Festivals
BIFFF 2015
Jésus-Christ ne s’en est pas remis, mais le BIFFF, si : avec ses 33 ans passés, l’éternelle manifestation belge est désormais sur le chemin de la sagesse. On déconne bien sûr...
L’événement bruxellois fêtait donc ses 33 printemps, sans que la trentaine n’ait tempéré ses ardeurs d’ado turbulent. Mais plus qu’un royaume des soiffards, où la Cuvée des Trolls coule à flots et sur lequel règne un homme aux seins décadent (les habitués ne pourront – malheureusement – que confirmer sa malodorante présence), le BIFFF est surtout un endroit chaleureux, dont la programmation, d’un éclectisme confinant parfois à l’éparpillement, n’a eu de cesse de flatter les plus bas instincts des amateurs de genre. Le festival s’est ouvert et fermé par des oeuvres fédératrices. Burying the Ex, le dernier effort de Joe Dante (invité d’honneur de cette édition), a déclenché les hostilités, régalant le public de son subtil dosage d’humour, de clins d’oeil référentiels et d’effusions (gentiment) trash. Il est agréable de constater que le père des Gremlins garde le feu sacré et parvient à transcender ce qui n’aurait pu être qu’un teen movie lambda en un exercice de style pétillant, rythmé et pétri de son amour des séries B d’antan. Y répondait en clôture le spectaculaire Big Game de Jalmari Père Noël origines Helander, qui opère une greffe plus ou moins réussie entre l’audace juvénile des productions Amblin (le frêle Onni Tommila porte le film sur ses épaules) et l’outrance de certains actioners des années 90. Le tout aboutit à un curieux mélange : parfois maladroit, Big Game use un peu trop de la suspension d’incrédulité, mais assume humblement son statut de divertissement du samedi soir, masquant ses carences par une générosité sans faille.
LE GEEK DANS LE SENS DU POIL
Dans un même registre nostalgique, Turbo Kid s’est affirmé comme la grande surprise de cette cuvée 2015, avec son atmosphère de post-apo à la patine 80’s fièrement revendiquée. Les péripéties de personnages hauts en couleur (cette vieille trogne de Michael Ironside cabotine comme au bon vieux temps dans le rôle d’un tyran sanguinaire) sont accompagnées d’une B.O. aux accents synthétiques qui décuple l’impact de scènes d’action stylisées, oscillant constamment entre second degré et gore potache. Cette apparente modestie, d’autres l’ont aussi adoptée. Elle est même contenue au sein de leur ADN, à l’image du creature feature Stung, véritable déclaration d’amour aux monstres, en l’occurrence d’affreux insectes qui prennent d’assaut une petite sauterie bourgeoise en rase campagne. Le réalisateur Benni Diez a le goût de ne pas abuser des CGI et de centrer l’action sur ses protagonistes, dont la craquante Jessica Cook, Lance Henriksen et l’attachant Matt O’Leary (remarqué dans Time Lapse). Old school dans l’âme, Stung fait partie, au même titre qu’Arac Attack, de ces séries B un peu artisanales emballées avec soin et qui ne pètent pas plus haut que leur cul. Et c’est déjà beaucoup ! The Infinite Man confère un même traitement minimaliste (voire lo-fi) à ses paradoxes temporels, provoqués par un attirail rudimentaire (du matériel rappelant vaguement celui de La Jetée de Chris Marker), qui ne sert en définitive qu’à faire surgir l’intime et à permettre à l’oeuvre de Hugh Sullivan de dérouler sa petite musique douce-amère. L’exotisme était aussi de mise via un focus sur diverses contrées du cinéma latino-américain, qui ont apporté au BIFFF un soupçon de dépaysement. On en retiendra deux films mexicains : Honeymoon et Mexico Barbaro. Premier cité, le torture porn de Diego Cohen se révèle hargneux et solide dans sa montée en tension, bien qu’un peu trop balisé. Des réserves balayées par le(s) charme(s) et le charisme de la belle Paulina Ahmed. Sa performance maintient Honeymoon sur la corde raide, jusqu’à un twist final assez inattendu. Forcément inégale, l’anthologie México Bárbaro offrait un saisissant panel de déviances issues du pays du Chupacabra, d’une fille forcée de recueillir le sang s’écoulant du sexe de sa soeur pour ne pas être damnée (!) à un SDF spécialisé dans le trafic d’organes d’enfants en passant par des créatures difformes ravissant la virginité d’une jouvencelle.
GRAND CHELEM
Par ailleurs, le BIFFF faisait la part belle aux bêtes de festivals – comme les multiprimés Spring et Goodnight Mommy –, tout autant qu’à un imposant contingent asiatique. Si les Coréens ont continué à faire ce qu’ils font de mieux – des thrillers tendus comme un string, qui cultivent l’art du décalage (cf. le bijou A Hard Day ou l’efficace The Terror Live) – sans éviter toutefois un certain assèchement créatif, notre attention a de nouveau été captée par des productions japonaises, qui nous ont tout de même laissé des impressions mitigées. Ryûhei Kitamura s’est ainsi un peu pris les pieds dans le tapis avec son adaptation d’Edgar, le détective cambrioleur. Si Lupin III n’est pas dénué de panache (aérienne, la caméra virevolte lors de chaque cambriolage), il trébuche régulièrement sur des scories de rythme très pénalisantes. Verbeux et définitivement trop long, le film renvoie l’image d’un Kitamura sur courant alternatif : les (trop) nombreux dialogues s’enchaînent avec de l’action over the top, sans que les deux ne soient organiquement liés. Mais le casting assure le job : Shun Oguri rayonne dans le rôle du petit-fils d’Arsène Lupin, idéalement suppléé par les sublimes Meisa Kuroki (Crows Zero) et Yayaying Rhatha Phongam (Only God Forgives). The Ninja War of Torakage, la dernière folie de Yoshihiro Nishimura, repose aussi en grande partie sur la prestation de la « créature » Eihi Shiina (Audition). En souveraine despotique, elle s’arroge littéralement le film à coups d’accès de colère incontrôlée, d’exaltation et de sur-jeu permanent. Sans cela, The Ninja War of Torakage ne serait que le moins convaincant de tous les Nishimura : les excès graphiques s’y font si rares qu’on croirait l’auteur de Tokyo Gore Police aux portes de la retraite. Faut dire, après des années de surexcitation…
Alan DEPREZ (Merci à Jonathan LENAERTS et à toute l’équipe du BIFFF)
PALMARÈS
Corbea [...]
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