INTERVIEW : ALEXANDRE BUSTILLO & JULIEN MAURY RÉALISATEURS

Si Leatherface se montre bien plus incarné que l’atroce Texas Chainsaw 3D, le film est loin de traduire la vision initiale de ses deux réalisateurs. Alexandre Bustillo et Julien Maury reviennent sur l’expérience contrastée de leur première production américaine, d’un tournage relativement idyllique à une postproduction sans queue ni tête…
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Deux années se sont écoulées entre la fin du tournage et la sortie du film…

Alexandre Bustillo : Oui, mais il n’y a jamais vraiment eu d’arrêt dans la postprod’. Le film n’a jamais été remisé dans un placard. Les producteurs ont mis du temps à le remonter, puis il y a eu la musique… C’était très étiré, car Millennium a entre-temps été racheté par la Chine, et les nouveaux propriétaires ont viré quasiment toute l’équipe dirigeante. Nos producteurs en chef sur Leatherface se sont fait gicler en fin de post-prod’ !


Quand avez-vous vu le film fini pour la première fois ?

A.B. : Ils nous l’ont envoyé sous forme de lien, tout con. On l’a montré en septembre pour la première fois en festival, et on a dû le découvrir deux ou trois mois avant.

Julien Maury : On nous avait quand même tenus au courant tout au long du processus. Il n’y a pas eu de découverte hyper violente : on savait grosso modo dans quelle direction ça allait. On a tout suivi de loin, en fait. Ils nous ont envoyé les nouvelles scènes qu’ils avaient tournées, nous ont expliqué ce qu’ils allaient mettre… En regardant le dernier montage, ma réaction a été de noter tout ce qui n’allait pas. Mais au bout d’un moment, je me suis dit que c’était complètement con. Je réagissais comme si je devais annoter une copie de travail. Or, ce n’en était pas une.




Vous vous attendiez vraiment à ce que le film soit amputé de la sorte ?

A.B. : Honnêtement, non. Dès le départ, on a cru en notre capacité à les convaincre. On y est allé en se disant : « On va tout faire pour que ça fonctionne. ». C’est une telle somme de travail qu’il faut avoir la foi. D’autant qu’on est partis pendant des mois, loin de nos mômes. Si on n’y croit pas dans ces conditions, c’est le suicide assuré. Et on y a cru. Les rushes leur plaisaient, et ils les contrôlaient vraiment. On ne parle pas d’une production à la française. Même si c’est Millennium, il y a quand même un studio derrière qui surveille son pognon. On avait deux producteurs en permanence derrière le combo. Ils n’interféraient pas sur notre mise en scène, mais vérifiaient si on dépensait correctement leur argent. Le troisième jour, l’assureur est venu sur le tournage – c’est-à-dire les banques. Les mecs nous ont observés, ont vu que ça roulait, et ne nous ont plus jamais fait chier. Ç’a été idyllique jusqu’à la fin du montage de notre cut. Jusqu’à la fin de notre contrat, en fait. On leur a livré une version de deux heures du film, et ils nous ont dit que c’était trop long. On a livré une seconde version de 95 minutes, et on pensait vraiment tenir le bon bout. Mais on n’avait pas un interlocuteur ; on en avait au moins 20. Certains mecs un peu plus hauts que les autres sur la pyramide se sont mis à dire : « Ah non, j’aime pas trop ça, le début est trop contemplatif, il n’y a pas de dialogues, c’est trop français, c’est trop arty, il faut que ce soit à l’américaine, que ça charcute direct, on va sortir la tronçonneuse… ». Des trucs dingues. Le gars a lancé un débat de prépa en postprod’ ! Il fallait peut-être se réveiller avant, mec ! Il y avait un scénar’, on n’improvisait pas nos scènes ! Ils ont fait les choses à l’envers. Une fois que tout était fini, ils se sont dit qu’ils voulaient changer le début, la fin, puis tout ce qui se trouvait au milieu. C’est assez déstabilisant comme façon de travailler.

J.M. : Surtout, il n’y a pas eu de trahison de notre part. On a donné nos intentions dès le début, de façon très claire, et on a vraiment parlé de l’aspect contemplatif. On voulait que le film prenne son temps, qu’il soit axé sur les personnages, et ils ont fait le contraire. Ils ont enlevé toute l’émotion, et les personnages ! Tu prends n’importe quel film, tu lui mets les effets spéciaux les plus incroyables au monde, si tu n’as pas d’empathie pour les personnages, tu t’en fous complètement. Ça te lèvera un sourcil d’étonnement, mais tu l’oublieras dans la minute qui suit. Même si le scénario n’était pas incroyable, on avait vraiment appuyé les dialogues, les scènes intimistes, on voulait le rendre moins manichéen aussi. L’évolution du personnage de Jed est assez brutale dans leur version. Chez nous, c’était [...]

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Commentaire(s) (1)
G.C.M
le 06/01/2018 à 16:43

merci pour ces explications, car le film m'a déçu

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