Glass de M. Night Shyamalan

Glass

Avec Glass, M. Night Shyamalan clôt sa trilogie débutée il y a presque 20 ans avec Incassable, souvent considéré comme le firmament de sa filmographie. Un événement qui délie bien sûr les langues de la rédaction tout au long d’un forum forcément bourré de spoilers.
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F.F. Incassable est aujourd’hui unanimement considéré comme un classique. À l’époque, c’était un film très attendu parce que Shyamalan était vu par certains comme le nouveau Spielberg. Glass arrive à un moment où il a regagné une certaine reconnaissance critique. Mais il a quand même parcouru un chemin de croix avant de pouvoir prouver à nouveau qu’il était un réalisateur capable. Selon vous, Glass prouve-t-il que le patron est de retour ?

J.-B.H. Eh bien, je ne pense pas. Le film risque de provoquer le même genre de débats qu’il y a toujours eu autour de Shyamalan, puisque comme tout cinéaste avec une forte personnalité, il est assez clivant. Je n’ai pas lu toutes les critiques américaines sur Glass, mais un certain nombre d’entre elles se révèlent négatives. Si on fait exception de Sixième sens, qui a plutôt fait l’unanimité, il y a toujours eu les « pro » et les « anti » Shyamalan. Donc je ne pense pas que Glass va changer quoi que ce soit à cette situation, mais, au moins, il provoque le débat, alors qu’à une époque, tout le monde se foutait de Shyamalan et pensait qu’il appartenait au passé. 

G.E. C’est un cinéaste qui m’a toujours intéressé. Et il y a certains de ses films qui sont considérés comme mauvais ou ratés et que je trouve géniaux. Peut-être même que je les classe parmi ses meilleurs. 

A.P. Glass me conforte dans l’idée que Shyamalan est l’un des meilleurs magiciens du cinéma. C’est-à-dire qu’il va montrer sa main droite pendant qu’il prépare un tour avec sa main gauche. Je pense à une scène en particulier : Bruce Willis est dans sa chambre de confinement, il voit à travers la porte qui se referme celle de la chambre de la Bête, qui se referme aussi. Donc il voit la Bête, esquisse un mouvement et hop, on se retrouve à l’extérieur de la cour de l’hôpital psychiatrique, avec un lent travelling avant. On entend le bruit des pompes et on voit juste la citerne ; on imagine qu’elle est en train de se vider sur lui. Et tout le film est construit comme ça. Shyamalan va te montrer l’immeuble où est censée se passer la séquence finale, mais il la déplace dans un endroit extrêmement intimiste, et c’est beaucoup plus puissant. Il va te montrer un acteur, mais 23 personnages. Tout est beaucoup plus évocateur qu’il n’y paraît. 

L.D. D’ailleurs, le fait d’annoncer une espèce de showdown à gros budget dans un immeuble high-tech est un commentaire directement adressé à Marvel et DC. C’est même le but du film : « Si vous voulez raconter des histoires de surhommes, pas besoin d’avoir un gros immeuble et des explosions partout. Il vous suffit d’une caméra... ». Toute la fin de Glass est basée là-dessus : Elijah Price fait son propre film de super-héros avec les moyens du bord, tout comme Shyamalan.



A.P. D’ailleurs, n’importe qui d’autre aurait filmé le vrai combat entre la Bête et Dunn, au début du film, avec une chorégraphie classique. Shyamalan le filme en deux vues subjectives, et les deux personnages comprennent qu’ils sont égaux et qu’il ne peut rien se passer à ce moment-là. C’est l’anti-combat marvelien. On est dans la tête des héros. Et la séquence est d’une intensité qui, pour moi, est beaucoup plus forte que beaucoup de combats qu’on a vu dans les Marvel.

F.F. J’ai des sentiments assez partagés vis-à-vis de ça. Je trouve ça très intéressant en termes de mise en scène, ça permet de désamorcer toutes les attentes spectaculaires du public par rapport à un prétendu film de super-héros. Tout ce côté « commentaire » est théoriquement intéressant, mais c’est aussi la limite du film, car l’émotion se retrouve parfois un peu écartée. J’aurais vraiment préféré que Shyamalan mette le curseur complètement dans l’émotion. Je m’en suis rendu compte dans les flashes-back où l’on voit des scènes d’Incassable : elles m’ont vraiment ému parce que, pour moi, Shyamalan est vraiment le réalisateur du premier degré absolu. Je le préfère dans cette position que lorsqu’il est dans le commentaire. Qu’il soit un réalisateur égocentrique, je m’en fiche. Qu’il fasse des apparitions ou qu’il y ait carrément une espèce d’univers qui se crée autour de lui, ça ne me dérange pas. Mais je trouve dommage que Glass s’appuie de la sorte sur son commentaire postmoderne/contemporain alors que quand Shyamalan fait du premier degré, on ne ressent qu’une seule chose : c’est un gars qui croit en son histoire et qui a envie de nous la raconter. 

J.-B.H. Je fais partie des gens qui n’aiment pas trop Sixième sens et j’avais justement été assez impressionné par Incassable. En fait, Glass est un film réussi à plein d’égards, mais comme toute séquelle, il faut le juger à l’aune de ce qui le précède. Et le souvenir d’Incassable est tellement fort ! Il y a plein de choses communes entre les deux films, dans le propos comme dans la forme, mais Incassable est tellement au-dessus en matière d’écriture, de mise en scène, de précision… Le message ne prend jamais le dessus, les personnages priment toujours. Co [...]

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