Hommage Herschell Gordon Lewis
Né à Pittsburgh en 1926, H.G. Lewis fait des études de journalisme, dirige une radio au Wisconsin, puis travaille pour la première télévision locale d’Oklahoma. À Chicago il reprend en main une agence publicitaire et réalise avec son associé des films-annonces et d’entreprise. Rien d’exaltant, de quoi survivre. Le départ de son acolyte le pousse à tenter l’aventure du cinéma. « Je ne l’ai pas fait par passion, mais par désespoir » reconnaît-il. En 1959, il produit donc The Prime Time, une histoire de délinquance juvénile filmée à Chicago en décors naturels. La réalisation pauvre du documentariste Gordon Weisenborn et la banqueroute du distributeur décident Lewis à prendre le contrôle des films suivants, puisqu’il a acquis dans la pub une connaissance technique et l’art consommé de la vente. Le calamiteux Prime Time marque aussi sa rencontre avec un géant de l’exploitation, David F. Friedman, filou génial qui a bourlingué à travers villes et campagnes, projetant des copies usées d’« hygiene pictures », en misant sur l’érotisme et les boniments. Ce rebelle fort en gueule et le publicitaire cultivé – qui enseigna la littérature à l’université du Mississippi – s’entendent à merveille.
MIGNONNE NUDITÉ
Début 1960, L’Immoral M. Teas de Russ Meyer lance l’offensive du « nudie-cutie », bandes érotiques aux prétextes infantiles qui affolent les censures locales et engrangent les dollars. Après Living Venus, Friedman (au son) et Lewis (à la caméra) tournent seuls, en trois jours, sans autres techniciens, The Adventures of Lucky Pierre (1961), premier « Skinamascope » en « Fleshtone Color ». Daughter of the Sun (1962) et Goldilocks and the Three Bares (1963) sont des films de « camps nudistes », le filon le plus assommant du genre. Filmer des starlettes dépoitraillées dans le jardin tropical de la colonie naturiste de Floride, les faire rebondir sur des trampolines, exhiber les démentes mensurations de Virginia « Ding Dong » Bell (122-61-92 !), tout cela nécessite une page de script et trois jours de tournage. Le gros du budget sert à la promotion. « Un film d’exploitation » analyse le pragmatique Lewis, « est un film dans lequel le récit et l’interprétation sont subordonnés à des éléments qui peuvent être mis en avant, que le distributeur peut jeter à la face des directeurs de salle pour les convaincre de prendre le film et que ceux-là, à leur tour, livrent en pâture au public pour les inciter à payer leur ticket. »
DU VICE ET ENCORE DU VICE
En 1963, Friedman et Lewis ressentent l’essoufflement du nudie-cutie. Scum of the Earth (« la pourriture de l’Humanité ») les sort de la routine. Onze mille dollars de budget, six jours de tournage, une intrigue vicieuse : une fille dans le besoin pose pour des clichés de plus en plus explicites, victime d’un engrenage sans pitié. Elle pleure, geint, obtempère aux vilénies des margoulins. Conscients de cette nouvelle orientation, les comparses choisissent le noir et blanc, non par économie mais « parce que ça faisait sale, comme un vieux porno clandestin en 16 mm », dit Friedman. Ils ouvrent la brèche aux « roughies » (rough : rude, fruste, brutal), oeuvres scabreuses qui reprennent des recettes éculées des mélos (déchéance, prostitution, drogue, viol) en y mêlant, avec plus de cynisme, [...]
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