Le magazine Rolling Stone dit de The Greasy Strangler qu’il est « le film le plus dégueulasse de 2016 ». Probable. Dégueu et assez drôle dans sa manière de se réclamer plus ou moins consciemment du John Waters de Pink Flamingos, tout en empruntant beaucoup au style de Wes Anderson, particulièrement de La Vie aquatique qui, justement, traite des liens pas simples entre un père océanographe et son fils.

The Greasy Strangler ne fait pas autre chose. Au centre du récit : un géniteur et son rejeton, guides d’un « disco tour » qui consiste à revenir sur les lieux où des stars de la chanson, comme les Bee Gees et Earth, Wind & Fire, sont supposées avoir vécu. Pur mensonge. Difficile de faire plus minable. Entre ces deux-là, les choses tournent au vinaigre lorsqu’une femme, pas franchement une beauté, entre dans leur vie. Ils se la disputent quand ils ne se goinfrent pas de plats baignant dans l’huile. Le père surtout qui, la nuit venue, se transforme en Greasy Strangler (« l’étrangleur graisseux » !) afin de se venger de ceux qui l’ont contrarié dans la journée. Un scénario coécrit et mis en images par l’Anglais Jim Hosking, dont il s’agit du premier long-métrage. « Auparavant, j’ai tourné plusieurs courts, dont un pour The ABCs of Death 2, G is for Grandad » se présente-t-il. Un sketch qui, déjà, confrontait un grand-père et son petit-fils après que le second eut critiqué le cognac du premier. Un authentique préambule à The Greasy Strangler.

« Les rapports difficiles entre père et fils constituent une source inépuisable de scripts, de livres. Nous en sommes tous là, nous les hommes. Ça ne marcherait pas de la même manière entre une mère et sa fille. » Jim Hosking parle de combat de coqs, d’une compétition virile entre un père nanti d’une teub spectaculaire tandis que son fiston ne soutient pas la comparaison avec un pénis ridiculement petit. Est-ce à dire que The Greasy Strangler déballe la marchandise en toute impudeur ? Oui et non puisque, aux véritables membres, se substituent des prothèses. Idem pour le pilou-pilou de l’objet de leur dispute : un tablier de forgeron aussi fourni que manifestement faux ! Tout à fait intentionnel de la part du réalisateur. « Je ne voulais pas bêtement choquer ! » se défend-il. « Avec The Greasy Strangler, j’ai essayé de réaliser quelque chose d’amusant, d’un peu triste et de beau sur le plan visuel, plutôt que d’aller vers le purement grotesque. J’ai aussi tenté d’y créer un cocktail de sensations familières qui, mélangées et scrupuleusement dosées, dégagent une odeur tenace que vous ne pourrez pas vous empêcher de renifler tant elle tient au corps ! » Vaste débat, mais ne parlez pas de mauvais goût à Jim Hosking, même si les arômes que distillent son travail n’ont rien du N°5 de Chanel. « Sincèrement, mon film n’est pas de cette espèce. Le mauvais goût, c’est Facebook, Twitter, Instagram, ces réseaux sociaux où certains individus essaient de se faire passer pour les gens propres et sophistiqués qu’ils ne sont pas ! The Greasy Strangler n’est pas de mauvais goût. Il reflète la réalité, libère les sentiments. Il porte le bon goût en étendard. » Du moins selon un réalisateur qui l’exprime à sa façon, via notamment un numéro de danse où le père se dandine vêtu d’une panoplie disco largement ouverte sur l’entrejambe. L’un des grands moments de cette satire stoïque dans laquelle on gobe aussi des yeux à la broche, où l’on joue au basket avec la tête coupée à la scie d’un aveugle… « Je suis étonné que des spectateurs puissent être choqués ! » déplore Jim Hosking. « Il s’agit d’humour ! »

Lors de son lancement, le projet séduit notamment le comédien Elijah Wood, le cinéaste Ben Wheatley (High-Rise) et quelques autres, qui jugent la chose à ce point originale et bourrée de promesses qu’ils s’y engagent comme producteurs. Ils ne se sont pas trompés : The Greasy Strangler sort radicalement des sentiers battus, beaucoup plus soigné et léché que l’image de comédie trash foutraque à la Troma qu’il véhicule, genre Toxic Avenger sur le retour. Poétique et surréaliste également, totalement décomplexé à laver du linge sale familial sur la place publique. « Et d’une certaine manière enfantin, proche de l’animation » ajoute Hosking, qui en profite pour signaler que les Wallace & Gromit comptent parmi ses oeuvres favorites. Ce qui s’appelle cultiver le paradoxe.