En couv : 2018 AVANT LA CHUTE DE HOLLYWOOD ?

Comme le veut la tradition, nous braquons nos projecteurs sur les rendez-vous incontournables de 2018. L’enjeu est de taille, puisque l’année doit marquer le retour, direct ou par procuration, de Terry Gilliam, James Cameron, John Carpenter, Steven Spielberg, Pascal Laugier, Guillermo del Toro, J.A. Bayona, Bong Joon-ho ou encore Brad Bird. Toute la question est de savoir si ces auteurs parviendront à faire entendre leur voix au sein d’un système de production toujours plus étouffant…
Array

L’année 2018 sera déjà celle de Terry Gilliam, du moins on l’espère pour lui. Le réalisateur légendaire de Brazil et ex-membre des Monty Python aura donc mis près de 20 ans à boucler L’Homme qui tua Don Quichotte. Sujet du passionnant documentaire Lost in La Mancha de Keith Fulton et Louis Pepe (déjà responsables de l’extraordinaire making of de L’Armée des 12 singes), le tournage désastreux et inachevé de 2000 avait été classé par la compagnie d’assurance comme une intervention divine. Une longue bataille juridique avait suivi, Gilliam ne parvenant à récupérer les droits qu’une décennie plus tard. Entre-temps, le cinéaste avait perdu ses stars, dont Jean Rochefort, Johnny Depp, Vanessa Paradis, Miranda Richardson, Christopher Eccleston et Ian Holm, mais aussi ses investisseurs. En 2008, Gilliam tente de ressusciter le projet avec son vieux compère Michael Palin dans le rôle principal, en vain. En 2010, le film manque de se faire avec Robert Duvall et Ewan McGregor, mais le budget s’effondre. En 2015, au terme d’un montage financier toujours aussi fragile, le réalisateur signe avec John Hurt dans le rôle-titre, et Jack O’Connell dans celui de son compagnon de route : un jeune yuppie qui se retrouve propulsé du XXIe au XVIIe siècle, où Don Quichotte le confond avec Sancho Panza. Nouveau coup dur : la santé de John Hurt se dégrade rapidement et le comédien doit tirer sa révérence (il décédera un an et demi plus tard). En 2016, alors que personne n’y croit plus, Gilliam annonce en plein Festival de Cannes avoir enfin débloqué la situation, grâce à l’implication d’un certain Adam Driver, tout juste sorti du triomphe du Réveil de la force. Michael Palin est de nouveau casté dans le rôle de Don Quichotte, mais à quelques jours du tournage, la production est reportée sans date, à cause d’un producteur portugais incapable de prouver qu’il avait l’argent nécessaire sur son compte en banque. Gilliam doit attendre mars 2017, et au passage changer sa star : il retrouve pour l’occasion Jonathan Pryce, qui lui avait finalement porté chance sur Brazil. En juin, Terry Gilliam annonce sur Facebook que L’Homme qui tua Don Quichotte est enfin dans la boîte. Après une odyssée unique dans l’Histoire du 7e Art, le film devrait être visible dès mai 2018, à l’occasion d’un certain festival…




PASSION DÉVORANTE
Un autre projet obsessionnel doit également voir le jour en 2018, après un tunnel créatif de près de quinze ans. Son titre ? Alita : Battle Angel, que Robert Rodriguez a tourné dans le plus grand secret pour la Fox et Lightstorm, la société de James Cameron, en vue d’une sortie estivale (le 25 juillet chez nous). La genèse du long-métrage est étroitement liée à celle d’Avatar. Dès le début des années 2000, James Cameron évoque son intérêt pour le manga Gunnm, dont l’héroïne artificielle pourrait révolutionner le médium de la motion capture. Sept ans plus tôt, le cinéaste caressait déjà l’idée d’entrecroiser performances d’acteurs et effets visuels de pointe avec Avatar, mais un devis pharaonique (plus de 500 millions de dollars de l’époque) l’avait poussé à se rabattre sur un projet plus « intime », revenant sur le naufrage d’un célèbre navire. Suite au triomphe de Titanic, Cameron est plus puissant que jamais, et Fox l’implore littéralement de rester sous son pavillon. Deux projets sont lancés en parallèle chez Lightstorm, bénéficiant chacun d’une enveloppe de préproduction de plusieurs millions de dollars. Avatar d’un côté, Battle Angel Alita de l’autre. En 2005, la directrice de casting Mali Finn commence à distribuer les rôles d’Alita et le Hollywood Reporter mentionne l’arrivée au sein de l’équipe de la productrice Emma Watts, avec un début de tournage prévu dès février 2006. Mais au dernier moment, Cameron change son fusil d’épaule, préférant placer ses efforts dans un univers qu’il a créé de toute pièce, plutôt que dans l’adaptation d’une oeuvre fondée par un autre. On connaît la suite : fruit de quatre années de production, Avatar rapporte 2,788 milliards de dollars en salles (il aurait pu faire beaucoup plus si Le Choc des titans et Alice au pays des merveilles ne lui avaient pas « confisqué » ses écrans 3D), et Cameron entame le développement de quatre suites. Trop occupé sur son nouvel univers, l’auteur n’a plus le temps de concrétiser Alita, mais l’idée que le travail accompli ait été vain commence à le hanter. Au début des années 2010, il prend contact avec Robert Rodriguez, dont il respecte l’indépendance totale et l’expérience des tournages virtuels, et lui confie les 600 pages de script et d’annotations rédigées pour Battle Angel Alita. Rodriguez accepte d’en tirer un scénario de 120 pages, et Cameron est tellement satisfait du résultat qu’il lui propose de réaliser le long-métrage lui-même. Difficile de savoir ce que Rodriguez a conservé du projet de Cameron, ou si le design du personnage central (avec des yeux proéminents et une bouche minuscule) était déjà là depuis les origines. Depuis la parution du teaser sur la toile, la planète geek condamne sans la moindre retenue la vision de Rodriguez, décrit comme un mercenaire s’amusant à trahir les visions de son commanditaire. Derrière l’esthétique déstabilisante des premières images, on décèle pourtant une proposition assez radicale, qui a sans doute beaucoup plus de choses à offrir que ce postulat de départ. Reste à savoir si le public suivra, l’échec récent de l’adaptation live de Ghost in the Shell n’augurant pas d’un furieux engouement pour ce type de long-métrage…

L’ÉTOFFE DES HÉROS
Outre Alita, d’autres héroïnes devraient faire parler d’elles cette année, à commencer par Lara Croft. La franchise Tomb Raider a en effet droit à son reboot (sortie le 14 mars), directement adapté des derniers jeux vidéo de Crystal Dynamics. Monolithique dans le dernier Jason Bourne, apparemment beaucoup moins dans le prochain Tulip Fever, Alicia Vikander reprend le rôle popularisé par Angelina Jolie, mais le spectacle exhibé par la bande-annonce ne paraît pas plus intelligent que celui des deux premiers films, signés Simon West et Jan de Bont. Au rayon origin story, on est un peu plus curieux de découvrir ce que nous réserve Solo : A Star Wars Story, surtout après les embrouilles délirantes qui ont animé son tournage. Le projet remonte à l’achat de Lucasfilm par Disney : nommée par George Lucas en personne, Kathleen Kennedy décide de s’entourer très tôt de créatifs intimement liés à la saga. Scénariste de L’Empire contre-attaque, du Retour du Jedi et des Aventuriers de l’Arche perdue, Lawrence Kasdan est l’un des premiers à être contactés, Kennedy lui soumettant plusieurs spin-off potentiels. Le réalisateur de Wyatt Earp jette rapidement son dévolu sur une aventure isolée du jeune Han Solo, qu’il décide d’écrire avec son fils Jon, auteur des comédies romantiques In the Land of Women et The First Time. En plein développement de Solo, Michael Arndt est débarqué du script d’Épisode VII, et Kasdan accepte de prêter main-forte à J.J. Abrams. Une fois Le Réveil de la force sur les rails, l’auteur s’en va boucler Solo, tandis que Kennedy part en quête du réalisateur idéal. Elle croit en trouver deux : Phil Lord et Chris Miller, les deux petits génies responsables de Tempête de boulettes géantes et La Grande aventure Lego, qui viennent de passer au live avec 21 Jump Street et sa suite. Fin janvier 2017, les prises de vue commencent, avec un certain Alden Ehrenreich dans le rôle titre, et à ses côtés des pointures comme Woody Harrelson, Emilia Clarke et Paul Bettany. En juin, après cinq mois de tournage, Lucasfilm annonce soudain le renvoi de Lord et Miller, suite à d’irrémédiables différends artistiques. Selon des sources anonymes, Ehrenreich a besoin de cours de comédie, et les metteurs en scène improvisent tellement que l’intrigue commence à s’éloigner drastiquement du script des Kasdan. Après leur avoir laissé le bénéfice du doute aussi longtemps que possible, Kennedy laisse tomber le couperet, et engage à leur place ce bon vieux Ron Howard, auquel George Lucas avait jadis proposé les rênes de La Menace fantôme ! En quelques jours, le réalisateur de Willow reprend les choses en main, inondant Twitter de selfies rigolards censés traduire une ambiance au beau fixe. Au final, 75 % du film devraient être signés Howard, le reste étant constitué d’inserts et de prises triées sur le volet par les pontes de Lucasfilm et Disney. Le rafistolage sera-t-il aussi fluide que celui de Rogue One ? On le saura le 23 mai prochain.



TOUS AUX ABRIS

Bien que très occupée sur l’univers étendu de Star Wars, Kathleen Kennedy reste l’une des principales têtes pensantes d’Amblin, plus spécifiquement de la saga Jurassic Park. Ironiquement, alors qu’elle a subitement dégagé Colin Trevorrow d’Épisode IX (la rumeur met en cause l’ego surdimensionné du réalisateur) pour le remplacer par J.J. Abrams, Kennedy doit toujours collaborer avec lui sur la suite de Jurassic World, qu’il écrit et produit. Intitulée Fallen Kingdom, cette séquelle (pr&e [...]

Il vous reste 70 % de l'article à lire

Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.

Découvrir nos offres d'abonnement
Commentaire(s) (1)
decebe
le 06/01/2018 à 12:10

Une année 2018 qui s’annonce être une bonne cuvée malgrès le modèle de plus en plus présent et pesant du système Disney. Outre le retour attendu de Del Toro et Jackson, je suis curieux de voir le traitement que donnera Spielberg à READY PLAYER ONE. Si le livre est un régal pour le geek que je suis (malgré une histoire assez convenue), j’espère que Spielberg traitera l’histoire aussi sérieusement qu’il l’a toujours fait lorsqu’il a abordé un thème de SF. Pour peu qu’il dénonce la transformation du système hollywoodien, comme tu le soulève dans ton article, je suis preneur.

Ajout d'un commentaire

Connexion à votre compte

Connexion à votre compte