En couv : The Predator de Shane Black

The Predator

Un classique, une série B d’enfer, deux cross-overs pour ménagères et un reboot handicapé : la franchise Predator avait méchamment besoin qu’on lui redonne de la gueule. Une mission délicate confiée à un bidasse binoclard devenu mercenaire pour les studios !
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Faut-il croire à The Predator ? Bien sûr, on en meurt d’envie : passé le chef-d’oeuvre barbare de John McTiernan et le concentré de sauvagerie urbaine cuisiné par Stephen Hopkins avec Predator 2, le reste de la franchise fait peine à voir : entre des Alien vs. Predator où l’alien rasta se frite gentiment avec des xénomorphes baveux comme dans un jeu vidéo bas de gamme et un Predators produit par Robert Rodriguez où Adrien Brody n’est même pas foutu de tenir un flingue correctement (« Il était le seul du casting à refuser de porter une vraie arme sous prétexte que c’était trop lourd et qu’il avait trop chaud » nous confia un jour l’un de ses partenaires), il y a de quoi se fourrer la tête dans le cul d’une vache. Autant dire que l’arrivée, en 2014, de Shane Black sur un nouvel opus avait tout pour provoquer une réaction d’enthousiasme débordant chez les fans du Predator et du bonhomme, sacré « auteur le plus rebelle de Hollywood » depuis la Sainte Trinité L’Arme fatale/Le Dernier samaritain/Last Action Hero (auxquels on ajoutera le trop peu cité Au revoir à jamais). Sans oublier que le scénariste figurait au casting du Predator original dans le rôle du soldat Hawkins ! Sauf que voilà : entre-temps, malgré un passage à la mise en scène assez brillant avec le néo-noir Kiss Kiss Bang Bang, Shane Black s’est aussi rendu coupable d’une tentative aussi anecdotique que vaine de ressusciter la recette du buddy movie (The Nice Guys) et surtout d’Iron Man 3. On le voyait pourtant déjà sauver Marvel de la débâcle artistique que le studio connaissait à l’époque, d’autant qu’il avait annoncé le film comme « un techno-thriller à la Tom Clancy ». Au final, le résultat ressemblait autant à du Jack Ryan qu’Avengers à du Kubrick. Bref, voir Shane Black s’emparer de The Predator (ça sonne plus classe que Predator 4) laisse aujourd’hui un peu sceptique. Sans aller jusqu’à faire du bonhomme un auteur qui n’est plus que l’ombre de lui-même, l’industrie a changé depuis ses heures de gloire, et l’on est en droit de se demander si Shane Black n’est pas le vestige d’une époque révolue qu’on essaie de nous vendre comme un électron libre.



BAND OF BROTHERS
Reste qu’au-delà d’un discours promo racontant un peu tout et n’importe quoi histoire de raccrocher le plus de wagons possibles (comme dire que l’objectif du film est de « ressusciter le sens du merveilleux et de l’inédit de Rencontres du troisième type », ce qui revient un peu à comparer Alien : Covenant à E.T., l’extra-terrestre), il est possible que The Predator marque le come-back du Shane Black qu’on aimait tant dans les années 80/90. D’abord parce qu’il a écrit le film avec son vieux camarade Fred Dekker. Ensemble, ils ont rédigé au début des années 80 Shadow Company, un formidable mélange entre Platoon et L’Exorciste destiné à John Carpenter qui ne sera jamais tourné, avant d’enchaîner sur le savoureux Monster Squad, réalisé par Dekker. Plus récemment, Black a mis en boîte Edge, un pilote pour une série western également écrite avec Dekker et jugé tellement gore que le tournage des autres épisodes est annulé d’entrée de jeu. De quoi rappeler que Dekker n’est pas seulement l’auteur de RoboCop 3, mais aussi du très hargneux Ricochet de Russell Mulcahy. De toute évidence, Black et Dekker (ça ne s’invente pas), c’est un alliage qui fonctionne du tonnerre, ce qui nous amène au deuxième élément apte à faire de The Predator un spectacle à la hauteur : l’histoire. En effet, plutôt que de nous refaire le plan du commando surentraîné et armé jusqu’aux dents dépassé par les événements, le récit inverse le processus en opposant au Predator des adversaires qui sont loin d’être en pleine possession de leurs moyens. A été recruté pour l’occasion un casting pour le moins solide : agent de la DEA dans Narcos et bad guy mad-maxien dans Logan, Boyd Holbrook prête sa belle gueule à Quinn McKenna, un ex-Ranger que tout le monde prend pour un dingue, tandis que Thomas Jane campe Baxley (un nom emprunté à Craig Baxley, le réal’ de seconde équipe de Predator), un vétéran des guerres du Moyen-Orient souffrant de stress post-traumatique. Ils sont flanqués par trois anciens Marines (Trevante Rhodes de Moonlight, Alfie Allen de Game of Thrones et Keegan-Michael Key, compère comique de Jordan Peele) et par un pilote de Black Hawk atteint de terribles migraines depuis qu’il a subi un traumatisme crânien dans le crash de son hélico (Augusto Aguilera, qu’on verra bientôt dans la série de Nicolas Winding Refn Too Old To Die Young). De véritables chiens errants, auxquels viennent s’ajouter une biologiste qui ne s’en laisse pas compter (Olivia Munn, à peine sortie des zones de combat de la série Six sur les Navy SEALs) et Rory, le jeune fils de McKenna (Jacob Tremblay, vu dans Room et Ne t’endors pas). C’est à cause d’un artefact découvert par l’enfant que le Predator va revenir sur Terre, dans la paisible petite ville de banlieue où se déroule en partie l’action. Mais Rory est aussi un gosse martyrisé par ses camarades de classe, et va se révéler crucial dans le récit puisqu’il est capable d’apprendre n’importe quelle langue beaucoup plus vite que la normale. Le langage, une thématique chère au cinéma de McTiernan et qui trouve ici une nouvelle façon de s’exprimer à travers un personnage très spielbergien – Shane Black ne cache pas que The Predator doit aussi beaucoup aux productions Amblin des années 80, et on peut lui faire confiance pour que ce ne soit pas à la manière putassière de Stranger Things. Histoire d’enfoncer le clou, on a même droit à Sterling K. Brown de This Is Us en agent du gouvernement, au buriné Edward James Olmos en général et, suprême hommage, à Jake Busey dans le rôle du fils de Peter Keyes, l’agent de la NSA que jouait son père Gary dans Predator 2. Quant à Schwarzenegger, malgré l’insistance de Shane Black pour qu’il revienne en major Dutch Schaefer le temps d’une brève apparition, pas de chance : guère conquis par ce qu’il a lu du scénario et sans doute un peu vexé qu’on ne lui propose qu’un caméo, Arnold refuse tout net de rempiler.



LE FILM DE LA DERNIÈRE CHANCE ?
C’est donc à un véritable film de guerre qu’il faut s’attendre (le premier opus n’était d’ailleurs pas autre chose qu’une relecture d’Aventures en Birmanie de Raoul Walsh et des Maraudeurs attaquent de Samuel Fuller), même si Shane Black prend bien soin de relativiser la chose : « Malgré les apparences, il y a quelque chose qui est très important à mes yeux : c’est de ne pas glorifier la guerre. J’ai grandi en voyant des films qui n’étaient pas du genre à romancer le frisson du combat, mais qui célébraient la camaraderie entre les hommes sur le champ de bataille. Il y a beaucoup de ça dans The Predator. ». Sans aller jusqu’à imaginer que le monsieur nous a pondu une version SF du Croix de fer de Sam Peckinpah, il y a donc de bonnes chances pour que l’union fasse la force face au Predator et qu’on retrouve dans le film un peu du Retour vers l’enfer de Ted Kotcheff – qui, déjà, faisait appel à des soldats méchamment rouillés, voire parfois paralysés par la trouille. On se raccroche à ce qu’on peut. Tout block [...]

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