HALLOWEEN de David Gordon Green
Halloween
INTERVENANTS LAURENT DUROCHE, GILLES ESPOSITO, FAUSTO FASULO, JEAN-BAPTISTE HERMENT & ALEXANDRE PONCET. RETRANSCRIPTION ANNA GÉLIBERT.
F.F. Halloween est un film dont nous avons beaucoup parlé en amont. Gilles, tu as eu accès au casting et à l’équipe quelques mois avant la projection de presse, je vais donc commencer par toi. Vu que tu étais peut-être celui qui en savait le plus sur le film, celui-ci a-t-il répondu à tes attentes ?
G.E. Deux choses : j’aime bien le film, je trouve que c’est un Halloween de bonne facture. Mais étrangement, je le trouve un peu à l’opposé de ce qu’on nous avait vendu lors de ce voyage de presse à Los Angeles, à savoir la suite directe du long-métrage de 1978 de John Carpenter. Ce Halloween 2018 devait sauter par-dessus toutes les autres suites. Alors si l’on s’en tient strictement à l’histoire, c’est le cas… Mais bizarrement, le résultat final reste, à mon sens, un peu enchaîné à toute cette arborescence des films précédents, il zappe un peu entre plusieurs tendances. Il y a donc cette histoire de Laurie Strode maintenant grand-mère, avec sa fille et sa petite-fille, mais comme c’est un Halloween et donc un slasher, il arrive un moment où les responsables du film semblent se dire : « Ah, et maintenant pour nos amis les jeunes, voilà une nuit de Halloween avec des citrouilles partout, des baby-sitters, des meurtres, etc. ». Et comme dans le premier film et de nombreuses suites, il y avait le docteur Samuel Loomis, incarné par Donald Pleasence, on nous remet un psychiatre avec un rôle mineur mais qui devient très important pendant dix minutes. Ce qui est un peu une facilité de scénario… Le film se sent forcé de naviguer entre différents aspects de la franchise Halloween et c’est sa limite.
F.F. Jean-Baptiste, autour de cette table, tu es celui qui a le plus d’appétence pour le genre slasher. J’imagine que tu attendais le film ? Je crois que parmi nous, tu es celui qui exprime le plus de réserves. Qu’est-ce qui t’a principalement déplu et, malgré tes critiques, retiens-tu tout de même quelques aspects positifs ?
J.-B.H. Je suis d’accord avec Gilles sur le côté « cul entre deux chaises », et selon moi, c’est en cela que le film est un échec : cette volonté de faire une suite du premier film en effaçant les suivants fait du long-métrage une sorte de délire de fanboy qui essaye de faire du Carpenter avec tout ce qu’il faut de citations. Le Halloween II de Rick Rosenthal prolongeait de belle manière l’atmosphère du premier malgré ses défauts. Alors que le Halloween 2018, selon moi, n’y parvient pas. J’ai seulement l’impression que quelqu’un n’arrête pas de me dire à l’oreille : « Hey, on fait la suite du film de John Carpenter. ». J’y vois juste un cinéaste qui manque de personnalité et livre simplement sa déclaration d’amour à Halloween. De plus, David Gordon Green essaye également de satisfaire un public plus jeune, plus moderne, et en cela, le film me rappelle plus le Halloween de Rob Zombie, avec un Michael Myers plus sauvage. Et pour moi, tout le côté suspense est inexistant : Michael Myers ne fait pas peur, il n’a pas la mystique de l’original, il n’a pas non plus le côté pathétique et créature de Frankenstein du Rob Zombie… Il est là sans être là et je trouve que ça ne fonctionne pas, en dépit de nombreuses qualités : la photo est très jolie, le score est plutôt pas mal, Jamie Lee Curtis est très bien… Gilles, tu parlais des générations de Strode qui sont réunies, ça aurait pu donner un point de vue intéressant, mais en fait ça ne sert à rien. La fille de Laurie Strode n’existe pas vraiment – Judy Greer n’a rien à faire à l’écran –, pareil pour la petite-fille… C’est un peu du gâchis. Ce n’est pas un film atroce, c’est juste qu’on s’ennuie.
F.F. Alexandre, tu es un peu plus modéré sans être un fan du film.
A.P. Je ne fais pas partie des grands défenseurs, non… Je ne trouve pas le film honteux. C’est un slasher assez direct et généreux. J’ai fini par compter les morts et il y en a tout de même 18 au compteur… Je crois qu’il y en avait cinq dans l’original, en incluant le prologue. Il y en avait beaucoup plus dans Halloween II… Donc on est plus dans le registre du Rick Rosenthal. Maintenant, dans ces 18 morts, aucune n’est vraiment inédite ou assez impressionnante pour révolutionner le genre du slasher. Je suis assez d’accord avec Jean-Baptiste sur le gâchis de l’aspect générationnel, parce que cela n’intervient vraiment qu’à la toute fin – qui, je crois, a été retournée –, et justement, je trouve que cette fin n’est absolument pas crédible. Je préférais largement Halloween, 20 ans après sur un sujet similaire, il y avait beaucoup moins de morts et beaucoup plus de montées de suspense. Je me souviens d’une ou deux séquences qui étaient vraiment marquantes. Et puis, ce qui me gêne aussi, c’est le côté méta pour dire : « On revient à l’original et on va, par des dialogues un peu malins, virer tout ce que les suites avaient fait… ». À propos de Loomis notamment. On a un nouveau psychiatre et à un moment, quelqu’un lui parle et dit : « Oh, vous êtes le nouveau Loomis. ». Également, Michael Myers n’est plus le frère de Laurie Strode, donc dans un dialogue, on nous dit : « Ah mais ça, ç’a été inventé par des débiles qui voulaient trouver une raison. ». En gros, les personnages font une critique négative des suites qui ont précédé pour les effacer. Le problème, c’est que ce genre de choses peut fonctionner si on propose quelque chose de vraiment fort et inédit. Et je pense que le résultat n’est pas assez fort po [...]
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