Hommage : Stuart Gordon
1968. Au sein de l’université du Wisconsin, le jeune Stuart Gordon et sa future épouse Carolyn Purdy montent la pièce de théâtre expérimentale The Game Show, où le public est directement visé par les comédiens et finit par se rebeller à chaque représentation. Quelques mois plus tard, ils récidivent avec une adaptation assez singulière de Peter Pan. « Notre version incluait une scène de nu » se souvient Gordon entre deux éclats de rire. « Et on s’est fait arrêter à cause de ça ! C’est vraiment arrivé ! Les comédiens n’étaient pas nus tout le temps, ce n’était que le temps d’une scène. C’étaient les années 60, et l’idée était de produire une satire politique. On a eu beaucoup d’ennuis, ma femme Carolyn et moi. On a failli passer dix ans en prison ! Heureusement, ils ont fini par nous laisser partir. » À leur libération, Gordon et Purdy fondent l’Organic Theater Company, qui joue entre autres la pièce Sexual Perversity in Chicago de David Mamet. Après dix années passées sur les planches, Gordon décide de se tourner vers le 7e Art.
AU SERVICE DE LOVECRAFT
Re-Animator sort en 1985 et provoque un électrochoc auprès des fans de cinéma d’horreur. Joli succès aux États-Unis, le long-métrage cartonne en France avec plus de 635.000 tickets vendus, une performance aidée par une sélection et un prix au Festival d’Avoriaz. « Quand je regarde en arrière, je me rends compte à quel point j’ai eu de la chance. La chance du débutant. Mon premier film a eu un succès inattendu. J’ai été formidablement bien entouré. Jeffrey Combs, Barbara Crampton et Bruce Abbott ont été des acteurs extraordinaires, mon producteur Brian Yuzna était prêt à prendre des risques et à parier sur moi. C’était aussi sa première grande production, donc c’était aussi un saut dans le vide pour lui. J’avais aussi un excellent directeur de la photographie, Mac Ahlberg. Je l’appelais « le professeur » : je n’avais jamais suivi de cours de mise en scène, donc il m’a appris comment faire un film. Vraiment, j’ai eu de la chance. » S’il laisse les rênes des deux autres Re-Animator à Yuzna, Gordon continue d’adapter Lovecraft avec From Beyond : aux portes de l’au-delà en 1986, coproduit par Charles Band, mis en musique par Richard Band et interprété par les excellents Jeffrey Combs et Barbara Crampton. Si le film est bien inférieur à Re-Animator, il est aujourd’hui considéré comme un objet extravagant et culte, en particulier dans sa version director’s cut. Après avoir signé le jouissif et très inventif Dolls – les poupées en 1987, où sa femme interprète une mégère qui se fait tuer à deux reprises, Gordon adapte Le Puits et le pendule d’Edgar Allan Poe en 1991, avec Lance Henriksen en tête d’affiche. Il revient en territoire lovecraftien avec Dagon en 2001, dont les mécanismes scénaristiques semblent adapter les jeux de rôle lovecraftiens autant que le livre du Reclus de Providence. « C’est un pur hasard. À vrai dire, je ne connaissais même pas l’univers des jeux de rôle quand j’ai tourné Dagon ; je les ai découverts des années après. J’ai fini par rencontrer des joueurs aguerris et j’ai trouvé nos échanges très intéressants, car ils connaissaient tous les détails des monstres de Lovecraft mais n’avaient jamais lu les histoires d’origine ! Je me rends compte maintenant que la structure et les mécanismes de Dagon sont très proches des jeux de rôle. On m’a dit aussi qu’un épisode des jeux Resident Evil ressemblait énormément au film (il s’agit de Resident Evil 4, sorti au début des années 2000 sur Gamecube et PlayStation 2 – NDR). » À la fin des années 2000, Gordon affirme qu’il n’en a pas encore fini avec H.P. Lovecraft. « Je travaille sur une nouvelle adaptation en ce moment même, d’après Le Monstre sur le seuil. C’est l’une des meilleures histoires de Lovecraft, mais c’est surtout – croyez-le ou non – un récit très intime, qui parle de relations humaines. C’est différent de ce que j’ai pu tourner par le passé. Ce qui est sûr en revanche, c’est que je ne pourrai jamais réaliser le quatrième épisode de Re-Animator. Ça me déçoit. On aurait déjà dû le tourner après toutes ces années, mais nous avons laissé passer notre chance. Trouver les financements a été très difficile, parce que les gens ont peur de ce sujet. L’administration Bush a réveillé les consciences conservatrices. On aurait dû faire ce film en 2005, juste apr&egr [...]
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