DVD MAD (N°318)

L'Enfer des zombies

Même s’il avait déjà tâté de l’horreur dans des westerns sadiques et des thrillers, le maestro y plongeait complètement avec ce film révolutionnaire, qui transcendait son statut de vil plagiat pour emmener le gore sur les rives du surnaturel. Un monument qui accompagne ce mois-ci votre Mad en version DVD.
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L’Enfer des zombies tient à la fois du plagiat opportuniste et de la création séminale. On sait en effet qu’il a été mis en chantier pour profiter du succès du Dawn of the Dead (intitulé Zombie en France, et Zombi sans « e » en Italie) réalisé par George Romero et coproduit par Dario Argento, lequel sera furieux de cette suite pirate. Mais d’un autre côté, le résultat réinvente suffisamment son modèle pour qu’on puisse y voir la véritable matrice du mini-genre qui fera autorité au-delà des Alpes pendant une poignée d’années.

L’idée de départ de L’Enfer des zombies vient en fait du producteur Gianfranco Couyoumdjian, qui avait été fort marqué par un épisode de la fameuse BD western Tex Willer où le héros affrontait des morts-vivants. La commande consistait donc à mélanger horreur et cinéma d’aventure, selon une formule qui allait faire florès dans une industrie transalpine déjà rodée aux cannibales primitifs et aux bandes érotico-exotiques.

Du coup, le scénario prend naturellement la direction des Caraïbes, le lieu d’origine du mythe vaudou du mort-vivant. C’est là que débarquent un journaliste et une jeune femme, à la recherche du père de cette dernière, après l’apparition inexpliquée du voilier du papa en pleine baie de New York avec pour seul occupant un zombie corpulent. Mais ce que nos héros découvrent sur l’île maudite de Matul n’a vraiment rien à voir avec une carte postale tropicale : un vent lugubre balaie un village miséreux, les malades agonisent dans un dispensaire rempli de suaires lépreux… et les cadavres sont sortis de leur tombe pour dévorer les vivants. Ainsi, L’Enfer des zombies restera inoubliable pour son atmosphère moite et putride, musclée par des débordements sanglants inouïs dus à ce grand malade de Giannetto De Rossi.

Cependant, si le film est vraiment à marquer d’une pierre blanche, c’est peut-être parce que le gore s’y écarte de l’hyperréalisme traditionnel. Ici, il ne s’agit plus d’aller plus loin, mais d’aller ailleurs. Il n’est pas question de montrer l’in-montrable, mais l’invisible. Car à la différence des efforts de Romero (qui, au fond, participaient encore de la science-fiction), on bascule dans le fantastique pur avec L’Enfer des zombies. La preuve réside dans le personnage du scientifique habitant l’île, incarné par l’excellent Richard Johnson : après avoir mené divers types de recherches, il doit reconnaître que l’explication rationnelle du phénomène des cadavres ambulants est introuvable, et donc admettre la réalité du surnaturel lié à la religion vaudou.

Et c’est sans doute là que se situe l’apport particulier de Lucio Fulci. Alors au creux de la vague, il avait été bombardé un peu par hasard à la réalisation de ce Zombi 2, dont le succès retentissant allait relancer inopinément sa carrière. Mais fort de son nouveau statut de maître de l’horreur, il s’est lancé à corps perdu dans le genre (avec un brin de perfidie, Sacchetti raconte que le cinéaste s’est alors mis à lire frénétiquement Lovecraft, qu’il ne connaissait pas), y ayant trouvé sa véritable voie. Car par la suite, Fulci allait souvent faire revenir les morts-vivants et les déluges de barbaque et d’hémoglobine, pour concevoir des cauchemars surréels obéissant de plus en plus aux rouages de l’inconscient plutôt qu’à la raison logique. En l’espace de seulement deux ans, il complétait ainsi une sorte de Tétralogie de l’Enfer avec trois autres chefs-d’œuvre : Frayeurs, L’Au-delà et La Maison près du cimetière.

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