En couverture : WALHALLA RISING
Alien : Covenant
Je ne suis pas un artiste. Je suis un businessman » déclarait récemment Ridley Scott après avoir dévoilé quelques minutes d’Alien : Covenant à la presse internationale, entendant par là qu’il met tout en oeuvre pour que les financiers qui lui confient la réalisation d’un film voient leur mise remboursée et, si possible, en tirent profit. Ce qu’on pourrait voir comme une marque d’humilité chez le cinéaste (il ne faut pas s’y tromper, il se considère aussi comme un bon artisan) signifie en réalité bien autre chose : loin de toute velléité auteurisante, Scott est heureux de faire partie d’une industrie où il est possible de faire de l’art, même s’il se garde bien d’admettre que c’est là son objectif. Pourquoi ? Tout simplement parce que bien qu’il soigne la forme plus que n’importe lequel de ses confrères, Scott n’a plus rien à prouver et ne se rend même plus compte qu’il fait du cinéma au sens le plus noble du terme, tant cela fait partie de son ADN. En d’autres termes, il s’en fout. Chez lui, faire de l’art est une seconde nature, d’où cette impression qu’il crée sans effort, qu’il met en boîte des productions nécessitant une logistique énorme avec une aisance presque désinvolte. Si Scott est très conscient de ses qualités formelles, il reste un génie qui s’ignore. Pour lui, son talent n’a rien d’unique, c’est juste de la compétence. Celle de prendre les bonnes décisions, de savoir diriger une équipe et de maintenir le cap pour mener l’expédition à bon port. Un film est un navire dont Sir Ridley est le capitaine, et ce n’est pas un hasard si nombre de ceux-ci ont trait à des aventures collectives ou à l’exploration de mondes étrangers, que l’action se déroule dans l’espace (Alien, Prometheus, Seul sur Mars), au Japon (Black Rain), pendant les Croisades (Kingdom of Heaven) ou en mer (1492 : Christophe Colomb et Lame de fond).
EN TERRE INCONNUE
Et c’est justement à 1492 que l’on songe à la vision d’Alien : Covenant. Pas seulement parce qu’il est question d’un vaisseau colonial en route vers un Nouveau Monde et que Scott le filme déployant ses voiles solaires sur les envolées nautiques de la musique du premier Alien (« Je tenais à rendre hommage au score de Jerry Goldsmith »), mais aussi parce qu’on y retrouve à la fois le personnage de Colomb et celui d’Adrián de Moxica, le conquistador issu de la noblesse espagnole interprétépar Michael Wincott. « Nous sommes immortels, Colomb » déclarait-il en parlant des aristocrates avant de se jeter dans le vide : une formule reprise telle quelle par l’androïde David (magnifique Michael Fassbender) qui, à l’instar de Moxica, commet un génocide à l’échelle d’une race entière et se rebelle contre une autorité à laquelle il se considère supérieur. Le personnage de Colomb est quant à lui évoqué à travers le commandant de bord joué par Billy Crudup, un homme de foi qui fait du Covenant une sorte d’avatar du Mayflower plus que du Santa Maria, autrement dit du navire qui transporta les « Pères pèlerins » d’Angleterre jusqu’en Amérique plus d’un siècle après Colomb. Dans cette optique, Scott filme le voyage du Covenant exactement comme celui d’un bateau : après avoir subi de plein fouet une tempête (ici, l’onde de choc d’une éruption stellaire) et perdu un membre d’équipage dont la dépouille s’en va reposer dans l’océan (ici, dans l’espace), le vaisseau fait route vers une île ne figurant sur aucune carte (ici, une planète surgie de nulle part) et envoie une chaloupe pour l’explorer afin de déterminer si elle est habitée, parallèle accentué par l’aspect sauvage du paysage au milieu duquel atterrit la navette du Covenant, resté au large (en orbite stationnaire) loin des récifs. À force, on va finir par se demander pourquoi Ridley Scott n’a jamais réalisé un Star Trek.
PLANÈTE HURLANTE
Ce que les explorateurs ignorent, c’est qu’ils viennent de mettre les pieds sur une île qui a déjà été colonisée par un descendant du docteur Moreau dont le bestiaire [...]
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