DVD MAD (N°328)
L’Éventreur de New York
Dans la carrière de Lucio Fulci, L’Éventreur de New York marque une étape : la fin de l’Âge d’Or du cinéaste, période faste durant laquelle se succédèrent L’Enfer des zombies, Frayeurs, L’Au-delà et La Maison près du cimetière. Un retour au giallo aussi, genre auquel il offrit Perversion Story ou Le Venin de la peur. En cette année 1982, Dario Argento renoue lui aussi avec le genre par l’intermédiaire de Ténèbres. Le marché de l’horreur se montre favorable au retour des assassins aux mains gantées. Effectivement, dans le scénario de L’Éventreur de New York, tout y est : un tueur, des femmes sacrifiées sur l’autel de pulsions psychotiques, une rancune tenace… Toutefois, sur le plan esthétique, Fulci s’éloigne du giallo traditionnel et lorgne plutôt du côté du Maniac de William Lustig. « L’Éventreur de New York est un film que j’ai tourné à l’américaine, à la William Friedkin » confirme le réalisateur, tout en évoquant également « un hommage à Alfred Hitchcock ».
« J’ai désiré le film aussi réaliste que possible et, à travers lui, montrer un New York qui n’a rien de commun avec celui des cartes postales » poursuit-il. Lucio Fulci et son équipe plantent donc pendant quatre semaines leurs caméras dans la Grosse Pomme, afin de filmer les méfaits d’un serial killer qui s’exprime avec une voix de canard. Moins gentil que Donald Duck, l’individu en question s’épanouit dans un sadisme dont le regard souvent complaisant du réalisateur ne rate aucun détail. Cran d’arrêt qui déchire un corps, tesson de bouteille dans le bas ventre, lame de rasoir tranchant un téton puis un oeil… Lucio y va fort. Des meurtres si abominables que le coscénariste Dardano Sacchetti s’en désolidarise : « D’où sortent ces idées ? De l’esprit pervers de Lucio Fulci ! Au quotidien, c’est le plus gentil des hommes, mais, à l’écran, il se lâche. » En particulier dans L’Éventreur de New York où, quand il ne s’attarde pas sur un meurtre, Lucio Fulci filme assez longuement un autre style d’ébats, quitte à donner dans la gratuité. Une critique qu’il n’accepte pas. « De mon point de vue, ces séquences de sexe n’ont rien de gratuit » explique-t-il. « Elles se justifient dans la mesure où l’assassin agit en fonction de sa fille qui, selon lui, n’a jamais eu sa chance dans une société aussi compétitive que celle des États-Unis. Cet argument peut ressembler à un prétexte, ce n’est pourtant pas le cas. »
Dans sa version initiale, L’Éventreur de New York racontait ironiquement une histoire assez différente. « Avant que j’intervienne, deux autres scénaristes, Gianfranco Clerici et Vincenzo Mannino, ont écrit plusieurs traitements d’un script où le tueur souffrait de progéria, une maladie génétique qui se traduit par un vieillissement accéléré » explique Dardano Sacchetti. « De ce fait, il échappait toujours à la police, lancée sur la trace d’un homme plus jeune. Dix jours avant que ne commence le tournage, Lucio Fulci et Fabrizio De Angelis, le producteur, ont estimé que cet argument risquait de déboucher sur un film faible. Ils ont alors fait appel à mes services. En quatre ou cinq jours, j’ai réécrit le scénario de manière à remplacer ce tueur par un autre, plus conventionnel, et s’attaquant à des filles faciles. Un peu sur le modèle de Jack l’Éventreur, comme le voulait Fulci. » L’idée de la progéria servira cinq ans plus tard à Ruggero Deodato pour Le Tueur de la pleine lune. Dans le cinéma italien, rien ne se perd jamais.