DVD MAD (N°319)

Jeu d'enfant

Ce mois-ci avec votre Mad, un classique d’entre les classiques, naissance d’un boogeyman de plastique dont la genèse fut plus problématique qu’on ne le croit…
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Qui, au début des années 1980, a vraiment créé la poupée Chucky, aujourd’hui croquemitaine star de sept films et d’un projet de série ? Officiellement, il s’agit de Don Mancini, encore étudiant quand il écrit un scénario intitulé Blood Buddy. L’histoire d’un garçonnet perturbé qui, pendant son sommeil, se projette dans une poupée qu’il envoie éliminer quiconque l’aurait contrarié durant la journée : son institutrice, sa nounou… et bientôt sa maman. Un tueur malgré lui au centre d’un récit que son auteur qualifie de « satire noire de la société de consommation ». À Hollywood, personne ne veut du manuscrit, pas même Roger Corman et Charles Band. Le scénario aurait probablement fini sur une étagère si le producteur David Kirschner n’avait pas été en quête d’un film de poupée fortement teinté d’épouvante.

Faute de n’avoir pu acquérir les droits du roman The Dollhouse Murders de Betty Ren Wright, Kirschner se replie sur les écrits de Don Mancini. Un contrat est signé, un studio (United Artists) se manifeste… Tous tombent d’accord sur un nom de réalisateur : Tom Holland, dont le Vampire, vous avez dit vampire ? vient de casser la baraque au box-office. S’il se montre intéressé, le réalisateur juge « peu sympathique » le gamin au centre de l’histoire, qu’il considère « sans antagonisme ». Plusieurs semaines plus tard, il quitte Blood Buddy pour le thriller Fatal Beauty. Pendant ce temps, un scénariste fraîchement engagé, John Lafia, se met au travail, alors que se succèdent au poste de metteur en scène le tandem Rocky Morton/Annabel Jankel (Max Headroom) puis Joseph Ruben (Dreamscape). Retour de Tom Holland, qui intervient directement dans la rédaction du script. Il déclare avoir imaginé un serial killer traqué par la police qui transfère, grâce à la magie vaudou, son esprit dans la carcasse d’une poupée ensuite offerte à un gamin… Habile, et plutôt éloigné du concept de Don Mancini. Par conséquent, Tom Holland ne voit pas de problème à parler d’un script « original » aux journalistes. Plus encore que Lafia, Mancini accuse mal le coup. David Kirschner leur donne raison : « Don Mancini est à l’origine du projet. John Lafia a écrit la deuxième version du scénario, celle qui a permis que le film obtienne définitivement un feu vert du studio. ». Les deux hommes saisissent la Writers Guild of America, l’association des scénaristes. Tom Holland réplique en interdisant le plateau aux protestataires, qui ont pourtant reconnu que le réalisateur a bien participé aux ultimes aménagements du script.

Épinglé, Tom Holland finit par calmer le jeu, se souvenant qu’avant de passer derrière la caméra, il était lui aussi scénariste. « À l’époque, la Writers Guild m’a protégé des velléités de certains réalisateurs, et elle s’est montrée très efficace » concède-t-il. « Maintenant que les rôles ont été inversés, je soutiens à fond les scénaristes. » Soit, sans les nommer, John Lafia et Don Mancini. Que le premier ait lui-même mis en images le second volet, Chucky, la poupée de sang, a certainement beaucoup à voir avec ses « bons et loyaux services » sur le film original. Quant au second, 30 ans plus tard, il joue toujours à la poupée, scénariste et réalisateur officiel de la saga depuis 2004. C’est dire à quel point les coulisses mouvementées de cet opus fondateur ont façonné la franchise. Mais l’essentiel est devant la caméra, via la naissance, à travers une série B hitchcockienne savamment emballée, d’une icône de l’horreur à qui les effets speciaux live confèrent une vie que toutes les CGI du monde ne sauraient enfanter. 

 

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