En couverture Mad Monster Show

Nul besoin de discours commémoratifs, vous connaissez (trop) bien la maison. Pour les autres, faites comme chez vous, la célébration du 300e numéro est ouverte à tous. Au programme, un double impact comme suit : 1/ un dossier gorgé d’amour, de latex et de subjectivité polémique consacré à nos créatures préférées du cinéma fantastique. 2/ un hors-série spécial anniversaire à paraître fin octobre et dans lequel vous retrouverez notre sélection des « 300 films à voir avant de mourir ». C’est bon, vous avez noirci vos agendas ? Parfait, the Mad Monster Show must go on !
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SUCE-MOI SANS HÉSITATION
OU LES VAMPIRES AUX DENTS LONGUES
Les vampires ne sont pas seulement des dandys tourmentés ou des lycéens rebelles. Ce sont avant tout des monstres, parfois très laids, voués à la cause du Mal. Et ils n’ont pas peur de se balader à poil si ça peut les aider à choper leurs victimes !

KURT BARLOW 
LES VAMPIRES DE SALEM DE TOBE HOOPER
Né sous la plume de Stephen King dans Salem et interprété par Reggie Nalder (qui ne sera même pas crédité au générique) dans la mini-série réalisée par Tobe Hooper en 1979 (sortie dans un montage réduit de moitié dans les salles françaises), Kurt Barlow est un vampire dont les origines remontent à plusieurs siècles avant la naissance du christianisme. Dans le roman, c’est sous l’identité d’un antiquaire autrichien qu’il débarque dans la petite ville de Salem, mais le film en fait une créature muette et monstrueuse n’ayant rien d’élégant. Avec son faciès de cauchemar créé par Stan Winston et directement inspiré de Max Schreck dans Nosferatu le vampire de Murnau (ses dents ont tellement poussé qu’il ne peut pas fermer la bouche), Barlow est un véritable animal et décime une bonne partie de la communauté locale. Absent des Enfants de Salem, suite signée Larry Cohen huit ans plus tard, Barlow reviendra sous les traits de Rutger Hauer dans le remake télé de 2004 confié à Mikael Salomon. Une version plus proche du livre mais nettement moins réussie que celle de Hooper.

SEVEREN 
AUX FRONTIÈRES DE L’AUBE DE KATHRYN BIGELOW
Membre du clan de Jesse dans le western vampirique de Kathryn Bigelow réalisé en 1987, Severen est le plus violent de la bande : il tue parce qu’il aime ça. Frustré de n’avoir pu boire le sang du jeune fermier déjà mordu par la belle Mae, il en fait son souffre-douleur, séduit deux jeunes filles avant de les tuer et s’en va étancher sa soif dans un bar en brisant la nuque d’un client et en égorgeant le patron avant de boire leur sang comme s’il vidait une pinte de bière. À peine sorti d’Aliens, le retour, Bill Paxton est impeccable dans le rôle de cet allumé qui aurait pu faire partie de La Horde sauvage : il est de toute évidence devenu vampire à l’époque du Far West (Jesse s’est d’ailleurs battu pour le Sud pendant la Guerre de Sécession). On a échappé de justesse à un remake que devait produire Michael Bay, annulé suite à la mise en chantier de la franchise Twilight. Heureusement pour Bella qu’elle n’a jamais croisé la route de Severen : il n’aurait pas attendu de l’épouser avant de la vider de son sang en la troussant contre un arbre !

SPACE GIRL 
LIFEFORCE – L’ÉTOILE DU MAL DE TOBE HOOPER
C’est grâce au chouette film de SF horrifique réalisé par Tobe Hooper (encore lui) en 1985 que notre mémoire aura été marquée par la vampire la plus bandante que la Terre ait jamais portée, même si la demoiselle vient d’ailleurs. Ramenée sur notre planète par une mission spatiale après avoir été découverte dans un vaisseau fantôme, la bombasse de l’espace s’échappe d’un labo et se met à absorber la force vitale de tous les hommes qu’elle croise. Ceux-ci lui opposent peu de résistance : la belle se promène entièrement nue et les accueille par des phrases comme « Touche-moi », « Prends-moi » ou « Sers-toi de mon corps », ce qui donne à réfléchir sachant qu’elles sont prononcées par Mathilda May, dont les formes voluptueuses auront provoqué bien des afflux sanguins chez les ados des années 80 !

C.D.





TOUS À POIL 
OU LES LYCANTHROPES EN FOLIE
Avouons sans fard notre inclinaison pour le loup-garou : il n’a pas besoin de porter des chemises à jabot pour avoir de la gueule et ne perd pas son temps à draguer ses proies avant de les bouffer. Voilà un homme(-loup) qui a tout compris !

LAWRENCE TALBOT 
LE LOUP-GAROU DE GEORGE WAGGNER
C’est en améliorant le maquillage poilu qu’il avait créé en 1935 pour Le Monstre de Londres (déjà produit par Universal) que Jack Pierce fait entrer six ans plus tard le film de George Waggner dans la légende – et Lon Chaney Jr. avec. L’acteur interprète Lawrence Talbot, un homme qui revient dans la maison de ses ancêtres au Pays de Galles suite à la mort de son frère pour renouer avec son père. Mordu par un loup-garou tzigane (joué par Bela Lugosi), il devient lycanthrope à son tour et s’attaque à la population locale avant d’être abattu par son géniteur. L’apparence de la « bête humaine » jouée par Chaney inspirera beaucoup la pilosité d’Oliver Reed dans La Nuit du Loup-Garou (produit par la Hammer), tandis que l’acteur reprendra du poil de la bête dans quatre suites sans y tenir la vedette : Frankenstein rencontre le Loup-garou, La Maison de Frankenstein, La Maison de Dracula et enfin la comédie Deux nigauds contre Frankenstein. Mais le plus bel héritage du film d’origine reste Wolfman, le superbe remake de Joe Johnston, qui trahissait son modèle pour la bonne cause en faisant du père de Talbot le responsable de la malédiction.

DAVID KESSLER 
LE LOUP-GAROU DE LONDRES DE JOHN LANDIS
C’est en arpentant la lande du Yorkshire que l’étudiant américain David Kessler (David Naughton) est mordu par un loup-garou et en devient un lui-même. L’occasion pour John Landis et son maquilleur Rick Baker (qui remportera un Oscar pour son travail) d’orchestrer la scène de transformation la plus incroyable de l’Histoire du genre, vécue dans la douleur par le héros et en temps réel (2’30) par le spectateur. Après avoir été recueilli par une jolie infirmière, David se met à dévorer des usagers du métro londonien et finira abattu comme un chien par la police dans une impasse sordide en sortant d’un cinéma porno. Rien de gothique ici : le film, sorti en 1981, passe de la comédie noire au réalisme social avec une aisance dingue et fait de Kessler une victime tragique qui appelle la mort de ses voeux malgré sa férocité d’animal enragé. En revanche, on passera sous silence Le Loup-garou de Paris, auquel Landis ne participera pas, et où Julie Delpy interprète la fille de Kessler.

EDDIE QUIST 
HURLEMENTS DE JOE DANTE
Le film de Landis se terminait près d’un ciné porno, celui de Joe Dante, réalisé en 1981, commence dans un sex-shop : c’est là qu’on découvre Eddie Quist (Robert Picardo), un serial killer doublé d’un prédateur sexuel qui force Dee Wallace à regarder un film où une femme se fait violer, avant d’entamer sa métamorphose en loup-garou. Ils se retrouvent plus tard au sein de la communauté lycanthrope où s’est réfugié Eddie. Bis dans le meilleur sens du terme, Hurlements fournit au maquilleur Rob Bottin l’occasion de mettre à profit les leçons de son mentor Rick Baker : Eddie Quist fait vraiment peur parce qu’on sait que son aspect révèle sa véritable nature, celle d’un détraqué aux pulsions bestiales. Tué d’une balle d’argent, il ne sera malheureusement présent dans aucune des sept séquelles ; pas bien grave vu leur niveau !

C.D.



LES ROIS DES MONSTRES 
OU LES KAIJU DE LÉGENDE
Depuis Pacific Rim de Guillermo del Toro et le Godzilla de Gareth Edwards, les kaiju semblent revenir à la mode. Raison de plus pour se pencher sur trois spécimens parmi les plus emblématiques d’un genre né un peu par hasard…


GOJIRA 
GODZILLA DE ISHIRÔ HONDA
Tout comme la tarte Tatin, le kaiju eiga découle d’un heureux accident. Jalouse des effets spéciaux du Monstre des temps perdus (1953), la Toho entreprend de produire une copie conforme destinée au public nippon. Comme la créature préhistorique imaginée par Ray Harryhausen, leur monstre est le résultat d’essais nucléaires conduits par l’homme, et plusieurs morceaux de bravoure du film d’Eugène Lourié sont quasiment repris tels quels. La grande anicroche, celle qui va à elle seule conditionner un nouveau genre, est qu’aucun Japonais n’est alors formé à la stop motion. Réalisateur et scénariste de Godzilla, Ishirô Honda s’en remet aux solutions miniatures de Eiji Tsuburaya. On connaît la suite : engoncés dans un costume étouffant, trois comédiens se relayent au milieu de délires pyrotechniques objectivement factices, mais dont le dynamisme et la qualité tactile vont séduire des générations de spectateurs. Flanqué de motivations de plus en plus contradictoires au fil des épisodes, au point d’être plus un concept qu’un personnage, Gojira restera donc à jamais le seigneur des kaiju ; ou plus prosaïquement le « roi des monstres », si l’on se fie à sa traduction américaine.

GAMERA 
GAMERA, GARDIEN DE L’UNIVERS DE SHÛSUKE KANEKO
Pendant près de dix ans, la Toho règne en maître sur le front du kaiju eiga. Connue pour des productions aussi respectables que Rashomon de Kurosawa, la société de production Daiei Film montre les dents en 1965, en envoyant une tortue géante conquérir un public avide de destructions massives. Lessivé après huit longs-métrages, Gamera disparaît des écrans en 1980… puis revient galvanisé au milieu des nineties, devant la caméra de Shûsuke Kaneko (auteur du segment central de Necronomicon et plus tard de Death Note) et sur un script minutieux de Kazunori Itô (Patlabor 2, Ghost in the Shell). Trouvant dans les effets miniatures de Shinji Higuchi une prestance insoupçonnée, le personnage parvient à dépasser son statut gentillet et anachronique, et devient le héros d’une trilogie parmi les plus violentes de l’Histoire du genre. La saga s’achèvera accessoirement sur une image sublime, voyant un Gamera grièvement blessé se redresser tel un samouraï à carapace au seuil de son ultime combat.

DAIMAJIN 
MAJIN DE KIMIYOSHI YASUDA
Un an après le Gamera original, en 1966, Daiei libère dans les salles obscures un second kaiju, cette fois-ci lourdement inspiré par la philosophie taoïste. L’idée que l’humain fasse corps avec l’univers et doive exprimer une modestie absolue face au règne de la nature est au coeur de la mythologie du film, la divinité éponyme ne faisant que punir l’avidité d’un chef de clan brutal et de ses irrespectueux disciples. La créature de pierre sera finalement stoppée par les larmes d’une femme innocente, prête à se sacrifier pour mettre un terme à cet effroyable bain de sang. Hanté par cette relecture unique du kaiju eiga, notre Christophe Gans national ne pourra s’empêcher de glisser dans le climax de La Belle et la Bête un hommage poignant à Daimajin.

A.P.

 

LONGUE VIE À LA NOUVELLE CHAIR OU LES MUTANTS MUTINS
Bon, vous me rangez tout de suite vos Spider-Mec et les autres bozos en collants : là on parle des VRAIS mutants, ceux que leur (d)évolution a transformés en blocs de souffrance traumatique ou en dangereux prédateurs.


SALARY MAN 
TETSUO DE SHINYA TSUKAMOTO
Un salary man ayant renversé un mutant moitié homme moitié métal (Tsukamoto) devient à son tour un monstre biomécanique qui affrontera son « créateur » dans un combat destructeur, non sans avoir empalé sa compagne sur son sexe-perceuse… Génialement bricolé en 1989 à base de pièces de récupération et de stop motion déglinguée, Tetsuo, enfant légitime de Sogo Ishii, H.R. Giger et David Cronenberg, développe en 67 minutes des symboliques d’une richesse folle : si l’oppression urbaine comme symptôme d’une fusion entre l’homme et son environnement domine le film et prolonge l’angoisse de la mutation propre au Japon depuis la bombe A, les images semblent suggérer que le mutant originel a lui-même modifié son corps après avoir subi les mauvais traitements de son père, qui le battait à l’aide d’une barre métallique. Fantasme de la transfiguration d’une société à la masculinité historiquement émasculée, affirmation d’une nécessaire évolution pour survivre au sein d’un environnement déshumanisé, illustration brutale du concept de résilience… Au-delà de l’agression sensorielle constante du film, autant installation artistique démente que manga live (le titre, qui signifie selon certaines sources « homme de métal », rendrait-il hommage au Tetsuo d’Akira, autre mutant majeur ?), Tsukamoto façonne un mythe moderne majeur et génialement punkoïde.

TOXIC AVENGER 
TOXIC AVENGER DE MICHAEL HERZ ET LLOYD KAUFMAN
Le Toxic Avenger naît en 1984 de l’envie de la part de Lloyd Kaufman, patron de la firme Troma (spécialisée dans le bis bricolé et irrévérencieux) de tourner un film parodique situé dans le milieu des clubs de fitness. Une envie née après avoir fréquenté les coulisses du tournage de Rocky ! Puis, témoin du succès des longs-métrages horrifiques à petit budget, Kaufman imagine le calvaire de Melvin, souffre-douleur des culturistes-fachos-serial killers de la salle de gym où il passe la serpillière, qui plonge dans un baril de déchets radioactifs lors d’une blague ayant mal tourné. Voilà qui le transforme en Toxic Avenger, grand costaud en tutu et à la tronche de patate moisie qui dessoude la racaille et aide les mamies à traverser la rue. Portrait au vitriol de l’american way of life alternant gore rigolard et comique troupier, le film donne naissance à une icône du cinéma alternatif qui connaîtra trois séquelles, une série animée et un futur remake, dont on doute qu’il égalera le niveau de jouissive couillonnade de l’original !

PLUTO
LA COLLINE A DES YEUX DE WES CRAVEN
Comptant parmi les rejetons dégénérés d’un colosse né difforme à cause des retombées d’essais nucléaires menés dans le désert américain, Pluto prend les traits de Michael Berryman, acteur légendaire du cinoche bis dont le physique étrange est le résultat conjoint du syndrome de Christ-Siemens-Touraine et d’une opération crânienne. Il est, par son naturel à la fois monstrueux et enfantin, la principale attraction du très moyen film de Wes Craven de 1977. On est donc en droit de lui préférer la version plus « prosthétique », mais aussi plus pathétique, du remake largement supérieur d’Alexandre Aja. Mais Michael, lui, restera toujours dans nos coeurs.

L.D.




EAUX SAUVAGES 
OU LES GLOUMOUTES AQUATIQUES
Le requin des Dents de la mer a su le rappeler au monde entier au milieu des seventies : les monstres trouvent les fonds marins épanouissants. Face à une humanité extraite de son milieu naturel, les créatures aquatiques que nous avons sélectionnées n’ont pas toutes le même tempérament… 

LE GILL-MAN 
L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR DE [...]

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