandé d’écrire la mélodie de la série Trollhunters, dont il était scénariste et producteur. Là, il m’a parlé de La Forme de l’eau autour d’un plateau de sushis à Los Angeles ! Le temps a passé, il est parti faire deux ou trois films et moi aussi. Et il y a un an, il m’a donné un scénario que j’ai trouvé très beau. Il m’a montré le film terminé en janvier 2017, alors que je travaillais sur Valérian de Besson. J’ai été scotché par la beauté du long-métrage, sa force, son sens du détail, la maîtrise de tous les postes artistiques. C’est un film musical, humaniste, c’est un film d’amour, tout ça réuni. On s’est retrouvé en avril, et on a commencé à travailler.


Avait-il utilisé une piste musicale temporaire dans son montage ?

J’ai découvert le film sans musique temporaire ; je l’avais demandé à Guillermo. C’est mieux pour tout le monde. Lui ne s’habitue à rien, et moi je ne suis pas bloqué par une quelconque référence.


Il y a dans le score une mélancolie et une déconnexion du réel qui rappellent beaucoup L’Étrange histoire de Benjamin Button.

C’est sans doute le film qui s’en rapproche le plus, thématiquement. En tout cas, il n’était pas question d’utiliser des rythmiques modernes ou de l’électro. Ça n’avait aucun sens. Ça se passe en 1962, l’héroïne est nourrie de comédies musicales des années 40 et 50, tout l’univers est plombé par l’époque. Si j’avais écrit une musique avec un style ou une instrumentation trop contemporains, ça n’aurait pas eu la fluidité que je recherchais. Quand la musique du film s’interrompt et qu’on rentre dans une chanson de comédie musicale, il fallait que la transition puisse se faire sans difficulté.


Et en même temps, vous n’avez pas trop marqué le côté américain. Ce n’est pas du jazz Broadway pendant deux heures.

Ça aurait pu, mais Guillermo a beaucoup insisté sur l’aspect européen. Ses compositeurs préférés sont Delerue et Rota. Ça tombe, ce sont aussi les miens. Il aime aussi beaucoup le Maurice Jarre de Franju. Quand il me cite ces trois noms-là, je suis en territoire confortable. Je sais où je vais, et je sais que mon style va pouvoir s’exprimer.


Guillermo del Toro a-t-il choisi lui-même toutes les chansons, notamment celle de Gainsbourg ?

Oui, toutes. Ma seule contribution a été de proposer Renée Fleming, que j’avais rencontrée [...]

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