Hommage : Larry Cohen
Né en 1936 à New York, Lawrence G. Cohen commence à écrire pour la télévision à l’âge de 22 ans, et se fait rapidement remarquer pour l’efficacité de ses intrigues. Après s’être fait la main sur Kraft Suspense Theatre, Les Accusés, Le Proscrit, Blue Light ou Le Fugitif, Cohen crée Les Envahisseurs, une série de science-fiction hautement parano dont s’inspirera copieusement X Files de Chris Carter. Parallèlement aux Envahisseurs, Cohen écrit la suite des Sept mercenaires (Le Retour des sept de Burt Kennedy, 1966) et devient, au début des années 70, l’un des fers de lance de la blaxploitation en réalisant Bone, Black Caesar, le parrain de Harlem et Casse dans la ville. Le cinéaste opère un nouveau virage à 90 degrés en 1974 avec Le Monstre est vivant, une série B brillante dont le refus du manichéisme reste encore aujourd’hui sidérant. Le film engendrera deux suites et assurera à Cohen une longue carrière dans les salles obscures, avec des films comme Meurtres sous contrôle, Épouvante sur New York, Special Effects, The Stuff ou encore l’excellent L’Ambulance avec Eric Roberts et James Earl Jones.
DES MONSTRES DANS LA VILLE
Si, dans l’entretien qui suit, Cohen se défend d’avoir eu une collaboration suivie avec William Lustig, les deux hommes travaillent ensemble à quatre reprises : pour la trilogie Maniac Cop d’une part, et le film d’horreur Uncle Sam d’autre part. Corrosives et efficaces, ces bandes d’exploitation marqueront l’histoire du genre pour une poignée de séquences impressionnantes, en particulier un gunfight dans un commissariat façon Terminator dans Maniac Cop 2. « L’idée de base de Larry, c’était de montrer des flics tirer sur des cibles, et que ces cibles leur rendent les coups » se souvient William Lustig. « C’était un concept original. Dans l’histoire, un tueur est arrêté et mis en cellule. Or, les rangées de tir sont souvent au sous-sol dans les commissariats new-yorkais, avant la section des cellules. Le Maniac Cop devait donc traverser l’hôtel de police et passer par les rangées de tir avant d’atteindre le type. Évidemment, Larry et moi avons vite compris que tous les spectateurs nous compareraient à Terminator. Nous avons donc demandé à Robert Z’Dar de tenir son arme exactement comme Arnold Schwarzenegger, pour lui rendre hommage. Il y a un plan au ralenti qui est emprunté à 100 % à James Cameron ! Mais à la base, Maniac Cop était la rencontre entre Frankenstein et French Connection, tournée comme un film noir de la RKO. C’était le concept. Quand Larry a eu l’idée d’un tueur en série interagissant avec le Maniac Cop, j’ai proposé de le diriger comme Bela Lugosi en Ygor dans Le Fils de Frankenstein. Même les décors ont été abordés comme des vieux plateaux des films Universal. »
CONVERSATIONS D’OUTRE-TOMBE
« Avec Larry, c’était toujours très facile. Il écrivait de très bons scripts, mais refusait de décrire l’action trop en détail. Je pouvais incorporer des idées que je pouvais avoir pendant les repérages. La scène où l’héroïne est menottée au volant au début du second épisode, je l’ai piquée au premier Police Story avec Jackie Chan. Sauf que cette fois-ci, grâce à Larry, la fille ne s’en sort pas ! » Comme le précise lui-même Cohen, quitte à tuer ses héros, autant le faire dans les toutes premières pages du script ! L’auteur, dont la filmographie compte un paquet de manuscrits remarquables (Pacte avec un tueur de John Flynn, L’Avocat du diable de Sidney Lumet, Body Snatchers, l’invasion continue d’Abel Ferrara, Phone Game de Joel Schumacher, Cellular de David R. Ellis, remaké via le Connected de Benny Chan), a participé en juillet 2013 au Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel, où il avait accepté de revenir longuement sur sa carrière…
Comment définiriez-vous votre statut ? Scénariste ? Réalisateur ? Auteur ?
Tout ça à la fois.
Cinéaste, donc.
Oui, exactement. Je ne vois pas forcément le cinéma comme une collaboration ouverte entre des tas de gens. Je pense vraiment qu’un film dépend de la vision d’une seule personne, qui donne l’impulsion à toute l’équipe. Un film provient de l’imagination d’un auteur. J’ai toujours amené mes propres idées, j’ai écrit mes scripts, j’ai produit et réalisé mes films, j’ai supervisé le montage, et je me suis même assez souvent impliqué dans les campagnes de promotion. C’est un effort global. Peu de gens ont la chance de pouvoir assumer toutes ces tâches. La plupart du temps, même les plus grands réalisateurs ont besoin de scénaristes. Quelqu’un écrit pour eux, par exemple Robert Bolt pour David Lean sur Lawrence d’Arabie. Beaucoup de gens créatifs s’entourent de cette façon, ou adaptent un livre ou une histoire dont ils ont entendu parler. Ils tournent des remakes, des suites, adaptent des comic-books… C’est très rare de commencer de zéro. Presque tous mes projets démarrent sur une page blanche. Ironiquement, je trouve que c’est plus facile ainsi. Je préfère procéder comme cela plutôt que d’avoir à négocier avec d’autres gens.
Cette liberté a-t-elle toujours fait partie de vos contrats ? Comme vous l’avez précisé, vous avez écrit presque l’intégralité de vos longs-métrages, et vous en avez tourné une bonne vingtaine. Si quelqu’un vous avait dit : « Nous allons engager un scénariste pour vous assister », vous seriez parti ?
Tout dépend de mes besoins. J’ai tourné Les Enfants de Salem, qui était vendu comme une suite des Vampires de Salem d’après Stephen King. Mais en réalité, l’intrigue était très différente. J’ai juste utilisé l’idée d’une ville abritant des vampires, et j’ai inventé tout le reste. Il m’est arrivé à de rares occasions d’écrire des scénarios à partir du travail d’autres personnes. Le Retour des sept, J’aurai ta peau d’après le livre The Jury de Mickey Spillane, mais tous mes films en tant que réalisateur sont originaux.
Dans Les Enfants de Salem, vous décrivez une société secrète qui se nourrit d’une population incrédule. On trouve souvent dans votre oeuvre une figure solitaire qui découvre un complot et doit tout faire pour l’exposer au monde.
Vous avez raison, il y a ce type de ressorts dramatiques. Dans Épouvante sur New York, il y a ce gars qui sait où est le nid des oiseaux. Dans The Stuff, le petit garçon est le seul à comprendre que le yaourt est vivant.
Il y a ce flic dans Meurtres sous contrôle, aussi, et bien sûr le héros des Envahisseurs.
C’est le concept de base des Envahisseurs ! Oui, le héros doit découvrir quelque chose que les autres ignorent. C’est un très bon moteur scénaristique. J’ai appris ça de Hitchcock. D [...]
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