En couverture : La Planète des singes : Suprématie

La Planète des singes : suprématie

Déjà responsable du magnifique second épisode, Matt Reeves a visiblement eu les coudées franches pour Suprématie, dont nous avons pu voir vingt minutes très convaincantes. Bien que la postproduction ne soit pas tout à fait terminée, Reeves a accepté de nous expliquer les tenants et aboutissants de cette conclusion épique.

Dans La Planète des singes : l’affrontement, on ressentait de l’empathie à la fois pour les singes et pour les hommes. Avez-vous réussi à garder cet équilibre fragile dans ce nouvel épisode ?

C’était pour moi l’un des enjeux principaux du film. Ce qui me plaît le plus avec cette série, c’est son aspect métaphorique. Dans l’idée, l’homme essaie de réconcilier deux parties antagonistes de sa nature. Il est très important de continuer à raconter ce genre d’histoires, et La Planète des singes nous en donne l’opportunité. Ce conflit reflète qui nous sommes. Il n’y a pas de vrai vilain, il faut bien comprendre ça lorsqu’on travaille sur un tel projet. Comme vous dites, la guerre est ici tragique, comme dans le monde réel. Ça parle de nos échecs, et de nos tentatives de transcender notre nature profonde. Ce film – plus que les précédents – se concentre sur le point de vue des singes. On vit réellement l’histoire à travers les yeux de César et de ses congénères. On s’aligne donc sur ses émotions ; il n’y a d’ailleurs aucune séquence qui ne mette pas en scène des singes. Le colonel interprété par Woody Harrelson est très brutal, mais il y a une raison mystérieuse à sa brutalité. Il est engagé dans une quête mythique ; son combat contre César est très personnel, et ressemble même à une vengeance. Quand les deux entrent enfin en contact, on comprend pourquoi ce personnage est devenu aussi extrême. La situation dans laquelle il a toujours vécu est en elle-même extrême. Au début, on est vraiment effrayé par ses actes, mais une fois qu’on révèle pourquoi il en est arrivé là, notre regard change. Rien n’excuse sa violence implacable, bien sûr, mais il devient moins facile de catégoriser le colonel de façon manichéenne. Chacun aurait pu devenir aussi fou que lui dans de pareilles circonstances. C’est le principe de la survie, et de ce qu’elle fait aux gens. Que ferait-on pour survivre ? On voit ça du côté des singes également. Les troupes de Koba ont un rôle important à jouer dans l’histoire. Après l’attentat perpétré par Koba dans le second film, ces singes se sont éloignés du groupe et ont eu la certitude que César ne les reprendrait jamais avec lui. Pour survivre, ils se sont retournés contre le groupe de César, et se sont mis à aider les humains. J’ai vraiment voulu qu’on ait de l’empathie pour les deux camps. L’Affrontement racontait un moment décisif, durant lequel les humains et les singes ont échoué à vivre en paix. C’est ce qui nous arrive constamment ! L’être humain a beaucoup de mal à se projeter dans l’autre. Il faut croire qu’on n’a pas cette capacité : on laisse de côté son jugement objectif quand on observe son adversaire, et on se laisse aller à la violence. César est confronté à ça dans cette histoire. C’est la première fois dans la trilogie qu’il risque de perdre absolument toute empathie vis-à-vis de l’Humanité. Cette guerre n’est pas seulement entre deux espèces, elle est aussi entre César et son âme. Il doit passer un test et trouver un moyen de traverser ce conflit sans perdre ses capacités émotionnelles. On est clairement dans un registre de mythe, et c’est pour ça que j’ai voulu me focaliser sur le point de vue des singes. Pour le moi, le point de vue est ce qu’il y a de plus important dans une histoire, suivi de près par les thèmes véhiculés par cette histoire. 



Merci pour cette réponse en profondeur. Ce n’est pas toujours le cas, quand on questionne un réalisateur de blockbuster hollywoodien.

(rires) De rien ! J’adore ces films et leurs métaphores. Elles nous permettent vraiment d’explorer notre propre monde. C’est précieux, et c’est ça, le cinéma. Le cinéma est d’ailleurs le médium de l’empathie par excellence. Il s’agit pour le spectateur de se mettre dans la peau d’un personnage qu’il n’est pas. Il faut créer une connexion entre le public et ce qui se passe à l’écran, en sachant que les événements décrits ne seront pas forcément réalistes.


Il faut transformer une narration à la troisième personne en lecture à la première.

Oui c’est exactement ça. Le spectateur doit « devenir » l’autre, en quelque sorte.


Comment avez-vous collaboré avec Mark Bomback sur l’écriture du scénario ? Quelle était la répartition des tâches ?

J’ai beaucoup aimé travailler avec lui. Sur La Planète des Singes : l’affrontement, j’ai eu l’opportunité de réaliser le film, mais je ne raffolais pas de l’histoire qu’ils avaient en tête. J’ai discuté avec la Fox, je leur ai dit que j’adorais l’univers de la saga, mais pas cette intrigue. Ils m’ont demandé ce que j’aimerais faire à la place, et je leur ai pitché l’histoire de L’Affrontement. Ils ont dit oui. J’ai répondu : « Quoi ? Où est l’entourloupe ? ». Ils m’ont lancé : « Vous pouvez faire ce que vous voulez, mais il faut boucler le film à temps pour la date de sortie. ». Ils avaient déjà engagé Mark pour écrire une nouvelle version de leur scénario. Je l’ai rencontré et lui ai expliqué mon concept. Nous nous sommes assis, avons développé ensemble l’histoire… Ç’a été une excellente expérience, et nous sommes devenus amis. Sur le troisième épisode, je ne voulais sous aucun prétexte me passer de Mark. Sur L’Affrontement, je savais quelle histoire je voulais raconter dès le départ. Pour Suprématie, j’avais une idée de l’ambition de l’intrigue, mais pas de l’intrigue elle-même. Nous ne nous sommes pas précipités pour celui-là. Nous avons pris le temps de réfléch [...]

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