Hommage Wes Craven

L’auteur des GRIFFES DE LA NUIT n’a pas toujours été bien traité dans les pages de ce magazine. Un mois après sa mort, il est donc temps de revenir sur une carrière non exempte de ratages, certes, mais dont les sommets dessinent un parcours passionnant.
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on sait bien que les réseaux sociaux font l’effet d’une loupe grossissante, mais l’annonce du décès de Wes Craven le 30 août dernier semble avoir vraiment laissé beaucoup de fans orphelins, si l’on en juge par le nombre de photos de profil remplacées par des gants prolongés de lames de rasoir ou des pulls à rayures rouges et vertes. Peut-être doit-on y voir une sorte de remords tardif, alors que dix ans auparavant, le père de Freddy Krueger était devenu une figure largement conspuée. Il faut dire qu’il avait un peu donné le bâton pour se faire battre, en exploitant avec opportunisme la franchise Scream et en amorçant un virage avorté vers le cinéma grand public avec le mièvre La Musique de mon coeur. Pouvant s’appuyer en outre sur une filmographie qui compte son lot de titres moyens voire carrément mauvais (essayez juste de vous retaper La Créature du marais, c’est douloureux), la révolte s’était ainsi mise à gronder, avec pour étendard l’idée assez farfelue selon laquelle le remake de La Colline a des yeux par Alexandre Aja serait supérieur à l’original. Bon, le temps du deuil étant aussi celui de remettre certaines pendules à l’heure, regardons-y de plus près. 

D’abord, il est toujours curieux d’entendre des propos aussi sévères dans la bouche des défenseurs d’un cinéma de genre, l’objet de leur amour étant justement une machine à formater dans laquelle les artisans talentueux essayent de glisser une patte personnelle, en y parvenant ou pas selon les cas. Ensuite, reconnaissons-le, Wes Craven n’a peut-être jamais signé une oeuvre foudroyante dont les retentissements se font sentir jusqu’à aujourd’hui, telle La Nuit des morts-vivants ou Massacre à la tronçonneuse, et il n’a pas non plus témoigné d’un génie de la mise en scène comparable à celui d’un John Carpenter. Mais bon an mal an, il aura grandement servi l’horreur et le fantastique grâce à une palanquée de péloches de qualité. Enfin, et surtout, il en remontre aux autres cinéastes de sa génération par le fait qu’il aura quand même réalisé, trois décennies de suite, un film majeur créant quasiment de toutes pièces un sous-genre promis à un bel avenir. Dans l’ordre inverse : le slasher autoréflexif avec le premier Scream (années 90), le slasher surnaturel avec Les Griffes de la nuit (années 80), le rape and revenge et le home invasion avec La Dernière maison sur la gauche (années 70).

AFFAIRES DE FAMILLE

La Dernière maison… transforme en effet la banale bande d’exploitation attendue en un sommet de sauvagerie, où un paisible couple de la classe moyenne devient assoiffé de sang en découvrant, par un hasard grinçant, qu’ils ont offert l’hospitalité aux jeunes chevelus qui ont supplicié leur propre fille. On connaît le chemin ayant conduit l’auteur à tourner ce premier long-métrage : né en 1939 à Cleveland, Ohio, Wesley Earl Craven y grandit au sein d’une famille modeste et très rigoriste. Du coup, il ne voit pratiquement AUCUN film jusqu’à ses années de fac. Aussi, la rupture est grande quand il abandonne une carrière de prof de littérature pour se lancer dans le cinéma, quitte à débuter dans les tréfonds de la série Z. Car c’est sur le plateau d’une oeuvrette sexy intitulée Together qu’il rencontre Sean S. Cunningham, futur producteur de La Dernière maison… et réalisateur du premier Vendredi 13. On sait même maintenant qu’il a persisté un temps dans le porno, en effectuant le montage d’un des classiques du X américain, l’hilarant C’est arrivé à Hollywood, et en signant (sous le pseudo « Abe Snake ») l’étrange et un peu chichiteux The Fireworks Woman, trouble histoire incestueuse où une jeune femme se jette désespérément dans la débauche à cause de son amour impossible pour son frère devenu curé !

De ces singularités biographiques, beaucoup ont déduit que l’art de Craven consistait à dépeindre l’effondrement de la famille traditionnelle. En fait, c’est un peu plus compliqué que ça : le cinéaste, qui a souvent été son propre scénariste, a plutôt modulé ce thème tout au long de sa carrière, en fonction de l’histoire qu’il se proposait de traiter. Déjà, dans le seul film faisant intervenir des protestants fondamentalistes, le très recommandable La Ferme de la terreur, la résolution montre que la série de meurtres est imputable à un autre cercle. Et de manière plus générale, ses récits reposent régulièrement sur l’affrontement de deux familles (réelles ou de substitution) de conditions diverses, les événements se chargeant de distinguer les bons et les méchants, même si ces deux catégories sont moins nettes qu’avant. Par exemple, si les « h&eac [...]

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Commentaire(s) (1)
madgabriel
le 02/12/2015 à 04:19

Mouais. Prospective bancale. Tout dabord le mystére "la musique de mon coeur" n'est pas évoqué. Ensuite vous parlez pas de Wes producteur en particuleir quand Aja remake la colline a des yeux. Il parait que Wes était furibard de l'arriere plan politique du film (carrément balancé dans le générique d'ouverture). Ca ma refroidi.

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