En couverture : Rob Zombie

Dix-sept ans après La Maison des 1000 morts et quinze ans après The Devil’s Rejects, le cinéaste chevelu fait revenir le clan des meurtriers cruels mené par la ravissante Baby et le bestial Otis dans un nouvel opus, 3 from Hell, qui sortira en Blu-ray et DVD à la rentrée chez Metropolitan. À cette occasion, celui qui a aussi signé deux excellents Halloween a fait mentir sa réputation d’ermite avare en interviews. Il nous a généreusement accordé une discussion longue et fouillée, où il revient sur les principaux points de son style singulier.
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Qu’est-ce qui vous a donné envie de donner un troisième épisode à la saga des tueurs de La Maison des 1000 morts et The Devil’s Rejects ?

Quand j’ai terminé The Devil’s Rejects en 2005, je n’avais aucune intention de tourner une suite un jour. Pour moi, l’histoire était finie, et je me dirigeais vers d’autres films comme les deux Halloween et The Lords of Salem. Or, les années passant, les personnages n’ont cessé de gagner en popularité, et je me suis rendu compte qu’ils faisaient toujours partie de ma vie. En fait, ils me manquaient ! J’ai donc pensé à la possibilité de tourner un autre épisode. Mais à chaque fois que je commençais à y travailler, je laissais vite tomber. C’est seulement il y a quelques années que je me suis vraiment décidé, car le moment semblait être le bon. En effet, les acteurs ne rajeunissaient pas, et en particulier, Sid Haig devenait assez âgé. Je me suis ainsi dit que si je voulais faire ce film, c’était maintenant ou jamais. Hélas, cela n’a pas très bien fonctionné, même en s’y prenant à cette époque-là.



La maladie du regretté Sid Haig vous a en effet obligé à réécrire le scénario à la dernière minute…

Ouais. Un an avant le tournage, nous nous sommes retrouvés à déjeuner, Sid Haig, Bill Moseley, ma femme Sheri et moi. Nous nous voyons tout le temps, pour parler de choses et d’autres, mais cette fois-là, nous avons abordé le projet de 3 from Hell. Tout le monde avait l’air en forme, en bonne santé, et ils n’avaient même pas beaucoup vieilli en l’espace de quinze ans. Nous avons ainsi commencé à travailler sur le film. Cependant, la préproduction a duré un an, le temps de construire les décors, etc. Et pendant cette année, Sid est tombé gravement malade. Je ne sais pas ce qui s’est passé : cela faisait longtemps qu’il toussait sans arrêt, mais son apparence restait inchangée et il me répétait que ce n’était rien. En tout cas, il a annulé plusieurs fois des rendez-vous avec la production, pour des essayages de costumes et des choses de ce genre. Et un jour, il m’a appelé pour me dire qu’il était à l’hôpital et que son état était sérieux. Je suis allé lui rendre visite, et son aspect était terrible. Il avait l’air d’avoir perdu 50 kilos, il était squelettique. En fait, s’il n’avait pas porté sa barbe, je ne l’aurais même pas reconnu. À partir de ce moment-là,  j’ai su que Sid ne pourrait pas jouer le film que j’avais écrit. À mesure que les semaines passaient et que le tournage se rapprochait, je me suis même demandé s’il pourrait jouer tout court, car il était même incapable de marcher. En fin de compte, nous avons mis en boîte une unique scène avec lui. Il avait juste à être assis et à lire le dialogue sur un téléprompteur, et même cela a été très difficile. Mais nous avons fait ce que nous avons pu, car pour moi, il était très, très important que Sid soit présent dans 3 from Hell.


La Maison des 1000 morts était un film très baroque et cartoonesque, puis The Devil’s Rejects a surpris par une approche beaucoup plus crue et brutale. Qu’avez-vous cherché à atteindre avec 3 from Hell ?

Ce que vous dites est exact : La Maison… était très coloré, très dessin animé. Il n’était réaliste en aucune manière, il était au contraire très surréel et bizarre. Puis j’ai voulu que The Devil’s Rejects soit presque comme un film criminel des années 1970, très rude et réaliste. En fait, j’ai souhaité que 3 from Hell soit un peu une mixture des deux. Visuellement, cela rappelle The Devil’s Rejects, mais certains éléments sont plus dans la lignée de La Maison des 1000 morts. En effet, j’approche chacun de mes films comme un projet complètement nouveau, car dans le laps de temps qui les sépare, les acteurs sont devenus différents, je suis devenu différent, tout est devenu différent. Ce serait donc vain d’essayer de refaire exactement la même chose.


Chacun de vos films porte un regard sur des genres spécifiques. Avec 3 from Hell, vous vouliez vous approprier le « Women In Prison » et le western façon Sam Peckinpah ?

Ouais, j’ai toujours adoré les films carcéraux. J’aime tout, depuis L’Évadé d’Alcatraz jusqu’à Luke la main froide. En outre, j’ai été très frappé par un certain documentaire sur les membres de la « famille Charles Manson », qui recèle des super images d’archives les montrant derrière les barreaux. Ainsi, j’ai pensé que la première partie de 3 from Hell allait être une sorte de mélange entre film de prison et documentaire. Quant à la section centrale, je voulais que ce soit un film noir à la Desperate Hours, avec une famille retenue en otage dans une maison. Enfin, le troisième acte rappelle complètement un western italien.


Les diverses scènes d’action sont aussi traitées selon des modalités variées. Celle-ci qui clôt la partie centrale a un montage très étrange : on se demande si vous n’avez pas bouleversé l’ordre chronologique des plans…

Non, les plans sont dans l’ordre chronologique… mais ils sont chaotiques. (rires) Dans cette scène, ils tuent tout le monde avant de partir de la maison. Bref, vous avez quatre tueurs et quatre ou cinq victimes dans une pièce minuscule. J’ai donc pensé que la seule manière de faire fonctionner la séquence, c’était de la rendre dingue. Car avec une première personne qui tire sur une seconde, une troisième qui saute à la gorge d’une quatrième, quelqu’un qui s’enfuit par la porte, quelqu’un qui fait un bond dans les airs… eh bien, c’est la folie totale. Du coup, si j’avais juste fait un grand plan large, le résultat aurait probablement semblé plat. J’ai donc voulu que le travail de la caméra capture le chaos régnant dans cette pièce minuscule, et c’est pourquoi j’ai opté pour ce style.


Le tabassage dans la prison de femmes est quant à lui presque allusif, étant réduit à de très gros plans de détail…

J’aime parfois suggérer la violence et ne pas la montrer. Bon, oui, je montre de la brutalité, mais je ne m’attarde pas dessus. Car avec un film comme 3 from Hell, il y a tellement de scènes violentes que cela peut vite devenir une simple enfilade de combats au couteau et de fusillades. Je suis donc obligé de trouver des moyens un peu différents de présenter un personnage en train de se faire poignarder ou tabasser, et cela aboutit à ce genre de solutions. 



Dans les deux films précédents, le personnage de Baby est aux confins de la folie. Ici, elle a basculé de l’autre côté, et votre épouse Sheri Moon exprime cela de manière étonnante. Comment l’avez-vous dirigée ?

C’est une chose que nous avons décidée très tôt : Baby est restée enfermée pendant si longtemps qu’elle est devenue démente. Même aux yeux d’Otis, elle paraît complètement dingue. Cela dit, la façon dont Sheri le joue vient d’elle-même. Elle a choisi les diverses voix de Baby, ses maniérismes, tous ces trucs. Elle a inventé l’ensemble de ces petits détails, après avoir longtemps travaillé sur le personnage. Je lui donnais des indications seulement quand telle ou telle chose ne me plaisait pas, mais au fond, c’est entièrement sa création à elle.


Ce qui vient de vous, c’est l’arrière-plan mexicain de la dernière partie du film, avec son côté macabre et bariolé, ces masques de catcheurs ?

Quand j’étais enfant, j’adorais le catch et les lutteurs masqués. Comme de bien entendu, je croyais que les combats étaient réels. Très petit – ce devaient être les années 70 –, j’ai même vu en vrai une performance d’un des plus célèbres catcheurs masqués. Pour moi, c’était juste le truc le plus cool de tous les temps : je pensais que c’était un véritable super-héros. Le goût pour l’aspect visuel de cet univers particulier m’est resté, les films avec Santo et les autres catcheurs masqués mexicains. Cependant, l’idée de faire porter des cagoules au gang mexicain de 3 from Hell n’était pas dans le scénario de départ. Ce qui s’est passé, c’est que je me suis demandé comment je pouvais introduire ces personnages aussi tard dans le film, et faire comprendre qui ils étaient. En effet, ils sont presque comme des silhouettes de dessin animé : alors que tout est sale et poussiéreux autour, ils portent ces chaussures blanches et ces costumes blancs immaculés. Il fallait donc qu’ils se distinguent vraiment et qu’ils soient visuellement intéressants, au lieu d’être une simple bande de gars aux tronches effrayantes. C’est pourquoi Aquarius, qu&rsq [...]

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