GERARDMER 2016

Compétition assez enlevée et palmarès un brin discutable pour cette 23e édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, qui a révélé et confirmé quelques talents, mais aussi asséné une triste et prévisible réalité : dorénavant, la seule façon de découvrir des films Mad en salles reste, à quelques exceptions près, les événements spécialisés.
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BONE TOMAHAWK (DE S. CRAIG ZAHLER – USA/G-B. – EN COMPÉTITION)
Avant même qu’on ait pu jeter un oeil à sa première réalisation, le présent Bone Tomahawk, on était déjà convaincus que S. Craig Zahler était un sacré bonhomme. Membre d’un groupe de metal, auteur de romans reconnu dans les domaines du polar, de la SF et (surtout) du western, chef-opérateur de formation, scénariste de l’excellent The Incident d’Alex Courtès… Un parcours atypique qui renforçait l’aura d’un projet déjà foncièrement excitant, d’abord par son postulat (un quatuor de cowboys part à la recherche de la femme de l’un d’entre eux enlevée par des troglodytes cannibales), ensuite par son casting (Kurt Russell, Patrick Wilson, Matthew Fox, Richard Jenkins…). Une distribution qui donne au film l’aura d’une production cossue, alors que la chose n’a coûté que 1,8 million de dollars. On est donc loin des fastes des récents succès dans le genre du western plus (Les Huit salopards) ou moins (The Revenant) horrifique. Ce qui se ressent d’ailleurs à l’écran, car malgré ses 2h12, Bone Tomahawk se résume à l’essentiel en matière de scénographie : une petite ville, une grotte et, entre les deux, du désert. Beaucoup de désert. De fait, le film est trompeur : si son argument augure d’un déchaînement bis du genre « La Colline a des yeux avec des cowboys », dans les faits, c’est une chevauchée lente et aride où des hommes bourrus apprennent à mieux se connaître à peu de mots. L’occasion d’études de caractère brossées à traits rugueux, entre un shérif old school, son adjoint vieillissant, un pistolero maniéré pas très fan des Indiens et un mari blessé dans son corps et son âme. Des hommes ordinaires en route vers un destin forcément funeste. Il en va ainsi du film tout entier, qui refuse le spectaculaire aussi bien par obligation budgétaire que par conviction éthique. Entre une mise en scène très classique favorisant les plans moyens et d’ensemble et une utilisation du décor résolument anti-mythologique (le Far West n’est jamais magnifié), on est loin des acrobaties vaines d’un Iñárritu et plus proche de la rigueur d’un Anthony Mann ou d’un Budd Boetticher, maîtres du western robuste des années 50. La violence est traitée avec la même sécheresse, faisant brutalement irruption avant de se retirer dans un silence rendu assourdissant par le bref déchaînement des armes. Et lorsque cette même violence fait place à l’horreur pure, l’effet est décuplé : le gore clinique déployé lors de quelques longs plans (dont un en particulier reste tenacement en mémoire) fait mal, très mal, d’autant que les bourreaux sont d’impressionnants et impitoyables sauvages venus d’un autre âge que l’on croirait débarqués d’un roman de Jack Ketchum (on pense pas mal à son Off Season). Zahler mène donc sa barque avec une certaine assurance, même si quelques scories (le look très clinique des caméras RED ne sied guère à un tel film et la gestion de l’espace lors des scènes d’action n’est pas des plus limpides) et déséquilibres narratifs (on aurait bien passé un peu moins de temps dans le désert et un peu plus dans la caverne des cannibales) viennent ternir l’ensemble. Pas de quoi bouder son plaisir. Mais pas de quoi, non plus, remporter un Grand Prix au nez et à la barbe d’un The Witch tout de même plus maîtrisé et pénétrant.

L.D. 



SUMMER CAMP (HORS-COMPÉTITION)
Les éducateurs d’un camp de vacances découvrent qu’un virus se propage dans la région, transformant ses victimes en prédateurs assoiffés de sang… Interprété par la jolie Jocelin Donahue (l’héroïne du formidable The House of the Devil de Ti West), Summer Camp pâtit des défauts inhérents à la plupart des productions Filmax, à savoir une absence d’originalité flagrante et une volonté lassante de se la jouer « à l’américaine », quand bien même la majorité du casting ne maîtrise pas suffisamment la langue de Shakespeare pour paraître naturel. Et ce n’est pas la finesse des dialogues qui arrange les choses…

J-B.H. 


SWEET HOME (HORS-COMPÉTITION)
À l’instar de Summer Camp, Sweet Home prouve que les Espagnols de Filmax n’ont rien à envier à leurs homologues américains en matière de rigueur technique. Malheureusement, si l’emballage a de la gueule, le résultat manque une fois encore de personnalité, tant ce Panic Room du pauvre se contente de dupliquer mécaniquement une formule éculée faite de jump scares (« Mon Dieu, le chat ! »), de rebondissements téléphonés et de dialogues « in english » sonnant terriblement faux. Le genre de produit pas foncièrement désagréable en soi, mais qui gagnerait à être découvert à la télé un soir de pluie plutôt que dans la salle d’un Festival comme Gérardmer.

J-B.H.



LA RAGE DU DÉMON 
(HORS-COMPÉTITION)
S’il y a dans La Rage du démon un argument de court-métrage intéressant, son propos se perd hélas dans une structure inadéquate et une mise en forme traîtresse. Le film noie ainsi ses poignants hommages à Méliès dans un déluge de fantasmes à la tromperie voyante. La faute à des intervenants fragiles (en particulier la spécialiste du spiritisme, pourtant récurrente), à une réalisation pas assez spontanée, et finalement à un refus de rendre le spectateur complice de la blague, comme avait su le faire Forgotten Silver. Reste l’ambition honorable du projet : celle de raconter une histoire horrifique sous la forme d’un documentaire. Objectif manqué, mais l’expérimentation a le mérite d’exister.

A.P.


HOWL (DE PAUL HYETT – G-B. – EN COMPÉTITION)
Attendu comme l’un des rafraîchissements drolatiques du festival, Howl s’avère effectivement hilarant à bien des égards, ne serait-ce que pour son entêtement à se prendre au sérieux en toute circonstance à partir d’un pitch minimaliste (un train de banlieue bloqué en pleine campagne durant une nuit de tempête est attaqué par des loups-garous). Ancien maquilleur connu pour The Descent, Doomsday ou encore The Children et réalisateur du déjà très premier degré The Seasoning House, Paul Hyett voit hélas dans le projet matière à un drame shakespearien, où chaque protagoniste méditerait longuement sur le sens de la vie entre deux effets gore. Le résultat est totalement surréaliste d’un point de vue tonal, d’autant que les monologues en question, filmés et mis en musique avec une emphase ahurissante, sombrent dans des clichés confondants de bêtise. Il en va de même pour la galerie de personnages, produisant du stéréotype à la chaîne (mention spéciale au gros lard qui s’empiffre de kebab, à l’homme d’affaires adultère et à la mère de famille méprisée par le vilain monde du travail). Se prenant les pieds dans son premier degré imperturbable (même lorsqu’une vieille dame contaminée nous rejoue la chorégraphie de Thriller, où lorsqu’un personnage décide de se sacrifier alors qu’il venait de semer l’ensemble des lycanthropes), Howl ne se rachète même pas avec sa production value. En dehors d’une poignée de matte paintings efficaces, le spectacle pâtit d’un creature design embarrassant, parmi ce que l’on a vu de pire dans le genre du film de loups-garous.

A.P. 


THE DEVIL’S CANDY (DE SEAN BYRNE – USA – EN COMPÉTITION)
Passionné de métal et de peinture, Jesse (Ethan Embry) mène une vie sans histoire avec sa femme Astrid (Shiri Appleby) et leur fille, une adolescente nommée Zooey (Kiara Glasco). Le bonheur est à son comble lorsque la petite famille achète une imposante maison située dans la campagne texane, dont la dépendance est vite transformée par le patriarche en un immense atelier. Mais une fois installé, le trio découvre le passé macabre de cette demeure vendue pour un prix dérisoire lorsque Ray, le fils des précédents propriétaires, débarque à l’improviste une guitare électrique à la main. Souhaitant rentrer chez lui, l’homme se mue peu à peu en une menace inquiétante, d’autant que Jesse commence à entendre des voix, qui pourraient bien être celle(s) du Diable lui-même… Si, au sortir de The Loved Ones, personne n’avait trouvé à redire quant à la facture technique de ce huis clos gore et ouvertement « john-wateresque », ses détracteurs ont tout de même regretté que le talent de formaliste du réalisateur australien Sean Byrne serve la soupe à un script construit selon le procédé du marabout-bout de ficelles, avec à la clé un récit ressemblant plus à un enchaînement de vignettes horrifico-comiques qu’à une véritable histoire structurée. Ce coup d’essai un peu trop hystérique au goût de certains laissait fatalement redouter que le cinéaste/scénariste persévère dans ce style « in your face » un brin lassant sur la longueur. À tort, puisque dès son impressionnant prologue, The Devil’s Candy, second long-métrage de Byrne, rassure sur les aptitudes du r [...]

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