En couverture : Logan
Logan
Depuis qu’Avengers et Iron Man 3 sont parvenus à dépasser le milliard de dollars de recettes mondiales, tous les grands studios hollywoodiens ont cédé à l’appel de la formule Marvel. Universal l’a servilement appliquée à la franchise Fast and Furious, et en a infecté Jurassic World. Warner Bros. est entré dans la danse, non seulement via son nouveau DC Cinematic Universe, mais aussi avec le très idiot Kong : Skull Island. Pendant que Jordan Vogt-Roberts filme son mythique gorille tel un super-héros de plus, évoque une agence ultra secrète aux allures de SHIELD et se paie une séquence post-générique annonçant un cross-over avec tous les kaiju de la Toho, la Fox essaie de prendre du recul vis-à-vis d’un marché en roue libre. Possédant encore les droits des 4 Fantastiques et des X-Men, et sortant du succès-surprise de Deadpool, premier comic-book movie R à sortir en salles depuis la série Blade, la major n’a aucun intérêt à embrasser les méthodes du studio de Kevin Feige, ce dernier rêvant de récupérer au plus vite ses anciennes propriétés intellectuelles. Wolverine : le combat de l’immortel pouvait déjà être vu comme une réponse à l’uniformisation ambiante, en particulier dans une version R exclusive au format Blu-ray restituant avec une fidélité inédite la bestialité du personnage. Responsable de cette démonstration de force, James Mangold n’aura pas eu besoin d’émasculer sa séquelle, Logan, pour les besoins des salles obscures. Comme un pied de nez à la concurrence, la Fox a en effet décidé d’exploiter uniquement le long-métrage dans son très sanglant director’s cut, permettant au cinéaste d’aller au bout de ses idées et de ses thèmes, et d’enfin viser un public mature.
FRONTIÈRES MORALES
Là où les composantes « Rated R » de Deadpool servaient une attitude faussement rebelle et vraiment adolescente (le film était finalement plus vulgaire que choquant), Logan est une oeuvre adulte par essence, et d’une sincérité conceptuelle étonnante. Libre de ses choix (le studio l’a laissé rédiger le script en collaboration avec Scott Minority Report Frank), Mangold ne se contente pas de commander à ses maquilleurs des cargaisons d’effets gore, ni à ses acteurs des pelletées de dialogues grossiers. Dire que Logan est barbare relèverait bien sûr de l’euphémisme : chaque combat lève des tornades d’hémoglobine, des personnages sont décapités plein cadre, des bras et des jambes volent aux quatre coins du Cinémascope, et les griffes du héros et de sa jeune comparse traversent torses, nuques, jugulaires et cervelles avec une frénésie vertigineuse. Le Sylvester Stallone de John Rambo serait fier. Reste qu’ici, la violence laisse des traces dans la chair (la caméra ne cesse de scruter les cicatrices béantes et suintantes de ses protagonistes) et surtout dans les âmes, chaque échauffourée déshumanisant encore un peu plus les différents personnages. L’une des grandes réussites de Mangold et Frank aura été de proposer une galerie de portraits pertinente, chaque « héros » se voyant à la fois défini par des valeurs morales fortes et des actes indéfendables, guidés par l’instinct. Antagoniste dans X-Men : Apocalypse, l’albinos Caliban devient ainsi un acolyte de Logan. Atteint de troubles neurologiques, Charles Xavier est littéralement décrit comme une bombe à retardement (ses crises de démence inspirent accessoirement l’une des scènes les plus glaçantes du film, renversant le concept de la « cuisine » de Days of Future Past). Quant à la petite fille au physique innocent (formidable Dafne Keen), elle se révèle être une tueuse impitoyable, jetant une tête fraîchement cueillie en direction d’une armée d’opposants. Comme dans les meilleurs films de William Friedkin, la frontière entre le Bien et le Mal est ici bien ténue, au point que le discours de l’agent Pierce (excellent Boyd Holbrook, bientôt dans The Predator de Shane Black), persuadé de faire partie des gentils, finit par sembler cohérent.
LES FILS DU SURHOMME
Si la plupart des comic-book movies et des blockbusters récents s’enlisent dans un second acte artificiel, servant uniquement à préparer un climax pyrotechnique interminable, Logan parvient au contraire à transcender au bout d’une heure ses solides acquis. Libérant un discours politique brûlant (on y parle tout de même de corporations gargantuesques, de robotisation ouvrière, de diversité menacée, d’OGM et de minorité persécutée), Mangold et Frank osent une longue séquence tétanisante dans une ferme, sorte de condensé de western crépusculaire d’où le protagoniste éponyme sortira comme une figure destructrice, un virus que devrait éviter à tout prix le commun des mortels. Jouant sur les regards plus que sur les mots, Mangold capture ici toutes les contradictions d’un personnage qui avait fini par s’égarer au fil des aventures et du temps. Monstre de solitude, Logan en est amené à littéralement affronter Wolverine à l’écran, une idée hautement symbolique qui sert à merveille la finalité de l’intrigue. Plutôt que de plier son récit à l’univers des X-Men, Mangold fait très exactement l’inverse, allant jusqu’à annuler la victoire finale de Days of Future Past pour mieux servir les besoins de son drame – un parti pris radical que l’on n’est pas près de voir chez Marvel. Anomalie dans le paysage hollywoodien actuel, Logan trouve dans ses meilleurs moments un équilibre fragile entre la portée mythologique et le point de vue intime, qui caractérisait il y a dix ans Les Fils de l’homme d’Alfonso Cuarón et La Guerre des mondes de Steven Spielberg. Sans atteindre leur génie, Logan mérite leur compagnie.
INTERVIEW JAMES MANGOLD
RÉALISATEUR, SCÉNARISTE ET PRODUCTEUR
Après le désastreux X-Men Origins : Wolverine, la Fox avait su redresser la barre en confiant Wolverine : le combat de l’immortel à Jam [...]
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Desanusor
le 18/03/2017 à 00:09Plus qu'à croiser les doigts pour son sucés commercial !