DVD MAD (N°303)
31
Dix ans après l’émergence de la vague du torture porn, qu’en reste-t-il ? Pas grand-chose, il faut le reconnaître. Hier lucratif et tendance, ce sous-genre ultra violent popularisé par des titres comme Saw, La Colline a des yeux ou Hostel, se voit désormais cantonné à la VOD, les salles de cinéma préférant diffuser les films de fantômes et autres found footage dont raffolent les teenagers américains. Volontairement ou non, la plupart des réalisateurs issus du « splat pack » ont donc fini par s’envoler vers de nouveaux horizons, comme le démontrent les carrières de l’Australien James Wan (Fast & Furious 7), de l’Américain Eli Roth (Knock Knock) ou du Français Alexandre Aja (Horns). Rob Zombie, lui, fait partie des rares membres du club à ne pas avoir changé son fusil d’épaule. Pas forcément par choix d’ailleurs, puisqu’il a souvent tenté de mettre sur pied des projets (un remake du Blob, le film de hockey sur glace Broad Street Bullies…) qui auraient pu lui permettre de s’extirper d’un carcan qu’il explore depuis La Maison des 1000 morts, son tout premier effort datant de 2003. Ne parvenant pas à trouver son bonheur chez les majors, Zombie s’est finalement lancé dans l’aventure du guerilla filmmaking avec 31, qu’il a monté en totale indépendance (non sans l’aide du financement participatif) afin de palier le désintérêt de producteurs ayant tourné le dos au gore et la terreur dite « réaliste ». Sauf lorsque ces éléments sont liés à une marque préexistante telle que Saw ou Vendredi 13…
1975. Cinq forains parcourent la route dans leur van. Une nuit, ils sont kidnappés puis retenus en otage dans une usine désaffectée où ils sont forcés de participer à un jeu de rôle grandeur nature. Le but ? Survivre pendant douze heures aux assauts d’un gang de clowns particulièrement vicieux… Doté d’un pitch aussi simple qu’excitant, 31 pourrait se définir comme une relecture déjantée des Chasses du comte Zaroff dont il reprend notamment le sous-texte social en opposant l’Amérique des désoeuvrés à une aristocratie décadente. Alléchante sur le papier, cette lutte des clans s’avère, il est vrai, quelque peu survolé par un Rob Zombie manquant de sagacité, la faute sans doute à une vision trop unilatéralement « zombienne » de protagonistes qu’on aurait aimés moins schématiques dans leur caractérisation et leur évolution. Heureusement, Zombie compense cet écueil en apposant sa patte inimitable à un univers à la fois hétéroclite et cohérent, trash et ludique, sorte de patchwork provocateur où s’entrechoquent les spectres de H.G. Lewis, Alejandro Jodorowsky et Tobe Hooper. Loin des yes men qui se contentent de dire « action » et « coupez » en sirotant un café, Zombie s’est imposé au fil des années comme un véritable maniaque du détail totalement investi dans les moindres aspects d’une oeuvre à la direction artistique tout simplement bluffante pour une série B tournée dans des conditions minimalistes (le visionnage du colossal making of In Hell Everybody Loves Popcorn est chaudement recommandé). Qu’il s’agisse de la lumière, des costumes ou de la bande-son, rien n’échappe à Rob, dont la sensibilité « rock » est aussi vivace qu’à ses débuts musicaux, où il concevait méticuleusement les clips de son groupe White Zombie. Souvent outrancier mais jamais parodique, 31 bénéficie en outre d’une trame dégraissée jusqu’à la moelle qui permet d’insuffler à l’ensemble un véritable sentiment d’urgence. D’autant que le script privilégie une unité d’action, de temps et de lieu héritée des meilleurs jeux vidéo tendance survival horror. Il faut voir les protagonistes menés par Sheri Moon Zombie évoluer, la peur au ventre, dans d’impressionnants décors décrépits au sein desquels rôdent une brochette de méchants atypiques (nains nazis, sadiques à la tronçonneuse…) que le réalisateur de The Devil’s Rejects cadre – avec un amour non feint – comme de véritables boss de fin de niveau. Mais la grande star de 31 reste bien sûr Doom-Head (Richard Brake, impressionnant), un psychopathe charismatique qui compenseson physique filiforme et ingrat par une sauvagerie et une perversité proprement glaçantes… Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est lui qui ouvre le bal via un monologue qui ferait plaisir à Quentin Tarantino. Et à l’instar du metteur en scène des Huit salopards, Rob Zombie prouve qu’il n’a pas son pareil pour réunir une distribution digne de ce nom en faisant appel à des personnalités telles que Malcolm McDowell, Ginger Lynn, Lawrence Hilton-Jacobs et Meg Foster, des « gueules » que les exécutifs hollywoodiens ne manqueraient pas de juger dépassées, trop burinées ou pas suffisamment bankables. Fort de leur expérience, ces comédiens aguerris s’en donnent bien évidemment à coeur joie tout en apportant un soupçon d’âme à ce shocker qui, s’il souffre d’une topographie parfois brouillonne (à en croire les images de tournage, le choix du ratio 2.39 semble avoir été décidé a posteriori), propose un spectacle singulier, énervé et énergique, à mille lieues des productions formatées qui se bousculent dans les multiplexes. À défaut de marquer une révolution pour son concepteur, 31 s’impose donc comme une solide pierre ajoutée à l’édifice de la carrière d’un Rob Zombie plus que jamais star de son petit théâtre.
Jérôme satriani
le 09/06/2017 à 06:35Loin d'être le meilleur rob zombie .. il n'en est pas moins que le film comporte quelques trucs intéressants qui le sauve..mais rob avait mis la barre très haute avec sa maison des 1000 morts ..devil's rejects etc...au final malgrés le bashing autour du film je n'ai pas été aussi déçu que ça