Hommage à Edward R. Pressman : American Dreamer

Réputé timide et excentrique mais doté d’une volonté de fer et d’un goût prononcé pour les réalisateurs têtes brûlées, Ed Pressman était l’un des derniers producteurs à l’ancienne de Hollywood. 

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 Né dans une famille juive new-yorkaise ayant le sens des affaires (son père est à la tête de la Pressman Toy Corporation, qui inventa le merchandising en fabriquant des jouets inspirés par leBlanche-Neige et les sept nains de Disney), Edward Pressman adore voir des films depuis qu’il est gosse : son oncle est propriétaire de deux salles de cinéma où le jeune Ed voit jusqu’à quatre films par jour.

Mais il n’envisage pas une seconde de faire carrière dans le 7e Art (pas plus que dans l’industrie du jouet) jusqu’au jour où il croise la route de Paul Williams alors qu’il étudie la philosophie à Londres. Américain comme lui, Williams a réalisé un court-métrage et convainc Pressman de se joindre à lui pour monter une société de production au sein de laquelle ils tournent la comédie Out of It, mis en scène par Williams.

Voilà l’occasion pour le duo de faire débuter comme caméraman le futur réalisateur de Rocky John G. Avildsen et un jeune comédien nommé Jon Voight. « Nous l’avons tourné pour 200.000 dollars dans la maison de vacances de mes parents à Atlantic Beach » raconte Pressman. « L’argent venait de nos cartes de crédit et de petits investisseurs. À l’époque, faire un film sans accord de distribution était excessivement rare, il n’y avait que John Cassavetes qui pouvait se le permettre. Les films étaient produits au sein des studios et nulle part ailleurs. »

Pourtant, le duo réussit à vendre Out of It à United Artists qui leur signe un contrat pour trois films alors qu’ils n’ont que 21 ans. Par chance, le studio a la bonne idée d’attendre que Macadam Cowboy soit sorti pour mettre le long-métrage à l’affiche, et le succès du film de John Schlesinger profite à Pressman et Williams, qui font rempiler Voight dans le drame politique Le Révolutionnaire avec Robert Duvall puis enchaînent avec le thriller Dealing: Or the Berkeley-to-Boston Forty-Brick Lost-Bag Blues, d’après un roman de Michael Crichton.



Eric Bogosian et Ed Pressman sur le plateau de Conversations nocturnes d'Oliver Stone.


FRÈRES DE SANG 

« Il existe encore des producteurs qui se voient comme la force motrice de la création d’un film, mais la fonction que pouvait avoir quelqu’un comme David O. Selznick dans le contexte des studios, où des cinéastes comme Alfred Hitchcock ou John Ford étaient sous contrat, n’existe plus de nos jours » expliquait Pressman il y a quelques années. « À l’époque, le producteur était d’emblée en opposition avec le réalisateur, car le conflit faisait partie des méthodes des studios. Le producteur avait voix au chapitre sur tous les aspects du film.

« Je me considère pour ma part comme un producteur qui est aussi un collaborateur, un partenaire. C’est ainsi que nous procédions avec Paul Williams quand nous avons débuté ensemble : je produisais et il réalisait, mais il n’y avait pas de ligne de démarcation précise, que ce soit en termes financiers ou artistiques. C’est ce type de collaboration que je m’efforce de recréer à chaque fois que je travaille avec un réalisateur, même si ça ne fonctionne pas toujours. »

« J’ai tendance à aller vers des metteurs en scène qui ont autant d’intelligence que de charisme, qui sont capables d’inspirer leur équipe et de former une sorte de communauté sur un plateau. Si je suis séduit par un réalisateur, je passe en général seulement une heure de temps en temps sur le tournage. S’il y a un problème, je m’implique, mais je ne supporte pas de perdre mon temps à rester assis pour le regarder faire, je pense être plus utile ailleurs, par exemple pendant le montage. »

« S’il s’agit d’un réalisateur avec qui je travaille pour la première fois, je vais voir les rushes, mais si c’est quelqu’un avec qui j’ai déjà collaboré, je lui fais confiance et je préfère voir les images quand tout est assemblé. Ça me permet d’avoir un point de vue plus objectif, car le reste de l’équipe a vu les rushes au quotidien et peut manquer de recul. Il y a beaucoup de gens très intelligents qui travaillent sur un film, et je pense qu’il est bénéfique d’avoir un peu de détachement, de prendre de la distance. »

Le bureau où se sont installés Pressman et Williams à New York devient vite le lieu de rendez-vous de jeunes loups comme Paul Schrader, Martin Scorsese et Brian De Palma, qui s’impose comme le leader du groupe et devient très ami avec Pressman. Le cinéaste signe alors un deal avec le producteur Ray Stark pour développer Sœurs de sang et Phantom of the Paradise.

Alors que Pressman est en plein tournage de Dealing… à Toronto, De Palma vient le voir : il ne s’entend pas avec Stark et aimerait que Pressman rachète les droits des deux films pour les faire avec lui. L’affaire est entendue et le reste, comme on dit, appartient à l’Histoire. Alors que le tournage de Dealing… se déplace à San Francisco, De Palma présente son ami George Lucas à son nouveau producteur.

Lucas est en train de préparer un film appelé Cruisin’, qui deviendraAmerican Graffiti. Quant à Scorsese, il s’apprête à mettre en scène un script de Jay Cox intitulé Gaga, qui servira de base de travail àMean Streets. Tous deux parlent de leurs projets à Pressman, mais celui-ci leur préfèrera Sœurs de sang, essentiellement en raison de sa relation privilégiée avec De Palma. C’est à cette époque que Pressman fait confiance à un autre jeune cinéaste, Terrence Malick, pour qui il accepte de produire La Balade sauvage, l’un des films les plus importants du Nouvel [...]

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